Face à des prix qui ont grimpé de 7% en 2021, leur plus forte hausse en près de 40 ans, la puissante Réserve fédérale est donc sur le pied de guerre.
La banque centrale américaine est en train de fourbir ses armes pour agir contre l’inflation qui a déjoué tous les pronostics en se hissant aux Etats-Unis au plus haut depuis 1982, et dont la trajectoire pour 2022 divise les économistes.
«Je suis très préoccupée par le niveau élevé de l’inflation», a souligné jeudi Lael Brainard, la future vice-présidente de la banque centrale américaine (Fed), lors d’une audition devant la commission bancaire du Sénat.
«Nous entendons des familles de travailleurs à travers le pays parler d’inflation (...). Nous avons un outil puissant et nous allons l’utiliser», a-t-elle assuré.
Face à des prix qui ont grimpé de 7% en 2021, leur plus forte hausse en près de 40 ans, la puissante Réserve fédérale est donc sur le pied de guerre.
Son arme: des taux directeurs, qu’elle s’apprête à relever plus vite que prévu, sans doute dès mars. L’objectif: renchérir le coût du crédit, et, par ricochet, faire reculer la consommation.
«Nous avons un outil qui agit sur la demande, qui est le taux directeur», a souligné la future numéro 2 de la Fed, qui doit prendre ses fonctions en février.
Mais l’exercice est délicat, car frapper trop fort pourrait peser sur l’emploi.
Mme Brainard s’est dite convaincue que les mesures que prendra la Fed «réduiront l’inflation tout en continuant à permettre au marché du travail de retrouver sa pleine vigueur au fil du temps. Nous allons donc retrouver le plein emploi tout en ramenant l’inflation à 2%».
«L’inflation est restée plus forte et pendant plus longtemps qu’aucun d’entre nous ne le pensait», a souligné jeudi soir l’un des gouverneurs de la Fed, Christopher Waller, sur la chaîne Bloomberg TV.
«Les pressions inflationnistes diminueront au second semestre de cette année», a-t-il ajouté, tablant toujours sur 2,5% environ d’ici la fin de l’année.
Les taux directeurs avaient été abaissés dans une fourchette de 0 à 0,25% en mars 2020, face à la pandémie de Covid-19.
M. Waller s’est ainsi dit «favorable» à une première hausse des taux en mars, de 0,25 points, mais pas plus, car «nous n’avons pas préparé les marchés à quelque chose d’aussi dramatique. (...) Si l’inflation ne semble pas baisser, ce serait certainement dans la boîte à outils, mais il nous en faudrait beaucoup».
Il anticipe ensuite trois hausses en 2022, mais, si l’inflation au second semestre «continue à être élevée, nous pourrons avoir quatre ou cinq hausses». En revanche, «si l’inflation retombe au second semestre, comme beaucoup d’entre nous l’anticipent, à mesure que certains problèmes de chaîne d’approvisionnement seront résolus, il pourra alors y avoir une pause».
D’autres économistes, pourtant, sont moins optimistes: «je m’attends à ce que l’inflation reste élevée cette année, peut-être même plus qu’en 2021», a ainsi alerté jeudi Jason Furman, ancien conseiller économique du président Barack Obama et professeur à Harvard, dans une tribune publiée par le Wall Street Journal.
L’inflation est aussi devenue une préoccupation majeure pour les dirigeants d’entreprises, qui s’inquiètent de la voir persister au-delà de 2022, selon une enquête publiée jeudi par le centre de recherche économique Conference Board.
Si la banque centrale peut agir sur la demande des consommateurs, elle n’a en revanche pas de levier d’action sur l’autre origine de la hausse des prix: l’offre, c’est-à-dire les perturbations sur la chaîne mondiale d’approvisionnement.
Elles ne se sont pas résorbées comme le prévoyaient de nombreux analystes, et pourraient même être accrues par le variant Omicron.
Aux États-Unis, ce phénomène est renforcé par les pénuries de main d’œuvre qui ralentissent la production et les livraisons, limitant encore plus l’offre.
En face, la demande est, elle, très forte, grâce aux aides financières du gouvernement face à la pandémie, mais aussi aux fortunes des propriétaires immobiliers et détenteurs de portefeuilles d’actions qui ont grossi, avec la hausse des prix de ces actifs.
Cette flambée du coût de la vie est une des nombreuses épines dans le pied de Joe Biden, et l’opposition républicaine ne manque pas de lui en attribuer les torts, surnommant désormais la hausse des prix, la «Bidenflation».
Pour agir sur l’offre, la Maison Blanche doit annoncer de nouvelles mesures afin de résorber l’engorgement dans les ports américains.