La seconde partie de la semaine écoulée met cruellement en lumière le fossé qui sépare actuellement deux mondes, à ma gauche les Etats-Unis, short rouge flamboyant assorti d’un MAGA doré. À ma droite, la de plus en plus vieille Europe, short délavé sale et effilé. Rien ou presque ne plaide actuellement en faveur du vieux continent. Le conflit en Ukraine et en Russie s’intensifie aux portes de la zone, l’instabilité politique augmente en France et en Allemagne, on se demande bien comment Michel Barnier parviendra à se maintenir à son poste de premier ministre de la France en décembre, l’ombre de Marine et ses copains survole l’Assemblée Nationale, ambiance… Et pendant ce temps-là le marché sanctionne ce joyeux pataquès, j’y reviens. Chez nos amis teutons, ce qu’il subsiste d’aura du pauvre Olaf fond comme neige au soleil, ils sont beaux les moteurs de l’Europe, heureusement qu’il y a les pays du «Club Med» comme Paris et Berlin aimaient les surnommer il n’y a pas si longtemps. Vendredi on croit bien que le coup de grâce est donné à la zone euro. Les indicateurs d’achats (PMIs) du mois de novembre s’effondrent, tandis que plus ou moins l’inverse se produit aux Etats-Unis, ajoutez à cela une croissance des bénéfices de sociétés nettement moindre que chez l’Oncle Sam et c’en est trop, l’euro met un genou à terre face au dollar, en apparence plus fort que jamais.
Les intervenants ne s’y trompent pas, c’est bien sur le terrain des monnaies que le débat s’est déplacé, l’euro est en pleine crise de nerfs, le billet vert et le franc suisse en profitent, la paire EUR/USD accélère vers le bas et chute vendredi à 1,0335, cassant au passage un important support technique à 1,0448 (bas en séance du 3 octobre 2023) et s’approchant très près de son prochain support, qui se situe dans la zone 1,0315 – 1,0300. Ce matin la paire se reprend, elle est de retour à 1,0458, le marché respire quelque peu après l’annonce de la nomination de Scott Bessent à la tête du Trésor Américain, qui rassure à peu près tout le monde. On surveillera donc le niveau de 1,0448 de près. Sur la partie de l’euro suisse cela bouge aussi beaucoup en fin de semaine passée. Une monnaie unique européenne faible, combinée à une des valeurs refuges les plus solides du globe et qui plus est une paire EUR/CHF évoluant dans un canal baissier pour l’euro depuis avril 2018, cela donne une forte poussée vers le bas vendredi, la paire vient toucher 0,9206, un niveau de support horizontal important et son plus bas historique, si l’on fait abstraction de la chute du 15 janvier 2015, il était alors pratiquement impossible de traiter dans les abysses de ce jour-ci. Situation des plus frustrantes pour les exportateurs helvètes, une fois encore me direz-vous, eux qui doivent faire avec une monnaie en quasi constante hausse depuis le début des années septante. On gardera ceci dit en tête les récents propos du nouveau patron de la BNS, qui n’exclut pas un retour aux taux négatifs. Ce matin la paire EUR/CHF s’est aussi reprise et traite à 0,9321.
À Wall Street les taureaux se portent bien. La journée de vendredi confirme une fois de plus que la pression acheteuse s’étend à tous les secteurs, à témoin la nouvelle surperformance du jour de l’indice S&P500 équipondéré (SPW) qui progresse de 0,79% (contre 0,35% au SPX) et atteint un nouveau record historique à la cloche, le SPX n’y est pas encore, il lui manque environ 1% pour cela. Lisez: il y a une vie boursière après les sept magnifiques, c’est une excellente nouvelle pour les partisans d’une poursuite de la hausse. Les petites capitalisations se font remarquer, l’indice Russell2000 (RTY) progresse de 4,5% sur la semaine, la volatilité se ratatine de 9,66%, le VIX revient à 15,24, même phénomène du côté de la volatilité obligataire, le MOVE recule de 2,7% et repasse sous les 100. Cette bonne tenue de la bourse américaine est d’autant plus impressionnante que la macro de vendredi nous révèle des indices de directeurs d’achats (PMIs) en forme olympique et nettement supérieurs aux attentes. Alors certes l’indice de confiance de l’université du Michigan manque les attentes mais les Fed Funds ne sont désormais plus du tout aussi convaincus que la Fed va poursuivre son cycle de baisses de taux dès le 18 décembre (56% de probabilités), ni ensuite d’ailleurs (29 janvier 21%, 19 mars 55%). Or on sait que le principal moteur de la hausse est une politique monétaire expansionniste, Wall Street ne laisse même plus les miettes aux autres marchés apparemment.
La nomination de Scott Bessent à la tête du Trésor des Etats-Unis rassure tout le monde. Elle valide d’une certaine manière la forte hausse de Wall Street depuis le 5 novembre. Le nouveau venu est un vétéran du marché, considéré comme pragmatique, il tranche nettement avec le reste de l’équipe de type «Muppet Show», est un partisan du libre-échange, a longtemps travaillé pour George Soros et n’est pas un ami de Donald Trump ni de Jerome Powell d’ailleurs. M. Bessent indique qu'il soutiendrait les tarifs douaniers et les plans de réduction d'impôts, mais les investisseurs s'attendent à ce qu'il donne la priorité à la stabilité, apaisant ainsi certaines inquiétudes quant à l'impact d'un second mandat de M. Trump. Dans une interview accordée au Wall Street Journal, Scott Bessent déclare qu’il s’attacherait également à maintenir le dollar en tant que monnaie de réserve mondiale. Il présente des plans visant à réduire le déficit budgétaire à 3% du PIB d'ici 2028, à stimuler une croissance de 3% et à produire 3 millions de barils de pétrole supplémentaires par jour. On est rassurés, la guerre de 3 n’aura manifestement pas lieu.
Passons maintenant au Royaume de Mordor à l’Europe. Vous vous souvenez probablement de la magnifique cérémonie d’ouverture des jeux olympiques de Paris. Gardez ce souvenir dans un petit coin de votre tête, cela vous aidera à faire passer la pilule d’un CAC40 manifestement incapable de se reprendre en l’état. La semaine passée le Stoxx Europe 600 (SXXP) rebondit de 1%, bien aidée par les places financières allemandes et britanniques. À Paris ça balance pas mal mais du mauvais côté avec un piteux repli de 0,2% sur la semaine. Le problème, c’est que si l’on considère les performances des indices depuis le premier janvier, cela devient carrément gênant avec +25% pour le SPX, +26,6% pour le NDX, +6,8% pour l’Eurostoxx et +5,31% pour le SMI, contre -2,8% pour le CAC, qui a perdu près de mille points depuis son record du mois de mai à 8259 pts. Alors certes, on sait bien que la dépendance à la consommation chinoise du secteur du luxe, qui pèse lourd dans l’indice, est la principale raison de cette débâcle boursière, mais la perte de patience des intervenants commence à sérieusement se voir.
Au chapitre de l’énergie, le cours du baril de WTI Light Crude se reprend et remonte à 70,41 dollars. Les tensions croissantes entre russes et ukrainiens soutiennent l’or noir mais les fondamentaux sont plutôt déprimés.
L’or vit sa vie. La poussée de fièvre du billet vert de fin de semaine passée aurait dû mettre la relique barbare à genoux, il n’en est rien et le métal jaune est de retour à 2671$ par once, actuellement en grande discussion technique avec sa moyenne mobile à 50 jours, qui évolue à 2666 dollars.
Le nationaliste Calin Georgescu, qui a exprimé son admiration pour Vladimir Poutine, obtient 22% des voix lors de l'élection présidentielle en Roumanie, ce qui devrait entraîner un second tour avec le premier ministre Marcel Ciolacu. Cela constitue une énorme surprise, Calin Georgescu est indépendant et s’est fait connaître sur le réseau Tik Tok.
Au menu macro-économique du jour, L'indice Ifo de confiance des milieux d'affaires allemands (10h00) précédera l'indice de la Fed de Chicago (14h30).
Les Adani étaient au courant de l'enquête américaine lorsqu'ils ont vendu à TotalEnergies des actifs liés à des pots-de-vin, selon les procureurs US. Unicredit lance une OPE de 10,1 milliards d’euros sur sa compatriote Banco BPM. Le ministre allemand des finances s'attend à ce qu'Unicredit abandonne son projet de rachat de Commerzbank, en raison des objections soulevées par le gouvernement de Berlin. L'autorité antitrust italienne juge acceptables les mesures correctives proposées par Swisscom pour autoriser l'opération avec Vodafone en Italie. Unilever veut céder des marques de produits alimentaires représentant 1 milliard d’euros de ventes annuelles dans le cadre de ses projets de réorganisation. Lattice Semiconductor s'intéresserait à la division Altera d'Intel, selon Bloomberg. Amazon investit 4 milliards de dollars de plus dans Anthropic. Le gouvernement américain a l'intention de réduire la subvention fédérale initiale accordée à Intel de 8,5 milliards de dollars à moins de 8 milliards de dollars, selon le NYT. Selon Nikkei, la famille fondatrice de Seven & i a sondé KKR et d'autres fonds pour l'aider à mener à bien un rachat. Anglo American vend ses mines de charbon australiennes à Peabody Energy pour un montant pouvant atteindre 3,78 milliards de dollars.
Cette nuit et ce matin en Asie, les indices traitent en hausse hormis en Chine où Hong Kong baisse de 0,41% et Shanghai rend 0,10%. Tokyo gagne 0,71% à la cloche, Séoul avance de 1,32% et le Nifty50 monte de 1,13%. Le future SPX grimpe de 27 points (cassure des 6'000 points en vue?) et l’Europe ouvre en hausse de 0,7%.
Cette semaine nous nous concentrerons moins sur les résultats de sociétés, il en reste peu (notamment Dell, Agilent, Alimentation Couche-Tard, Compass et EasyJet). Les moments clés seront les minutes de la Fed (demain soir), son indice favori pour mesurer l’inflation le PCE (mercredi soir) et une bonne grosse dinde jeudi pour Thanksgiving, Wall Street restera fermée pour l’occasion. Autant dire que la route des Hamptons sera empruntée par les traders dès mercredi heure de sortie des bureaux, la fin de semaine devrait être calme sur les parquets de trading.
Le bitcoin s’approche très près de la barre des 100'000 dollar vendredi (99’728$) pour ensuite se replier et traiter ce matin à 98’300 dollars, à suivre.