L’Allemagne mise sur les portables et le bluetooth contre l’épidémie

AWP

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«Nous devons être en mesure d’identifier et de joindre très rapidement toutes les personnes en contact avec une personne infectée», prévient le ministre de la Santé, Jens Spahn.

Viscéralement attachée à la protection des données personnelles, l’Allemagne pourrait cependant franchir le pas de l’utilisation des téléphones portables et du bluetooth pour endiguer la pandémie de nouveau coronavirus.

Même Angela Merkel -- qui fait souvent référence à sa jeunesse dans une Allemagne de l’Est communiste sous surveillance --, a déclaré mercredi que si cela s’avérait être un moyen efficace pour suivre la propagation du virus elle serait «bien sûr prête à l’utiliser pour» elle-même.

Avec une politique de tests à grande échelle et un nombre de décès officiellement liés au Covid-19 contenus à ce stade à moins de 900, l’Allemagne semble pour le moment mieux faire face à la pandémie que nombre de ses voisins européens.

Elle a pu à ce jour échapper au confinement strict et généralisé mis en place en France, Italie ou Espagne.

Le gouvernement prépare désormais la phase suivante, avec un éventuel relâchement à partir de fin avril des mesures de distanciation sociale et de fermetures de lieux publics.

Mais, prévient le ministre de la Santé, Jens Spahn, «pour que cela soit possible, nous devons être en mesure d’identifier et de joindre très rapidement toutes les personnes en contact avec une personne infectée».

«Facteur-clé»

Le gouvernement a dû reculer devant le tollé suscité mi-mars par son idée initiale d’utilisation des données.

Les opérateurs de téléphonie mobile auraient dû fournir les données des quelque 46 millions d’abonnés allemands pour identifier les contacts des malades. Une mesure intolérable dans un pays marqué par la surveillance et le fichage généralisé menés par le régime nazi puis, en Allemagne de l’Est, par la Stasi.

Le gouvernement a donc revu sa copie et devrait proposer un nouveau dispositif «dans les prochains jours», selon M. Spahn, qui fonctionnerait sur la base du volontariat.

Il s’agit d’une application qui stockerait pendant une quinzaine de jours, sans géolocalisation et en garantissant la protection des données, les interactions via bluetooth, qui transforme le téléphone en émetteur et récepteur de signaux.

Ainsi, si une personne est infectée, l’application enverra un «push» à tous ceux qu’elle aura croisés dans les deux semaines précédentes, pour les avertir d’un risque de contamination. Seuls ceux qui auraient téléchargé l’application recevraient l’avertissement qu’ils ont pu être infectés par un malade dont l’anonymat sera préservé.

Ce dispositif s’inspire notamment d’un outil numérique utilisé à Singapour, où l’épidémie de Covid-19 a été contenue malgré la densité de population dans cette ville-Etat.

Il est développé par l’Institut allemand Fraunhofer Heinrich-Hertz (HHI) pour les télécommunications, qui travaille à ce projet avec l’Institut Robert-Koch, chargé de la veille épidémiologique.

«Le Fraunhofer HHI travaille sur une application qui permettra de stocker de manière anonyme la proximité et la durée des contacts entre personnes sur des téléphones portables au cours des deux dernières semaines», confirme à l’AFP une porte-parole de la société.

Un premier test devait être mené mercredi dans une caserne militaire berlinoise.

«Chaînes d’infection»

Cette utilisation de données personnelles, telle qu’elle est envisagée, a reçu le feu vert du Commissariat fédéral à la protection des données, sous certaines conditions.

«La collecte et l’évaluation de données personnalisées dans le but de briser les chaînes d’infection ne peuvent avoir lieu qu’avec le consentement des citoyens», déclare à l’AFP le Commissaire Ulrich Kelber.

«Ces données devront n’être conservées que pendant une période limitée et clairement définie, et uniquement dans le but de lutter contre la pandémie. Après cela, elles devront être supprimées», exige-t-il.

Pour M. Kelber, une surveillance à grande échelle sur le modèle chinois n’est pas possible en Allemagne, qui ne dispose «pas d’infrastructure technologique de surveillance comparable» ni, «surtout, de lois qui permettent» une telle surveillance.

Le parti de gauche radicale Die Linke juge lui que le développement de cette technologie devrait être complété par un nombre de tests encore plus important que les 500.000 réalisés chaque semaine. «Sinon, cette application risque de provoquer la panique, sans aucune utilité», met en garde Die Linke.

L’idée d’utiliser les données téléphoniques semble faire son chemin dans l’opinion publique. Un Allemand sur deux (50%) y est favorable, contre 38% qui la jugent inappropriée, selon un sondage Yougov.

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