Cachée, menaçante ou tout simplement disparue, l’inflation est au centre des débats des décideurs économiques, des marchés et des banques centrales.
Paul Volcker, au tournant des années 80, en avait fait sa némésis à la Fed. 30 ans plus tard, c’était au tour de son exact opposé, la déflation, d’être l’obsession de Ben Bernanke, aux prises avec la Grande Crise Financière. Depuis, l’inflation, ou plutôt son absence, reste au cœur des interrogations des grands banquiers centraux de la planète. Au plus grand bonheur des marchés!
Car la disparition de l’inflation les ravit: la quête désespérée du fameux seuil de 2% de hausse des prix, pousse les comités de politique monétaires à maintenir des taux de financement très bas, voire négatifs. Elle les incite à accroître toujours davantage leurs rachats d’actifs sur les marchés, injectant des quantités toujours plus importantes de liquidités dans le système financier. Résultat: l’argent coule à flot et les indices s’envolent… sans que l’inflation ne reparte pour autant. Magique!
Cette absence prolongée malgré des stimuli monétaires considérables est un mystère pour nombre d’économistes. Depuis les travaux de Friedman, l’inflation est en effet considérée comme un phénomène essentiellement monétaire: pour schématiser, plus la quantité de monnaie en circulation est élevée, plus le niveau des prix s’élève. Or le lien semble désormais brisé.
est en réalité à double face.
Bien sûr, les tentatives d’explication sont nombreuses: faiblesse démographique mondiale, pressions concurrentielles croissantes ou accélération du progrès technologique, sont régulièrement invoquées, et à juste titre, pour justifier l’échec des politiques monétaires à relancer l’inflation.
Mais la clé du mystère actuel de l’inflation disparue est en réalité à double face. Une première face monétaire: la monnaie est de plus en plus abondante mais ne circule plus. Le phénomène de thésaurisation est massif en Europe comme aux Etats-Unis. Il touche non seulement les ménages – qui stockent leurs économies dans les comptes courant en France – mais aussi les entreprises. L’argent ne manque pas, ce sont les projets d’investissement qui manquent. Les plans de relance des deux côtés de l’Atlantique constituent une première réponse mais l’argent privé doit prendre le relais.
L’autre face est financière: l’inflation s’est déplacée dans le prix des actifs. Sur les marchés financiers mais aussi en dehors. A commencer par l’immobilier des grandes métropoles. Ses effets ne se ressentent pas dans les indices des prix mais le sont durement pas les classes moyennes, dont la richesse stagne, voire diminue en relatif. La BCE a décidé d’intégrer une composante «immobilière» à sa mesure de l’inflation. Il n’est que temps. A force de chercher le loup, celui-ci, déguisé, nous menace.