La Banque centrale européenne vient de fêter son 25e anniversaire. Une période au cours de laquelle elle a été confrontée à des défis importants, tout comme l’euro.
La Banque centrale européenne a relevé des défis majeurs durant ces 25 dernières années: elle a dû évoluer, souvent par grandes étapes, en élaborant de nouvelles politiques tout en gagnant beaucoup plus de responsabilités en cours de route.
A l'origine, la BCE s'est inspirée de la Bundesbank allemande. Cela n’a rien de surprenant : la Bundesbank avait de loin les meilleurs résultats en matière de maintien de l'inflation à un niveau bas et stable. Elle a été l'un des rares pays à pouvoir maintenir l'inflation à un chiffre durant les turbulences des années 1970. Ainsi, le cadre et l'éthique de la politique monétaire de la BCE, qui consiste notamment à se concentrer sur les indicateurs monétaires, en tant que second facteur de fixation des taux d'intérêt, ont été hérités de la Bundesbank.
Cette approche intellectuelle de lutte contre l'inflation a assez bien fonctionné au cours de la première décennie d'existence de la BCE et de l'euro. Par la suite, elle a été fortement remise en question par la crise financière mondiale, puis par la crise de la dette souveraine européenne. Les masses monétaires de la zone euro ont augmenté rapidement au cours de ces premières années, la superposition des faibles taux d'intérêt allemands sur les autres pays membres de l'euro entraînant une croissance très rapide du crédit du secteur privé et des volumes monétaires. Face à cela, la BCE a continué à augmenter les taux d'intérêt, cela même en 2008, alors que la Réserve fédérale était déjà engagée dans un cycle de réduction agressif en réponse aux premiers signes de récession. Au lieu de suivre la Réserve fédérale et d'utiliser les taux d'intérêt pour soutenir le secteur bancaire européen en 2007, la BCE a choisi d'utiliser des injections de liquidités pour stabiliser les marchés monétaires. Cependant, le choix de continuer à augmenter les taux d'intérêt en réponse aux pressions inflationnistes et à la forte croissance des actifs financiers a conduit la BCE à resserrer sa politique monétaire, et donc la demande, jusqu'à la veille de la crise financière mondiale.
La BCE a été en outre la première banque centrale du G-7 à recommencer à augmenter les taux d'intérêt en 2011, en réponse à la forte hausse des prix des matières premières observée lors de la reprise qui a suivi la crise financière mondiale. Malheureusement, la crise de la dette souveraine européenne a coïncidé avec ce resserrement de politique, entraînant une seconde récession dans la zone euro peu après. Bien que la BCE soit intervenue sur les marchés financiers au plus fort de la tempête de la dette souveraine, ces interventions se sont avérées trop faibles pour être pertinentes et efficientes. Les mauvais résultats au cours de ces années ont conduit à une réévaluation significative de ce que devrait être une politique monétaire efficace dans la zone euro.
Ce qui s'est passé par la suite ne peut être décrit que comme une révolution, à la fois en termes de cadre intellectuel et de responsabilités en matière de politique monétaire et de stabilité financière. Le président de la BCE, M. Draghi, a fait la célèbre constatation suivante: la BCE fera «tout ce qu'il faut» pour sauver l'euro. Et la BCE a tenu cette promesse. Il est important de noter que les politiques qui ont suivi ont permis à la BCE d'intervenir directement sur les marchés des obligations d'Etat en cas de crise de la dette souveraine. Pour de nombreux pays, l'idée que la banque centrale soit responsable de la stabilité macroéconomique de l'Etat était tout simplement révolutionnaire, en particulier dans les pays germanophones.
A la suite de la crise financière mondiale, les responsables politiques européens ont également pris conscience de l'importance de la supervision de la stabilité financière d'un point de vue macroéconomique. Dans les années qui ont suivi, la surveillance financière de la BCE s'est considérablement accrue et a permis de mettre en œuvre les réglementations de Bâle III. Les régulateurs des différents pays, moins soumis à l'emprise réglementaire des institutions financières locales, ont ainsi contribué à la stabilité du système bancaire européen dans le cadre du cycle actuel de resserrement monétaire.
La BCE a fini par suivre l'exemple du Royaume-Uni et des Etats-Unis et a adopté l'assouplissement quantitatif comme outil de politique non seulement en temps de crise, mais aussi pour soutenir le mandat de stabilité des prix. S’éloignant de l’approche de la Bundesbank, la BCE s’est dotée en 2015, d'une politique monétaire et d'un cadre de stabilité financière suffisamment souples et complets afin de servir efficacement la zone euro.
Au cours des deux dernières décennies, la BCE a fait de grands progrès (r)évolutifs dans son approche de la politique monétaire et en matière de responsabilités. La politique monétaire et financière de la BCE reflète désormais beaucoup mieux les préférences souvent très hétérogènes des pays membres de la zone euro en matière d'inflation, de croissance et de politique budgétaire. La BCE continuera probablement à faire face à des défis futurs et, comme d'autres banques centrales, commettra de temps à autre des erreurs de politique. Mais si nous avons appris quelque chose des deux dernières décennies, c'est que la BCE a la volonté et la capacité de relever les défis à venir, même si son évolution est parfois plus lente que prévu.