Double perte de contrôle?

Chris Iggo, AXA Investment Managers

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Les banques centrales doivent persuader les opérateurs du marché sur la voie à suivre dans les années à venir pour les taux directeurs.

  • Au mois d’octobre, les attentes des marchés vis-à-vis du taux d’intérêt ont fortement augmenté. Ceci a entraîné une augmentation des rendements obligataires sur le court terme et un affaiblissement des courbes de rendement.
  • Ceci pourrait exprimer une réduction des attentes en matière de croissance et d’inflation.
  • Côté climat, il semble que nous ayons là aussi perdu le contrôle. Même si nous ne devrions pas trop attendre de Glasgow, nous pouvons empêcher le pire d’arriver.
La première perte de contrôle

Les banques centrales semblent avoir perdu le contrôle sur les attentes concernant le taux d’intérêt, ou risquent de le perdre sous peu. En effet, il semble que la hausse des risques d’inflation après la pandémie ait des conséquences plus graves que ce qui était supposé il y a encore quelques mois. L’attente du marché, à savoir où se situeront les taux d’intérêt à court terme dans 18 mois, a fortement augmenté dans différents marchés depuis le début du mois de septembre. Les rendements obligataires ont dépassé le niveau mesuré directement avant la pandémie. Par ailleurs, les attentes concernant le taux d’intérêt en Europe et en Grande-Bretagne signalent que la politique monétaire fixée pendant la pandémie sera entièrement revue d’ici le début de l’année 2023. Nous nous dirigeons vers une normalisation du taux d’intérêt contextuel.

Risque des attentes trop élevées en matière de taux d’intérêt

C’est pourquoi cette semaine, il est très important que la banque centrale des Etats-Unis (la Federal Reserve (Fed)) et la Bank of England aient la possibilité de reprendre le contrôle sur les attentes concernant le taux d’intérêt ou du moins d’indiquer la direction à prendre pour les augmentations du taux d’intérêt dans les deux années à venir. En effet, il est possible que les marchés aient des attentes supérieures face aux taux d’intérêt. Les participants du marché ne disposent pratiquement d’aucune mémoire collective des réactions des banques centrales concernant une augmentation de l’inflation car elles ont reposé pendant de nombreuses années sur un taux d’inflation bas et stable. Aujourd’hui, étant donné que la hausse des prix a atteint son pic, le cadre utilisé jusqu’à présent pour déterminer les attentes inflationnistes est probablement insuffisant. Il faut constater que les responsables des banques centrales ont soit essayé de corriger les attentes du marché sans aucun résultat, soit pas du tout essayé. On pourrait presque supposer que les banques centrales veulent que le marché fasse le travail à leur place.

Le marché reflète une croissance inférieure

La violence des mouvements observés à l’extrémité courte des courbes du taux d’intérêt a causé certains dommages collatéraux. Les courbes de rendement se sont aplaties et l’écart a augmenté entre ce que les marchés reflètent en matière d’inflation sur le court terme et le long terme. L’écart du rendement entre les obligations souveraines des Etats-Unis sur dix ans et sur deux ans a diminué de plus de 20 points de base jusqu’au mois d’octobre. Même si l’on ne devrait pas dramatiser ces développements, ils expriment pourtant un fléchissement des attentes du marché concernant la croissance et l’inflation.

Le choc causé par le taux d’intérêt et le prix de l’énergie stresse les revenus des ménages

La raison est évidente. Un choc causé par le taux d’intérêt et le prix de l’énergie va stresser les revenus des ménages. C’est un risque pour la perspective attendue en 2022 ou 2023. Jusqu’à présent, les marchés d’actifs à risques n’ont pas identifié de peur en matière de croissance. Les taux d’intérêt réels sont négatifs et si de nombreux acteurs économiques profitent d’une hausse de la croissance nominale (salaires), l’augmentation du coût de la vie n’est peut-être pas si grave.

Il est possible que les banques centrales aient raison

Toutefois, l’estimation des banques centrales en matière d’inflation pourrait être correcte. Certes, nous sommes d’avis que le taux d’inflation sera supérieur à celui des années précédentes. Les très hautes valeurs des mois passés sont plutôt dues aux effets de base et aux goulots d’étranglement dans l’approvisionnement déclenchés par la pandémie. Même la très forte hausse de l’indice du coût de la main-d’œuvre de 1,3 pour cent aux Etats-Unis pourrait être en partie liée à la fin des vacances forcées et des aides attribuées aux chômeurs. Cette situation ne durera pas forcément. Dans d’autres domaines, la valeur du PCE Core Deflator (indice d’inflation de la FED) a baissé en septembre comparé aux mois précédents pour atteindre 0,2 pour cent. S’il reste à ce niveau, la FED a raison. Certains gestionnaires de fonds d’action d’AXA IM observent par ailleurs une amélioration dans les chaînes d’approvisionnement, surtout en Asie du Sud-Est, et le coût du transport maritime a baissé récemment – comparé au Baltic Freight Index – tout comme le prix du cuivre et du gaz naturel.

Attendre le signal

Les banques centrales doivent réagir au choc causé par le taux d’intérêt. Pendant la pandémie, elles ont maintenu les attentes du marché à un niveau très stable. Il n’y avait aucun doute que le retour à la quasi-normalité serait difficile. Toutefois, la reprise est en danger si les marchés continuent de promouvoir la hausse des taux d’intérêt. La politique monétaire ne peut pas influencer les prix du pétrole. Par contre, les banques centrales peuvent envoyer un message, à savoir que les taux d’intérêt doivent augmenter mais de manière contrôlée et moins agressive comme le proposent certains marchés. Si elles peuvent agir ainsi, le risque de chute sur le marché des obligations et des actions diminuera.

La deuxième perte de contrôle

Au regard de la conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP26), il reste à répondre à la question suivante: Avons-nous perdu le contrôle sur le climat? La réponse semble être oui, et nous pouvons difficilement nous attendre à ce que les accords plus agressifs éventuellement conclus à Glasgow soient capables d’influencer la situation. Ceci ne signifie pas que nous abandonnons. Les investisseurs jouent un rôle central dans la mobilisation des moyens financiers nécessaires pour soutenir les entreprises et les gouvernements qui contribuent au futur sans émission de CO2. Il faut en faire davantage. MSCI part du principe que seulement dix pour cent des entreprises du monde entier cotées en bourse ont des plans conciliables avec une hausse de la température limitée à 1,5 degrés, et que 43 pour cent des entreprises sont capables de réaliser l’objectif de deux degrés. Glasgow devrait exercer davantage de pression sur les investisseurs des entreprises pour qu’un nombre supérieur s’engage à réaliser l’objectif des 1,5 degrés.

Nous devons donc continuer d’analyser les entreprises en tenant compte des critères ESG, arrêter de financer les plus grands pollueurs et nous engager de manière encore plus active pour persuader les entreprises d’agir correctement. Nous ne reprendrons sans doute pas le contrôle, mais nous pouvons empêcher le pire d’arriver.

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