La BCE aux prises avec la fragmentation de l’Europe

Wilfrid Galand, Montpensier Finance

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Très prudente sur l’inflation, la BCE veut surtout éviter d’aggraver la fragmentation économique et financière de l’Europe.

Depuis plusieurs semaines, la pression monte sur la Banque Centrale Européenne. Confrontée à des indicateurs d’inflation de plus en plus hauts, et à une dynamique économique en accélération, elle choisit, pour le moment, de maintenir ses taux négatifs et ses achats d’actifs sur le marché, comme au plus fort de la pandémie.

Lors des conférences de presse ou des interventions publiques des membres du Conseil des Gouverneurs, la même question revient inlassablement: Y-a-t-il une nouvelle cible d’inflation alors que le mandat de «stabilité de prix» de la BCE a été traduit par elle-même comme une hausse des prix «inférieure mais proche de 2%» et que cet objectif est en passe d’être dépassé? La réponse est invariablement renvoyée à la revue stratégique engagée début 2020.

Certains s’étonnent de ce conservatisme, alors même que le cycle de croissance semble désormais bien établi et que les prix ne cessent de progresser à un rythme soutenu. Et ce d’autant plus que les modifications envisagées pour le calcul de l’inflation dans le cadre de la revue stratégique ne feront qu’aggraver le dilemme: l’intégration, par exemple, d’une acception plus large des «coûts de logement» pour les propriétaires aurait pour effet d’accroitre la mesure d’inflation de 0,15% à 0,63% selon les calculs de l’IESEG School of Management

En 2023, L’Allemagne, les Pays-Bas ou encore la Finlande et l’Estonie auront des ratios de dette sur PIB inférieurs à 70%.

En réalité, la BCE est confrontée à une problématique récurrente: l’hétérogénéité de plus en plus forte des conditions économiques dans la zone euro.

Les chiffres d’inflation du mois de mai comme les indicateurs avancés d’activité économique pour le mois de juin en témoignent. Alors que l’inflation (CPI) en France est ressortie à 1,8%, le chiffre en Allemagne a atteint 2,4%. Les indicateurs avancés de moral des directeurs d’achat publiés par l’institut Markit pour le mois de juin reflètent aussi cette hétérogénéité: En Allemagne, le composite dépasse 60, tandis qu’il reste à 57 en France, en dessous des attentes, même s’il signale une expansion robuste de l’activité.

Cette fragmentation se manifeste également dans les trajectoires financières des comptes publics. En 2023, L’Allemagne, les Pays-Bas (qui viennent même de refuser les subsides du plan européen de relance!) ou encore la Finlande et l’Estonie auront des ratios de dette sur PIB inférieurs à 70% tandis que la France, l’Italie, l’Espagne ou la Grèce dépasseront les 120%. Pour ces pays, une augmentation du service de la dette serait financièrement et socialement très coûteux.

La BCE est donc contrainte à adopter la politique du moindre mal, donc à poursuivre pour longtemps sa politique très accommodante mais indispensable à la survie de la zone euro… en espérant que le couple inflation modérée – croissance soutenue permettra de desserrer l’étau d’ici quelques années.

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