A la lutte contre l’inflation, la Fed s’apprête à frapper fort

AWP

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La Réserve fédérale va certainement opter demain pour une hausse des taux directeurs d’un demi-point de pourcentage et acter le début de la réduction de son bilan.

Le Comité de politique monétaire de la Réserve fédérale américaine a entamé mardi sa réunion de deux jours à l’issue de laquelle il annoncera, sauf surprise, une hausse des taux directeurs d’un demi-point de pourcentage, la première de cette ampleur depuis mai 2000, pour tenter de contrôler une inflation record.

La réunion «a démarré à 10H00 (14H00 GMT) comme prévu», a indiqué à l’AFP une porte-parole de la Réserve fédérale (Fed).

L’inflation accélère mois après mois depuis un an et a atteint en mars un sommet depuis décembre 1981: +8,5% sur un an, selon l’indice CPI, aggravée par la guerre en Ukraine.

En mars, la Fed avait commencé à relever ses taux, pour la première fois depuis 2018. Mais elle avait alors initié le mouvement prudemment, en procédant à une augmentation de 0,25 point de pourcentage pour les porter dans une fourchette comprise entre 0,25 et 0,50%.

Elle avait aussi signalé sa volonté de procéder à six autres hausses cette année, soit autant que de réunions d’ici fin 2022.

Avec une pression sur les prix qui ne faiblit pas, le président de la Fed, Jerome Powell, a depuis reconnu qu’il était «absolument essentiel» de rétablir la stabilité des prix et de relever «rapidement» les taux.

La banque centrale américaine a deux missions principales: assurer la stabilité des prix et le plein emploi.

Sur le front de l’emploi, le taux de chômage est tombé à 3,6% en mars, proche de son niveau d’avant la pandémie (3,5%). Les données pour le mois d’avril seront publiées vendredi.

Mais les entreprises, confrontées à des pénuries de main d’oeuvre et des démissions massives, ont dû augmenter les salaires pour attirer les candidats et fidéliser leurs employés, ce qui a pour effet d’alimenter l’inflation.

La perspective d’une hausse des taux de la Fed a suscité lundi des remous sur les marchés. Les rendements obligataires américains à 10 ans ont touché brièvement, à la mi-journée, le seuil de 3% pour la première fois depuis fin 2018.

Outre les taux d’intérêt, la banque centrale devrait acter le début de la réduction de son bilan, une autre étape majeure de la normalisation.

Risque d’une récession

Les investisseurs attendent particulièrement la conférence de presse de Jerome Powell mercredi, à l’affût de commentaires sur la manière dont les taux d’intérêt pourraient augmenter au-delà de cette réunion.

Jusqu’à présent, la Fed a clairement télégraphié ses plans, annonçant en amont sa volonté de mener un tour de vis agressif à partir de la réunion de mai, ce qui a permis de limiter la volatilité sur les marchés.

Une majorité d’économistes tablent désormais sur une autre hausse encore plus agressive de trois-quarts de point de pourcentage lors de la réunion de juin, ce qui serait une première depuis 1994.

La Fed est également susceptible de commencer à réduire son portefeuille d’actifs de 9’000 milliards de dollars à partir de juin, à un rythme beaucoup plus rapide que lors d’une précédente réduction de ses avoirs il y a cinq ans.

L’enjeu est de modérer l’inflation sans faire basculer la première économie du monde en récession.

Les inquiétudes à ce sujet ont augmenté ces dernières semaines alors que la croissance s’essouffle. Le produit intérieur brut s’est même contracté de 1,4% au premier trimestre, en rythme annuel.

Les experts se veulent rassurants, relevant que la consommation, moteur historique de la croissance aux Etats-Unis, se maintient.

Mais dans un contexte de guerre en Ukraine, de ralentissement de l’économie chinoise et européenne, une récession ne semble plus un risque lointain.

Les dirigeants de la Fed estiment pour l’heure qu’ils seront capables de ramener l’inflation à leur objectif de 2% sans porter les taux à plus de 3% pour éviter de faire caler la demande. Il s’agit selon eux d’une fourchette «neutre» conçue pour ni stimuler, ni ralentir la croissance économique.

 

La hausse des taux aura un impact bien au-delà des Etats-Unis
La Fed va, sauf surprise, relever mercredi ses taux d’intérêt, la seconde hausse en moins de deux mois avec l’objectif de juguler une inflation au plus haut depuis 40 ans.
C’est la seule certitude tant les questions sont nombreuses sur la politique monétaire à venir de la Réserve fédérale (Fed) et sur ses effets qui pourraient être ressentis à travers l’économie mondiale.
Quel est l’objectif et combien de hausses?
Aux Etats-Unis, l’enjeu est de tempérer les pressions sur les prix sans faire basculer la première économie mondiale dans la récession. Un exercice délicat alors que l’économie américaine a déjà fortement ralenti. Le PIB s’est même contracté de 1,4% au premier trimestre.
La hausse mercredi devrait être d’un demi-point de pourcentage, une première depuis mai 2000, ce qui porterait les taux dans une fourchette comprise entre 0,75% et 1%.
En mars, la Fed avait signalé la possibilité de six autres hausses d’ici la fin de l’année.
Une majorité d’économistes tablent désormais sur une autre augmentation encore plus agressive de trois quarts de point de pourcentage lors de la réunion de juin, ce qui serait une première depuis 1994.
Ils comptent sur le président de la Fed, Jerome Powell, pour donner des indications sur l’ampleur des prochaines hausses mercredi lors de sa conférence de presse.
Quel impact sur les marchés ?
Des taux d’intérêt plus élevés peuvent avoir un impact négatif sur le marché boursier.
Avec des coûts d’emprunts plus chers, les entreprises pourraient moins investir. Si leurs coûts sont plus élevés et leur activité est moins soutenue, une baisse des revenus et des bénéfices peut alors avoir un impact sur la valeur de leurs actions.
On ne peut pas non plus exclure un aspect psychologique sur la façon dont les investisseurs perçoivent les conditions du marché. Les traders pourraient se tourner vers des investissements plus défensifs, sans attendre que le long processus de hausses des taux d’intérêt se fasse sentir dans l’ensemble de l’économie.
Quel impact sur la dette des pays pauvres et émergents?
Pour les économies émergentes et en développement, qui contractent des prêts en dollars, le risque est de crouler sous le coût du crédit.
Depuis des mois, le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale alertent sur les risques pour ces pays d’une remontée trop rapide des taux d’intérêt de la Fed.
Déjà très endettés avant la pandémie, ils ont en effet accumulé encore plus de dettes pendant la crise sanitaire au point que 60% des pays à faibles revenus sont déjà surendettés ou pas loin de l’être.
Quel effet sur les flux de capitaux?
Lorsque les taux d’intérêt augmentent aux États-Unis ou dans d’autres économies avancées, les investisseurs retirent des fonds des marchés émergents où ils s’étaient précipités en quête de rendements plus rémunérateurs.
En 2013, avant même la hausse des taux, les investisseurs avaient anticipé une baisse des injections de liquidités de la Fed, ce qui avait fait chuter les monnaies brésilienne, turque ou indienne.
Si la Fed confirmait le changement de cap lors des autres réunions cette année, cela mettrait la pression sur les économies émergentes qui ont besoin de fonds et cela pourrait donc affaiblir certaines monnaies. Les Banques centrales de ces pays peuvent réagir avec des taux d’intérêt plus élevés, mais cela mettrait plus de pression sur l’activité économique.
Quid du marché immobilier américain?
Aux Etats-Unis, le taux directeur de la Réserve fédérale influence le coût des prêts immobiliers et à la consommation notamment.
En mars 2020, la Fed avait abaissé le taux directeur dans une fourchette comprise entre 0% et 0,25%. Cela avait eu pour effet de stimuler le marché immobilier.
Mais le bond des ventes combiné à une offre de biens limitée s’est aussi accompagné d’une forte hausse des prix des maisons d’autant que les constructeurs peinent à achever leurs programmes en raison de problèmes d’approvisionnement mondial et d’une pénurie de travailleurs.
Pour autant, avant même la première hausse en mars (+0,25 point de pourcentage), les demandes de prêts hypothécaires ont ralenti et les ventes de maisons ont chuté en mars.

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