Beaucoup dépendra de la normalisation de l’inflation américaine

François Savary, Prime Partners

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La Réserve Fédérale US – et par voie de conséquence les investisseurs – ont commencé 2022 sur les «charbons ardents».

Le moins que l’on puisse dire est que le début d’année sur les marchés est erratique. Qu’il s’agisse des bourses, des marchés obligataires ou des devises, nul ne peut nier qu’il y a comme de l’électricité de l’air. Alors que 2021 s’était relativement bien terminée, en partie grâce à une Réserve Fédérale qui semblait avoir trouvé la capacité de convaincre les marchés qu’elle serait en mesure de gérer efficacement le changement de cap monétaire en cours, les minutes de sa réunion de décembre ont pris les investisseurs «à revers» en donnant l’impression que les risques d’une erreur «majeure» dans la conduite de la politique monétaire avaient sensiblement augmenté. La tension (importante) sur les taux d’intérêt depuis le début de l’année, surtout sur les échéances jusqu’à 10 ans, a agi comme un coup de semonce et largement pesé sur les actions d’une part et sur la performance relative des segments de croissance par rapport à ceux offrant plus de valeur, de l’autre.

Nous nous retrouvons donc dans la situation où il faut déterminer si le mouvement de tension sur le coût du capital va se poursuivre à brève échéance et donc conduire les taux à dix ans au-delà des 2% au cours des prochaines semaines. De la réponse à cette interrogation dépend, au moins en partie, la capacité de l’arbitrage croissance-value sur les marchés boursiers à poursuivre de manière linéaire (ou non) son évolution récente.

Comme d’autres observateurs, je demeure convaincu que la tension sur les taux d’intérêt réels que nous observons depuis quelques semaines ne peut pas être trop importante, en raison du risque de voir la croissance américaine subir une inflexion baissière au cours des prochains trimestres. De la même manière, je reste dans le camp de ceux qui pensent que l’inflation, qui a fortement surpris à la hausse au cours de la seconde partie de 2021, devrait engager une normalisation au cours des prochains mois ; cette dernière pourrait même être relativement importante au regard des effets de base que l’on est en droit d’attendre sur l’évolution de l’indice général des prix. Plus le reflux de prix sera important d’ci le printemps, plus on peut espérer que les investisseurs reviendront à davantage de raison sur le sentier «restrictif» de la politique monétaire, me direz-vous? Ce qui serait de nature à calmer les pressions à la hausse sur les rendements d’une part et à freiner la «correction» des segments de croissance de la cote boursière.

Les propos récents de Lael Brainard ont confirmé qu'elle reste
attachée à la norme moyenne de 2% dans la gestion de la hausse prix à moyen terme.

Comme les choses ne sont jamais simples en économie, il faut se garder d’aller trop vite en besogne : en effet, si l’on peut raisonnablement miser sur une inflexion de l’inflation au cours des prochains mois, il semble peu vraisemblable que l’on revienne sur le sentier de progression annuelle des prix que nous avons connu au cours de la décennie précédente. Les propos récents de Lael Brainard, dans le cadre des auditions relatives à sa nomination à la vice-présidence de la Fed, ont d’ailleurs confirmé que cette dernière reste attachée à la norme moyenne de 2% dans la gestion de la hausse prix à moyen terme. Dans un tel contexte, les grands argentiers américains se contenteront-ils d’une inflation qui reviendrait autour de 3.0%-3.5% au printemps? Un tel développement réduirait certainement la pression sur la banque centrale, mais serait-il de nature à remettre en cause le virage monétaire en cours? C'est peu probable. Pour qu’un tel changement se produise, il faudrait une décélération plus marquée de l’inflation qui ne nous semble pas envisageable.

En conclusion, alors que la volatilité semble faire son retour sur les marchés, de manière assez logique dans le cadre d’un changement de cap monétaire de la part de la Fed, il ne faut peut-être pas revoir trop vite à la hausse ses attentes sur les taux longs US à brève échéance. De la même manière, l’arbitrage croissance-value ne sera pas forcément aussi linéaire que certains observateurs le pensent, même si nous considérons toujours que ce «trade» fait sens dans une optique à 12 mois, au regard de la phase d’expansion conjoncturelle qui ne doit pas être remise en cause, en l’état.

La Réserve Fédérale US - et par voie de conséquence les investisseurs – ont commencé 2022 sur les «charbons ardents». Dans on tel contexte, la normalisation de la l’inflation est d’une importance d’autant plus grande. L’ampleur de celle-ci est déterminante pour redonner une forme de flexibilité à la Fed dans la gestion du relèvement des taux d’intérêt et dans la réduction (probable) de la taille de son bilan à moyen terme. Une normalisation trop faible des prix pourrait renforcer le scénario de 4 hausses des taux et augmenter le risque d’erreur funeste de politique monétaire. L’inflation qui a déjà fait l’objet de toutes les attentions en 2021 ne va pas quitter les radars de investisseurs en 2022, loin s’en faut !   

 

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