Aucune stagflation attendue

Chris Iggo, AXA Investment Managers

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L’année prochaine, il est beaucoup plus probable que la croissance se poursuive et que l’inflation diminue plutôt que d’assister à une stagflation.

  • A partir d’un certain point, un taux d’inflation supérieur pourrait entraîner un resserrement de la politique monétaire, au-delà de ce qui est actuellement perçu sur les marchés.
  • Ceci se traduirait par une augmentation des rendements réels et des primes contre le risque, ainsi que par une baisse des attentes en matière de croissance.
  • Dans la pratique, tout dépendra de la rapidité avec laquelle l’économie mondiale résoudra ses problèmes du côté de l’offre.
Le scénario du pire des cas le plus vraisemblable

En laissant de côté la probabilité d’apparition, pour les marchés financiers, le scénario du pire des cas le plus vraisemblable se présenterait comme suit: L’accumulation des signes indicateurs d’une hausse de l’inflation vont devenir si gênants pour les responsables de la politique monétaire qu’ils se verront contraints d’adapter la politique monétaire plus rapidement et plus agressivement que ce qui est perçu sur les marchés. Ceci entraînerait une hausse des taux d’intérêt réels et des primes contre le risque, renforcerait les conditions financières et réduirait les attentes concernant la croissance et les bénéfices. Au regard du niveau d’endettement existant, les amortissements et les pertes feraient partie de ce scénario, ce qui entraînerait une retenue des créditeurs lors de l’attribution de crédits. On aurait alors une récession classique associée à une inflation et à une diminution du taux d’intérêt. Certes, ce n’est pas l’avis de tous, mais beaucoup partagent cette opinion.

L’inflation jouera un rôle décisif

La probabilité de ce scénario dépend de l’accumulation des influences (la poussée inflationniste des prix de l’énergie s’ajoutera à celle des chaînes logistiques). Par ailleurs, elle est itérative, dépend des données et des mesures prises par les banques centrales. L’inflation joue un rôle décisif. Cette semaine, les données en provenance des Etats-Unis étaient un peu plus rassurantes. Les prix à la consommation principaux ont augmenté de 0,2 pour cent en septembre et au cours des trois derniers mois, le taux d’inflation sous-jacent estimé pour l’ensemble de l’année s’élevait à 2,4 pour cent – ce qui correspond à l’objectif de la Federal Reserve (Fed) et au taux d’inflation break-even sur le long terme. Par ailleurs, cette valeur constitue un ralentissement par rapport au taux annualisé de 10,4 pour cent pour les trois derniers mois. Enfin, l’inflation du prix à la production s’est avérée inférieure aux prévisions: L’indice d’inflation sous-jacente a augmenté de 0,2 pour cent en septembre, l’augmentation mensuelle la plus faible depuis décembre 2020.

Il y a encore certains risques

Même si ces chiffres sont rassurants, nous n’avons pas encore passé le cap. Les prix de l’énergie continuent d’augmenter, le baril de Brent est au plus haut depuis sept ans et les prix élevés de l’énergie se répercutent sur la production industrielle. Par ailleurs, les problèmes persistent dans les chaînes d’approvisionnement, même si les médias se concentrent sur les retards au chargement et déchargement des conteneurs dans certains grands ports du monde. La demande existe mais l’offre est confrontée à différentes difficultés. Même s’il s’agit plutôt d’un effet temporaire, ce phénomène influencera les prix et le chiffre d’affaires. Si tous les biens entreposés sur les bateaux en dehors de Long Beach sont livrés, les stocks augmenteront dans les entrepôts. L’année prochaine, ceci pourrait même entraîner une diminution des prix.

Attentes consensuelles positives

Il n’y a aucune perception du scénario du pire des cas décrit ci-dessus. Si nous savions qu’il se réalisera, une des stratégies conséquentes engloberait des obligations liées à l’inflation sur le court terme, des titres à rémunération fixe de courte durée et des actions de type Value. Il existe déjà des signes  indicateurs sur les marchés, mais pas en liaison avec un environnement Risk-off. Toutefois, pour se protéger complètement de ce type de développement, il faudrait une moindre allocation en obligations d’entreprise et en actions. Le scénario du pire des cas signifierait probablement aussi une nette réduction des rendements et une augmentation du risque de rendements négatifs issus des obligations d’entreprise et des actions. Ce que nous observons actuellement, ce sont des pronostics concernant un ralentissement de la croissance des bénéfices, une certaine diminution de la dynamique bénéficiaire et une image hétérogène des pronostics jusqu’à la fin de l’année. Nous ne sommes pas encore près d’une récession des bénéfices, mais les marchés des actions pourraient considérer ces différentes informations comme un défi. Il est par exemple difficile de tenir compte d’informations qui vont dans diverses directions et d’éviter d’agir en fonction d’un certain discours. Par conséquent, le scénario décrit ci-dessus devrait être pris en compte mais on ne devrait pas être trop pessimiste si la plus grande banque des Etats-Unis fait part de bénéfices élevés et valide (de nouveau) des provisionnements pour les pertes de crédit.

La hausse des rendements est limitée

Les réflexions sur les investissements à court terme se concentrent sur la forme et l’amplitude du cycle actuel et sur sa répartition entre la croissance réelle et l’inflation. Notre position dépend des conséquences de la pandémie et de la reprise. Nous sommes d’avis que c’est la manière dont l’économie repart après le confinement de 2020 qui promeut le développement des salaires et des prix, et non le relâchement quantitatif (Quantitative Easing, QE). Toute décision concernant la fin de la QE et la normalisation de la politique monétaire, devrait reposer sur une évaluation des thèmes structurels sur le long terme (croissance potentielle, inflation sous-jacente) et non sur les prix de la fonte brute ou un manque de baristas. Au regard de ces données, nous sommes d’avis que la hausse des rendements sur le long terme aura des limites. Oui, il y aura un tapering mais il ne faut pas confondre les hausses des prix dues à l’offre avec les décisions concernant la politique monétaire sur le long terme.

Le scénario du pire des cas le moins vraisemblable

Le scénario du pire des cas le moins vraisemblable est la stagflation. Il semble que les discussions actuelles concernant un «changement de régime» fassent l’erreur d’établir les pronostics linéaires sur le long terme en fonction des développements actuels sur le court terme. Il est vrai que le scénario du pire des cas le plus vraisemblable décrit ci-dessus comprend un risque de récession. Mais une baisse durable de la croissance associée à une hausse de l’inflation semble peu probable. Pour l’année à venir, le consensus part d’une augmentation du PIB de quatre pour cent aux Etats-Unis et dans la zone euro. C’est sur cela et sur une inflation plus modérée que nous misons plutôt que sur un retour aux années 1970.

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