Les obligations à court terme, une alternative attrayante

Chris Iggo, AXA IM

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Compte tenu du sentiment du marché et des risques considérables rencontrés au niveau mondial, détenir des liquidités n'est pas une mauvaise stratégie.

  • Investir ses liquidités suppose toutefois que les autres classes d'actifs puissent profiter de la fin du cycle des taux d'intérêt et que cela leur permette de rapporter plus qu’un avoir en espèces. Investir dans des obligations à taux d'intérêt plus élevés et à maturité courte pourrait constituer une première étape d’une telle démarche.
  • L'alternative se trouve dans une perspective à plus long terme, car historiquement, le rendement réel global des actions se situe en moyenne entre six et sept pour cent.
  • Sur le court terme, le rendement ajusté au risque sera sans doute moins bon. Mais tôt ou tard, la guerre et la politique de resserrement de la Fed prendront fin.
À courte échéance, ça risque de faire encore plus mal

À court terme, les investisseurs espèrent que les banques centrales seront bientôt amenées à conclure qu'elles en ont assez fait en resserrant leur politique monétaire. Il est probable que la conjonction d’une baisse de l'inflation, de données économiques nettement plus faibles et d'une instabilité financière croissante conduira à un tournant dans le cycle de la politique monétaire. Il est cependant essentiel que les gouverneurs des banques centrales ne cèdent pas à la tentation de s’imaginer que la lutte contre l’inflation est sur le point de s’achever. À court terme, les marchés s'attendent en effet à de nouvelles hausses de taux : 125 à 150 points de base (pb) supplémentaires aux États-Unis avant la fin de l'année, 100 à 125 pb de plus dans la zone euro et encore 200 à 225 pb au Royaume-Uni. Si l’on ajoute à cela toutes les mesures déjà prises par les banques centrales, il apparaît encore plus clairement à quel point la politique monétaire poursuit son resserrement. Cela signifie qu’il faut s’attendre à souffrir encore davantage.

Il ne reste plus qu’à espérer que l’année prochaine, les banques centrales desserreront nettement leur prise. En tous les cas, les investisseurs peuvent considérer la fin de l’année en cours comme se rapprochant, à tous égards, d’un «point culminant». Tout dépendra de la vitesse à laquelle les banques centrales réagiront à des chiffres moins percutants et aux premiers signes d’un recul de l’inflation. Si l’inflation ne fléchit pas, les taux d’intérêt continueront de grimper et il s’en suivra une récession mondiale.

Prévisions de bénéfices encore trop optimistes

Le scénario le plus favorable serait celui dans lequel le revirement serait engendré par des chiffres d'inflation plus faibles. Cela pourrait faire baisser les attentes en matière de taux d'intérêt, ce qui aurait un effet positif sur les obligations. Des données indiquant un ralentissement marqué de la croissance et un recul de l'inflation seraient également un coup de pouce pour les emprunts obligataires, car l'attention se porterait alors sur le fait que les banques centrales devraient finir par assouplir leur politique monétaire pour répondre efficacement au risque grandissant de récession. Concernant le produit intérieur brut (PIB), les prévisions ont déjà été revues à la baisse. Or, si une croissance plus lente se reflète dans les chiffres réels, cela signifie que les marchés boursiers devraient encore réduire leurs attentes quant à une croissance des bénéfices. Il semble que ces attentes demeurent encore trop optimistes. Dans l'univers du MSCI World, par exemple, le consensus sur l’augmentation des bénéfices par action (BPA) reste compris entre 6,5 et 7% pour les douze prochains mois. Cela se situe certes sous la moyenne, mais pas encore à un niveau de récession. Paradoxalement, une correction à la baisse des bénéfices, engendrée par un affaiblissement des données, pourrait aider les actions à trouver un plancher. Nous pensons que ce serait le cas avec un S&P 500 se situant dans la zone basse des 3000.

La Banque d’Angleterre réagit à une volatilité plus importante

L'autre cause d'un revirement des taux pourrait être la détérioration des conditions sur les marchés financiers. Au Royaume-Uni, nous en avons eu un aperçu fin septembre lorsque la Banque d'Angleterre (BoE) s’est vue contrainte d'intervenir sur le marché des gilts. La hausse des rendements avait en effet entraîné une forte augmentation des demandes de garanties en espèces auprès des fonds de pension britanniques disposant d'overlays financés par endettement (‘Liability Driven Investment’, LDI). Il s’en est suivi de nouvelles ventes d'obligations d'État britanniques et un cercle vicieux semblait s'être enclenché. La BoE a rompu ce cycle de volatilité et stabilisé le marché. Elle l'a fait en adoptant une politique, certes temporaire, mais qui n'en est pas moins en contradiction avec la tendance au resserrement manifestée par la banque, ainsi qu’avec son intention de commencer à réduire son bilan. L'élément déclencheur immédiat de la crise a été la prise de conscience que les plans budgétaires (expansionnistes) du nouveau gouvernement venaient également s’opposer à l'orientation (stricte) de la politique monétaire. Or, cette situation se prolonge, ce qui signifie que sur le marché des obligations d'État britanniques, il n’est pas à exclure que la volatilité se poursuive.

Les témoins lumineux clignotent

Bien qu'il s'agisse là d'un événement local, il n’en illustre pas moins le fait que les marchés peuvent être déstabilisés lorsque la fixation des prix évolue rapidement. Cette année, nous avons assisté à une énorme hausse des taux d'intérêt du marché et cela a un impact sur l'économie réelle. Ainsi, la hausse des taux d'intérêt hypothécaires a des répercussions sur les marchés immobiliers ainsi que sur les fournisseurs de financements hypothécaires. La réévaluation des actifs aura aussi amenuisé certains bilans. Les indicateurs de risque des marchés signalent sans aucun doute une augmentation des craintes. On note en effet une grande volatilité implicite des obligations d’État, des obligations d'entreprises et des actions, et les swaps des devises de base ont atteint des niveaux qui, dans d’autres circonstances, seraient le signe d’achats paniques de la devise américaine pour répondre à un besoin de financement. Nous n'avons certainement pas encore atteint le point de rupture, mais les poussées de volatilité enregistrées sur les marchés ont entraîné suffisamment de réactions politiques pour ne pas exclure cette circonstance comme élément déclencheur d'un changement de politique de la part des banques centrales.

La majeure partie du resserrement monétaire se produit durant l’année en cours

Le rythme des hausses de taux d'intérêt qui ont marqué les derniers mois va diminuer et le processus va finir par s’arrêter. L'année prochaine, le resserrement de la politique monétaire n’aura pas la même ampleur, et les fonds fédéraux (‘fed funds’) n'atteindront pas 8%. Les marchés sont avantageux, et au cours de la nouvelle année, les investisseurs disposeront sans doute de liquidités à ne plus savoir qu’en faire. Dans un environnement où le sentiment est faible, disposer de liquidités est actuellement un atout. Mais l’humeur pourrait changer avec la fin du cycle des taux d’intérêt. Une année entière de rendements négatifs pour les titres à revenu fixe est une chose fort inhabituelle, mais deux années consécutives, ça ne s’est encore jamais vu. Par conséquent, il est judicieux de pour le moins envisager un engagement dans les emprunts obligataires lorsqu'on prévoit de placer des liquidités sur les marchés.

La barrière des taux d'intérêt s’est réhaussée

Le problème est toutefois que les taux d'intérêt plus élevés sur les liquidités ont placé la barre plus haut pour le reste des actifs, surtout lorsqu'il règne une telle incertitude sur le plan macroéconomique et politique. L'argument relatif à la valorisation des obligations et des actions est pertinent, et les rendements obligataires plus élevés ont permis aux obligations de retrouver leur position avantageuse en termes de diversification. Le moral est néanmoins si bas qu'il faudra quelques très bonnes nouvelles pour inciter les investisseurs à investir leurs liquidités. Cela vaut-il vraiment encore la peine de placer des liquidités que l’on détient en dollars américains (et qui rapportent dans les quatre pour cent) dans des emprunts obligataires plus risqués? Pour les liquidités en euros, la barrière se situe à 2,5%, et pour celles en livres sterling à 5%.

Les obligations à court terme sont rentables

Pour les investisseurs qui veulent éviter de s'exposer à de fortes fluctuations de cours, les titres à revenu fixe à court terme offrent désormais une prime de rendement intéressante par rapport aux liquidités – sans qu’ils soient obligés de prendre trop de risques. Les indices des obligations d'entreprises de qualité ‘investment grade’ d'une durée de vie d’un à cinq ans (Bank of America/ICE Range) en dollars américains, en euros et en livres sterling affichent actuellement des taux de rendements à la baisse (‘yield-to-worst’) de 5,36%, 3,80% et 6,57% respectivement. La prise d'un risque de solvabilité plus élevé augmente encore le rendement réalisable, puisque les obligations européennes à haut rendement offrent un rapport de 8,24% et les obligations américaines à haut rendement un rapport de 9,2%.

Pour des obligations d’entreprises, cela constitue un retour sur investissement attrayant. À long terme, cela n’est cependant pas bon pour la santé de l'économie. Sur une période de cinq à dix ans, recourir à l'emprunt pour financer des investissements à ce coût devrait produire un rendement réel élevé. Sur les obligations à haut rendement, il existe toutefois un risque d'augmentation des défauts de paiement lorsque les entreprises doivent refinancer leurs dettes.

Sur le court terme, les actions ne sont guère en mesure de rivaliser avec de tels taux de rendement. Mais à long terme, c'est-à-dire quand les revenus seront déterminés par la croissance du chiffre d'affaires et la rentabilité, les rendements des actions devraient retrouver leur attractivité, notamment lorsque les rendements à court terme baisseront. Pour l’heure, il reste cependant préférable de s’intéresser à des rendements à faible risque, en attendant que le tournant soit vraiment bien pris et que les nuages noirs qui planent sur l'économie mondiale se soient dissipés.

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