Banques britanniques: beaucoup de bruit pour rien

Gary Kirk, TwentyFour AM

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Les médias se montrent excessivement alarmistes sur les pertes du Bounce Back Loans Scheme.

© Keystone

Ces derniers jours, notre attention a été attirée par plusieurs articles de la presse financière grand public laissant entendre que les banques britanniques seraient bientôt confrontées à une explosion des cas de défaut en raison du «Bounce Back Loans Scheme» (BBLS), un programme de prêts dits «de rebond» garantis par le gouvernement pour aider les petites entreprises à surmonter les difficultés économiques liées au coronavirus.     

Le BBLS propose en effet aux PME des facilités de crédit à partir de 2000 livres sterling et jusqu’à 25% du chiffre d’affaires de la société, à concurrence d’un montant maximum de £50'000. Ces prêts sont octroyés par des banques britanniques mais garantis à 100% par le gouvernement, qui prend en charge le règlement des intérêts durant la première année. Le programme a été qualifié de succès avec des prêts distribués pour environ 40 à 50 mia de livres sterling, une bouée de sauvetage pour de nombreuses entreprises en difficulté.

La crainte d’une explosion des taux de défaut

Le BBLS a évidemment été ficelé à la hâte, ce qui l’expose à des abus. Selon Her Majesty's Revenue and Customs, un département non ministériel du gouvernement du Royaume-Uni, jusqu’à 10% des fonds pourraient être tombés entre les mains de fraudeurs. En outre, certains articles récents estiment que le taux de défaut des prêts accordés dans le cadre du programme pourrait se situer entre 20% et 80%, bien que le flou règne sur la façon exacte dont il est calculé. Ces gros titres proviennent d’un rapport du National Audit Office indiquant que les pertes totales liées aux prêts et aux activités frauduleuses pourraient atteindre entre 35% et 60%. Ce même rapport cite pourtant aussi les dernières estimations de la Banque d’Angleterre et de l’Office for Budget Responsibility qui évaluent entre 15% et 80% les pertes en cas de défaut, deux fourchettes tellement larges qu’elles perdent quasiment toute signification.

Les petits entrepreneurs feront le maximum pour maintenir
leur entreprise à flot et négocier le remboursement de leurs prêts.

Quoi qu’il en soit, même si les procédures de due diligence n’ont peut-être pas été aussi strictes qu’en temps normal compte tenu de la garantie du gouvernement et de la précipitation à renflouer l’économie en urgence, nous pensons qu’il est excessivement alarmiste de laisser entendre que les banques subiront des pertes massives ou des atteintes à leur réputation une fois les prêts remboursables en mai 2021.

Les banques ne sont pas responsables des pertes en capital

Premièrement, les petits entrepreneurs sont en majorité des gens honnêtes, qui feront le maximum pour maintenir leur entreprise à flot et négocier le remboursement de leurs prêts (ils ont également du temps pour le faire: le taux d’intérêt est fixé 2,5% après l’échéance de mai 2021, avec jusqu’à six ans pour rembourser le montant dû). Nous avons du mal à croire que le nombre de prêts en souffrance sera proche des chiffres indiqués dans la presse financière (20-80%). Même s’il est élevé, la garantie du gouvernement est parfaitement claire et les banques ne seront pas tenues responsables des pertes en capital.

Deuxièmement, le pourcentage de prêts accordés à des fraudeurs pourrait atteindre 10% (environ 5 mia de livres), mais il sera probablement réparti entre les 11 organismes prêteurs qui participent au programme; la question de savoir si le gouvernement peut pointer du doigt les banques qui auront été assez laxistes pour ne pas avoir su identifier les candidatures frauduleuses reste à éclaircir, même s’il devrait à notre avis juger ce coût acceptable en raison de l’urgence à mettre le programme d’aide sur pied dans les jours les plus sombres de la pandémie.  

La presse est toujours friande de titres à sensation, mais ces histoires auront sans doute fait beaucoup de bruit pour rien quand il s’agira d’évaluer l’impact sur le risque de réputation des banques ou même sur leurs bilans à l’horizon de mai 2021.

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