Anticiper la tendance grâce au taux de remboursement mensuel

Rob Ford, TwentyFour Asset Management

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Les investisseurs à l’affût d’un changement chez les consommateurs doivent surveiller les ABS sur cartes de crédit.

©Keystone

Voici plus d’un an que les taux d’inflation augmentent à un rythme soutenu. Ils finiront peut-être par marquer le pas mais nous sommes probablement loin d’en avoir terminé avec l’inflation, d’autant que l’invasion russe en Ukraine vient exacerber les problèmes d’approvisionnement post-Covid. En conséquence, il devient difficile d’exclure les craintes de récession induites par les fortes hausses de taux d’intérêt des banques centrales dans le but de maîtriser l’inflation. Toutefois, que la récession devienne réalité ou non, il est indéniable que l’explosion du coût de la vie pèse de plus en plus sur les consommateurs.

Le reporting sur les titrisations ajoute de la valeur.

En tant qu’investisseurs, nous sommes à l’affût de signes précoces indiquant la manière dont les consommateurs adaptent leur comportement face à l’adversité – car se contenter d’attendre que surviennent les arriérés de paiement et les cas de défaut pourrait nous faire rater le coche. Mais la tâche n’est pas si évidente. Le reporting des banques et des entreprises ne s’effectue qu’à un rythme trimestriel, semestriel ou annuel et ne contient généralement qu’un haut niveau de détail. C’est là que les titrisations peuvent vraiment ajouter de la valeur. Les normes de reporting au sein des titrisations fournissent un niveau de profondeur impossible à trouver dans d’autres domaines et nous permettent chaque mois d’analyser avec précision les données relatives aux prêts des pools d’actifs.

En particulier, le reporting sur les titres adossés à des actifs de cartes de crédit (ABS) nous fournit un excellent aperçu de l’évolution du comportement des emprunteurs. Nous pouvons voir combien ils dépensent, combien ils payent avec quel taux d’intérêt, et, plus important encore, quel montant du principal ils remboursent chaque mois. Selon nous, ce taux de remboursement mensuel (TRM) – le pourcentage du principal restant dû remboursé chaque mois par les détenteurs de carte de crédit – est l’une des meilleures manières de repérer les signes précoces d’une détérioration chez consommateurs. Si le TRM commence à baisser, l’histoire nous enseigne qu’il s’agit probablement d’un très bon indicateur d’une dégradation de la santé des consommateurs en matière de crédit et que les cas d’arriérés de paiement et de défaut d’emprunteur sont susceptibles d’augmenter.

Les emprunteurs «non conformes» sont un indicateur essentiel.

Les fournisseurs de cartes de crédit répondent aux besoins d’emprunteurs ayant des profils très divers. Dans le cas des prêteurs bancaires de premier plan, le principal sera probablement remboursé dans les bonnes comme dans les mauvaises périodes, et les TRM de leurs pools d’actifs devraient être toujours élevés même si la persistance de tensions financières peut entraîner une baisse. Cela dit, suivre de près les titrisations caractérisées par des emprunteurs dits «non conformes» – c’est-à-dire les personnes susceptibles de ne pas obtenir de prêts auprès d’une grande banque – constitue probablement le meilleur indicateur. Ces pools affichent des TRM nettement plus bas dans les meilleures périodes, et nous pourrions donc nous attendre à ce qu’ils baissent encore en phase de récession. L’ampleur et la vitesse de cette baisse peuvent fournir une bonne indication du degré de gravité d’une récession bien avant l’apparition des premiers cas de défaut.

Les cartes de crédit ont été titrisées aux USA, en Europe et au Royaume-Uni, ce qui signifie que nous pouvons en surveiller l’évolution au niveau mondial; nous la suivons d’ailleurs de près en ce moment et gardons un œil particulièrement vigilant sur les emprunteurs non conformes. La bonne nouvelle est que les pools d’actifs tirent plutôt bien leur épingle du jeu à l’heure actuelle. En effet, les TRM ont augmenté avec la fin des divers programmes de soutien liés au Covid, car les emprunteurs ont utilisé une partie de l’épargne accumulée durant cette période pour réduire leur dette. Nous ne sommes néanmoins qu’au début du cycle de hausse des taux d’intérêt et le bas de laine des consommateurs s’amenuise avec la forte augmentation du coût de la vie. Ce n'est donc peut-être qu’une question de temps avant que cela ne se répercute sur les TRM des cartes de crédit.

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