Gonet: l'actualité des marchés au 3 novembre

Jean Frédéric Nussbaumer, Gonet & Cie

4 minutes de lecture

Dow -1,55%, S&P 500 -2,50%, Nasdaq -3,36%, Russell 2000 -3,36%, SOX -3,09%, Eurostoxx -0,79%,SMI +0,21%.

Comme attendu, la Fed relève ses taux de 75 points de base hier (pour les porter à 4% à la limite supérieure). Bien que le communiqué de presse ait signalé un ralentissement du rythme de resserrement à venir, Jerome Powell laisse entendre que les prévisions de la Fed concernant le taux final seraient probablement revues à la hausse en décembre. Le marché reste donc dans le flou quant au timing du tant désiré pivot, déception dans les salles de trading. Le président de la Fed réitère son engagement ferme en faveur d'une baisse de l'inflation. Il indique que la Réserve Fédérale a été surprise par les récentes lectures de l'inflation dans un contexte de demande résiliente et d'offre de travail décevante. Selon lui, le ralentissement des hausses de taux contribuera à limiter le risque de surenchère. Du point de vue de la gestion du risque, cependant, un resserrement excessif est toujours considéré comme moins dangereux que de laisser les tendances inflationnistes dériver vers le haut, toujours selon Jerome Powell. Notons que la Fed modifie ses prévisions, elle tient désormais ouvertement compte du décalage entre sa politique et les perspectives d'inflation. En d'autres termes, une baisse convaincante de l'inflation n'est plus une condition nécessaire pour ralentir le rythme du resserrement.

Ces derniers temps, les investisseurs et les traders se sont focalisés sur la perspective d'un pivot de la Fed, c'est-à-dire le moment où la banque centrale passe d'une politique de resserrement à une politique d'assouplissement, ou au moins d'une pause dans les hausses et d'un maintien des taux pendant un certain temps. Bien que la déclaration du FOMC indique que les conditions ne sont pas encore «suffisamment restrictives», le nouveau langage suggère qu'une pause pourrait être proche, les responsables permettant à l'inflation de revenir à 2% au fil du temps tout en tenant compte du resserrement cumulatif et des décalages de la politique monétaire. Ce matin BNP Paribas Exane indique prévoir une pause dans le cycle en février/mars de l’an prochain.

Le marché est donc déçu à la première lecture du discours du premier banquier au monde. Ceci dit, on sent bien que Jerome Powell et ses compères ont révisé leur théorie monétariste ces derniers jours. Tout au long de l'automne, les actifs à risque (les actions donc, même si cette définition mérite débat dès lors qu’on s’autorise  un horizon temps de plus de dix minutes, mais passons…) ont progressé à l'unisson les jours où l'humeur collective se rapprochait d'un pivot, et ont été délaissés les jours inverses. Le dilemme de la Fed tient en partie au fait que la politique monétaire fonctionne avec des décalages longs et variables, pour reprendre les termes de Milton Friedman. Cela signifie qu'il faudra du temps pour que des taux d'intérêt plus élevés affectent l'économie réelle et freinent l'inflation, et il pourrait être judicieux de ralentir ou d'arrêter les hausses de taux avant que l'inflation ne s'approche d'un niveau confortable. C’est là la tâche la plus compliquée de tout banquier central, savoir quand s’arrêter et laisser le paquebot terminer la correction de trajectoire de lui-même.

Sur le marché des Fed Funds, on s’attend désormais à une hausse de 50 points de base lors du FOMC du 14 décembre. On prévoit ensuite une victoire de l’équipe de Suisse à l’occasion d’un match de football le 18 décembre, un événement familial le 25 et, enfin me direz-vous ! une pause dans le cycle de hausses de taux en mars.

À Wall Street, on débouche le champagne dès l’annonce de la Fed, la hausse de taux est conforme aux attentes et le communiqué mentionne une pause à venir. 30 minutes de plénitude permettent aux indices de rebondir significativement, puis Oncle Jay monte sur scène et éteint le stade, ambiance… Jerome Powell ferait probablement un très mauvais DJ, aucun sens du rythme, pas d’emprise sur la foule, enchaine transitions ratées sur transitions ratées. En revanche, sur le fonds l’avenir nous dira peut-être qu’il a délivré hier soir un des discours les plus aboutis de sa carrière (just my view). Certes, le marché des actions recule significativement mais on connait la bestiole, ô combien impatiente et incapable de prendre du recul à court terme. L’indice S&P500 (SPX) bute une nouvelle fois sur sa moyenne mobile à 100 jours (3897 points) et clôture à 3759 points. Les volumes d’échanges augmentent quelque peu, à 11,77 milliards de titres traités sur le NYSE mais la volatilité reste de marbre, le VIX ne bouge pas d’un iota et se maintient à 25,86, ça vous parle? Les secteurs les plus en souffrance hier sont la consommation discrétionnaire, la tech et les télécoms. Notons que les grosses capitalisations du secteur technologique font encore l’objet de désengagements massifs et accélèrent le recul des indices au vu de leur pondération dans ces derniers.

Sur le front du marché obligataire, on assiste à une pentification de la courbe, le 2 ans réagit fortement au discours de la Fed et remonte à 4,68%, tandis que le 10 ans fait de même mais moins intensément, il évolue ce matin à 4,15%. Le dollar profite de la situation et revient à 0,9780 contre euro, tandis que l’or recule à 1629 dollars l’once. Le pétrole reste plutôt stable, à 88,98 dollars le baril de WTI Light Crude.

Hier soir, la Fed nous avoue d’une certaine façon ne pas trop savoir où en est l’inflation et quel est l’impact réel de sa politique monétaire sur cette dernière. Gardons en tête que la croissance est aussi concernée par cette politique et ça tombe bien, demain sera publié le très important rapport mensuel sur l’emploi aux Etats-Unis, auquel la Réserve Fédérale accorde une grande importance.

Les remarques de Jerome Powell laissent le marché divisé sur la suite des événements. Jeffrey Gundlach déclare à CNBC que le FOMC pourrait ralentir son rythme de resserrement, et qu'un mouvement de 75 points de base n'est pas le scénario de base. Sam Stovall, de CFRA, déclare que la meilleure hypothèse est que «la Fed continue de suivre la voie la plus radicale». Edward Moya, chez Oanda, note que les risques que la Fed porte les taux à plus de 5% «sont clairement toujours d'actualité». Trait d’humour chez BMO: «Une chose est évidente au vu du ton de la Fed. La 'Pause du Père Noël' ne viendra pas en ville».

La BOE devrait procéder aujourd'hui à sa plus forte augmentation de taux depuis 33 ans, intensifiant ainsi ses efforts pour contenir une inflation à deux chiffres. Une hausse de 75 points de base est presque entièrement prise en compte par les marchés monétaires. Il devrait s'agir d'une mesure ponctuelle avant que la banque ne revienne à des hausses plus modestes, selon Bloomberg Economics. L'annulation par Rishi Sunak des plans de relance économique de l’ancienne première ministre Liz Truss a atténué l'idée que la BOE pourrait être amenée à prendre des mesures encore plus importantes.

La seconde lecture des indicateurs PMI des services sa publiée tout au long de la journée pour les principales économies. Il y aura aussi la décision de la Banque d'Angleterre sur ses taux et un gros empilage de statistiques américaines: étude Challenger sur l'emploi, inscriptions hebdomadaires au chômage, commandes industrielles et ISM des services. Ce matin, Caixin a annoncé que son indice PMI des services chinois s'est dégradé à 48,4 points, soit en zone de contraction pour le second mois consécutif.

AXA: les revenus sur neuf mois sont en hausse de 2%. Le coût de l'ouragan Ian est évalué à 0,4 milliards d’euros. BNP Paribas: le bénéfice net trimestriel est significativement plus élevé que les attentes du consensus. L'Oréal n'a pas décidé de suspendre la publicité payante sur Twitter, après que le Financial Times a propagé la rumeur. Adecco: annonce un troisième trimestre conforme aux prévisions BMW: le résultat opérationnel du troisième trimestre atteint 3,68 milliards d’euros, légèrement au-dessus des attentes. eBay: l'action rebondit de 7% post-clôture après la publication des chiffres du troisième trimestre. Geberit annonce une baisse de 7,5% de ses ventes au troisième trimestre, liée à l'affaiblissement de la récente tendance à la rénovation des maisons. L’action recule de 4% dans le pré-marché. ING Group: le bénéfice net ressort en-deçà des attentes. Lenovo accuse sa première décroissance en dix trimestres. Qualcomm: les résultats du groupe technologique américain ne convainquent pas, avec une action qui perd 7,5% après la séance. Zalando: revoit ses résultats annuels dans le bas de sa fourchette d'objectifs. Le ministère américain de la Justice se prépare à enquêter sur le rachat de Figma par Adobe.

Cette nuit et ce matin en Asie, les indices traitent en baisse, il semble bien qu’ils aient écouté le discours de Jerome Powell. Tokyo échappe à la patrouille, elle a congé aujourd’hui. Hong Kong perd 3,1% (après deux superbes séances), Shanghai recule de 0,19% et Séoul égare 0,33%. Le future SPX perd 4 points et l’Europe ouvre en baisse de 1,2%.

A lire aussi...