En Europe, les Etats et les banques centrales sont prêtes à faire tous les efforts nécessaires pour que le choc épidémique ait l’impact le plus réduit possible.
Que peut il se passer si le scénario qui sous-tend l’ensemble des mesures de politiques économiques face au choc épidémique n’est pas le bon? Si la crise sanitaire se prolonge? Un risque d’hyperinflation est probable.
En Europe, les Etats et les banques centrales sont prêtes à faire tous les efforts nécessaires pour que le choc épidémique ait l’impact le plus réduit possible.
La contrainte du pacte de stabilité saute, les déficits vont s’élargir puisque les gouvernements souhaitent se substituer aux mécanismes économiques le temps nécessaire à la résorption du choc (pour plus de détails voir L’épidémie et le pari des politiques économiques). De son côté, la BCE déclenche un plan de 750 milliards d’euro et achètera, avec l’ensemble de ses programmes, environ 1000 milliards d’actifs en 2020. Elle disposera ainsi d’un pouvoir considérable sur le marché obligataire de la zone Euro.
Les gouvernements mettent en place des moyens exceptionnels pour faire face au choc épidémique et la BCE pour faire face achètera les actifs émis par les gouvernements afin de maintenir des taux d’intérêt très bas.
L’hypothèse la plus forte est qu’à la fin du mois d’avril la crise épidémique sera terminée. Le ministre de l’éducation, Jean Michel Blanquer, indiquait dans un interview au Parisien que “le scénario privilégié pour l’école est un retour en classe le 4 mai”. Cela veut dire que le 4 mai, il n’y a plus de cas de récidive possible.
Si c’est ce scénario qui prévaut alors les choix qui sont faits sont crédibles et on peut imaginer un effort collectif considérable pour faire face à quasiment 2 mois d’inactivités. Les mesures temporaires (chômage partiel, report de charges,…) auront été d’une ampleur suffisamment importante pour que l’économie reparte au début du mois de mai. Le coût est élevé mais cette prise en charge collective est le moindre mal. La BCE ayant été active durant la période, les taux d’intérêt sont bas et les conditions financières accommodantes.
Toutes les conditions seraient alors réunies pour un retour de la croissance qui pourrait même être favorisé par un plan de relance pour recaler l’économie sur la bonne trajectoire.
Au regard de certaines analyses (voir celle de l’Imperial College de Londres) ce scénario est trop optimiste et l’hypothèse de sortie de crise, dès fin avril, pourrait être prématurée et trop optimiste. La crise sanitaire pourrait être plus longue, obligeant à maintenir la stratégie de confinement tant qu’une immunité collective n’a pas été observée ou tant qu’il n’existe pas de vaccin.
Que pourrait il alors se passer sur le plan économique?
Le plan de 750 milliards de la BCE est une mesure du coût que représenterait la crise si elle en dure que jusqu’à la fin du mois d’avril.
Une crise plus longue en ferait exploser le coût alors que dans le même temps, la confiance de chacun envers les gouvernements risque de s’estomper puisque le scénario qui se dessine n’est pas celui qui était privilégié.
Du côté des gouvernements, si la crise est plus longue qu’attendue, le choix sera soit d’arrêter l’ensemble des mesures en raison des coûts associés, soit de les prolonger en attendant que la situation sanitaire se stabilise enfin.
La première option implique que tous les ajustements qui ont été reportés du fait de la prise en charge par l’Etat seront effectués lors du retrait de l’Etat.
Le chômage pourrait alors exploser et le la société civile être profondément déstabilisée. Cela peut apparaitre comme la pire des solutions. Les conséquences du choc profond sur l’activité ont ainsi été retardées mais la fin de la prise en charge par l’Etat conduit à une situation instable qui apparaît peu souhaitable en raison du coût économique et par la suite du coût politique qui pourraient en résulter.
Il semble préférable de prolonger les mesures prises afin de limiter les risques d’ajustements mentionnés ci-dessus.
Les dépenses gouvernementales progressent à un rythme très élevé et l’intervention de la banque centrale est de plus en plus importante. La monétisation de la dette publique n’est alors jamais apparue aussi marquée ni aussi directe et visible depuis des lustres. Les gouvernements sont même obligés d’accentuer les mesures car l’économie sous-jacente se dégrade, faute de reprise de l’activité. Le capital productif devient progressivement obsolète et la perception, par tous les observateurs, est que la reprise qui se profilera, un jour, ne sera pas à la hauteur des sommes engagées ni des attentes de tous.
L’accélération des dépenses et leur financement par la banque centrale apparaissent alors comme une stratégie inefficace car l’économie continue de se dégrader faute d’investissements.
Le risque est une perte de confiance dans la monnaie face à l’emballement de la politique économique et aux émissions monétaires considérables alors que l’économie continue de se dégrader faute de dépenses d’investissements suffisantes.
En 1923, en Allemagne, une telle situation s’était traduite par une période d’hyperinflation. Celle ci permettait d’effacer les conséquences de la première guerre mondiale sur l’économie allemande et les difficultés à retrouver une bonne trajectoire de croissance.
Le risque est là. Si la crise sanitaire se prolonge au delà du mois d’avril, la prise en charge de l’économie par l’Etat sera de plus en plus importante et le financement des mesures par la banque centrale apparaitra alors sans limites.
Le financement sans contrainte et de plus en plus important face à une économie qui n’a plus les ressources et les capacités à investir efficacement pour se renouveler a toute les chances de s’ajuster via une inflation très élevée. Plus aucun agent économique n’aura alors le sentiment qu’en raison de la politique à l’œuvre, un retour à un équilibre cohérent avec celui qui prévalait avant la crise est possible. Toutes les options sont alors possibles et celle de l’hyperinflation apparaît comme la plus crédible compte tenu de la politique économique qui, in fine et contrairement aux engagements crédibles du début de la crise sanitaire, ne permet pas les ajustements macroéconomiques tout en s’enferrant dans une fuite en avant monétaire.