Révision stratégique: la BCE tolère le dépassement de l’objectif d’inflation à 2%

AWP

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Avec quelques mois d’avance, les banquiers centraux se sont également accordés pour intégrer dans la politique monétaire la lutte contre le réchauffement climatique.

La Banque centrale européenne a annoncé jeudi un ajustement de sa cible d’inflation tolérant désormais des hausses de prix temporairement supérieures à 2% et l’institution monétaire va aussi intégrer la lutte contre le réchauffement climatique dans sa politique monétaire, notamment via le choix des achats d’actifs.

Ces décisions sont le fruit d’un vaste chantier de révision stratégique, le premier depuis 2003, lancé fin 2019 par la présidente de la BCE Christine Lagarde.

Les annonces étaient initialement prévues en septembre, mais les 25 banquiers centraux de la zone euro sont tombés d’accord plus vite que prévu.

Concrètement, l’objectif d’un niveau d’inflation «inférieur, mais proche de 2%», servant d’étalon depuis 18 ans, est remplacé par «une cible d’inflation de 2% à moyen terme», selon un communiqué de l’institution.

«Les écarts négatifs et positifs sont indésirables» mais la BCE précise que «cela peut impliquer une période transitoire pendant laquelle l’inflation est modérément supérieure à la cible».

La stabilité des prix est le mandat principal de la BCE.

Pour les marchés, l’ancienne formulation équivalait à un objectif implicite autour de 1,8%. La nouvelle définition vise à simplifier le message en définissant un niveau explicite de 2%, tout en se laissant la marge de manoeuvre de dépasser ou d’être sous cet objectif pendant un certain temps.

Cette option offre davantage de flexibilité. La BCE pourra tolérer une inflation supérieure à 2% quand l’activité ralentit, sans pour autant durcir sa politique monétaire.

De cette manière, la BCE s’autorise aussi à user de mesures exceptionnelles, comme les rachats massifs de dette sur le marché, pour stimuler l’économie et in fine les prix, comme elle l’a déjà fait depuis plus 10 ans avec une inflation durablement passée sous les 2%.

La Banque fédérale d’Allemagne frileuse sur l’emploi de telles mesures exceptionnelles, a ici fait une concession aux autres banques centrales, favorables elles à une politique expansionniste si nécessaire.

A travers sa politique expansive, lancée sous la houlette de Mario Draghi dès 2012, la BCE s’est attirée de nombreuses critiques, particulièrement en Allemagne, où l’on reproche notamment à cette politique de l’argent pas cher de pénaliser les épargnants et de gonfler les prix des actifs financiers et de l’immobilier, favorisant la création de bulles.

Monnaie verte

Une autre modification a été approuvée : celle de l’intégration du coût des logements pour les propriétaires occupants dans le calcul de l’inflation. Ce coût résulte du prix d’achat du logement, qui a beaucoup progressé, notamment en France, ces dernières années. Or, aujourd’hui, seuls les loyers sont pris en compte, l’acquisition d’un logement étant considérée comme un investissement. Le prix payé par les propriétaires pèse pourtant largement sur leur perception de l’inflation.

Le calcul du taux d’inflation est de la responsabilité de l’Office européen Eurostat mais le Conseil des gouverneurs «utilisera, dans le cadre de ses évaluations de la politique monétaire, des mesures de l’inflation qui intègrent des estimations préliminaires».

La prise en compte des enjeux environnementaux a également fait consensus parmi les banquiers centraux: la BCE va «intégrer davantage les considérations relatives au changement climatique dans son cadre d’action», notamment dans les rachats de dettes d’entreprises, mais aussi la communication et l’évaluation des risques.

Ce «plan d’action sur le changement climatique» est qualifié d’»ambitieux» par l’institution monétaire et répond à une priorité fixée par Mme Lagarde avant même sa prise de fonction fin 2019.

Reste à définir précisément comment cette nouvelle préoccupation écologique sera mise en musique par la banque centrale.

La stratégie jusqu’à présent en vigueur à la BCE avait été définie il y a près de vingt ans à un moment où la lutte contre la hausse excessive des prix était sa principale préoccupation.

Or, cela fait huit ans que la BCE, malgré le déploiement d’un arsenal pléthorique de mesures, rate sa cible d’un niveau proche de 2% censé favoriser l’investissement et l’emploi.

La nouvelle formulation retenue pour l’objectif d’inflation ne bouleverse pas les choses, commente Eric Dor, directeur des études économiques à l’IESEG School of Management, mais elle «était attendue, parce que la formulation précédente évoquait une asymétrie», impliquant que la cible de 2% était un plafond indépassable.

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