Gonet: l'actualité des marchés au 16 décembre

Jean Frédéric Nussbaumer, Gonet & Cie

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Dow +1,08%, S&P 500 +1,63%, Nasdaq +2,15%, Russell 2000 +1,65%, SOX +3,69%, Eurostoxx +0,37%, SMI +0,96%.

Wall Street est bluffante ou incorrigible, on verra… Le marché attend sagement 20h, prend acte de la non-action prévue de la Fed sur les taux d’intérêts et se prépare à écouter Jerome Powell, qui s’adresse aux investisseurs à 20h30. Le moins que l’on puisse dire est que le boss de la Fed réussit une fois encore à susurrer les mots justes aux oreilles du marché des actions, qui décolle comme un seul homme après son allocution. Et pourtant le discours est plus agressif qu’attendu, ce qui aurait pu mettre les indices à genoux, mais les investisseurs apprécient grandement que la Réserve Fédérale leur fournisse un quasi calendrier des hausses de taux prévues en 2022, 2023 et même 2024. On se dit du coup dans les salles de marchés que la Fed est bien aux commandes du bateau « économie US » et le ton calme, posé et confiant de Jay Powell fait le reste, ah ce grand enfant qu’est le marché des actions, papa l’a rassuré hier soir ! Notons au passage que le niveau des taux directeurs attendus par les économistes pour fin 2024 reste quasiment le même, ça aide aussi pas mal, même si le rythme pour y parvenir est accéléré.

Concrètement, la Fed annonce que le tapering va passer de 15 à 30 milliards de dollars par mois, ce qui devrait permettre de mettre fin à ce programme de soutien, lancé dans le cadre de la pandémie, au printemps 2022. Le modèle de prévisions de la Réserve Fédérale prévoit désormais trois hausses de taux (de 25 points de base chacune) en 2022, trois supplémentaires en 2023 et deux de plus en 2024. Monsieur Powell indique qu’il ne faudra pas forcément attendre beaucoup entre la fin du tapering et la première hausse de taux, ce qui nous met entre mars (environ 50% de probabilités dans le marché ce matin) et mai pour la première salve.

Powell affirme que la Fed n'est pas en retard sur la courbe des taux: «Je pense que c'était un geste important à effectuer. Je pense que les données que nous avons reçues vers la fin de l'automne étaient un signal très fort que l'inflation est plus persistante et plus élevée et que le risque qu'elle reste plus élevée pendant plus longtemps a augmenté. Et je pense que nous réagissons à cela maintenant et que nous continuerons à adapter notre politique. Je ne dirais donc pas que nous sommes en retard sur la courbe. Je dirais plutôt que nous sommes maintenant en mesure de prendre les mesures qui s'imposent de manière réfléchie pour résoudre tous les problèmes, y compris celui d'une inflation trop élevée.» Le patron de la Fed avertit par ailleurs que le taux de participation de la population active au marché du travail n'a pas augmenté comme il le prévoyait, mais que la Réserve Fédérale pourrait augmenter le taux avant que le mandat de plein emploi ne soit atteint. Voilà, ce n’est certes pas du Shakespeare ni du Molière, mais ça a le mérite de nous poser son homme, market’s got the Powell…

Wall Street est donc bluffante, les indices d’actions décollant après que le principal ait sifflé la fin de la récréation, ou incorrigible, les indices d’actions décollant en l’absence la plus totale de réaction du marché obligataire. Rappelons ici que le marché des actions est l’adolescent et celui des obligations l’adulte, qui se conduit bien plus souvent de façon rationnelle que son fougueux petit frère. Or la courbe des taux ne pipe mot hier, comme hypnotisée par Jerome Powell. La partie courte de la courbe ne bouge pas (2 ans) alors que sur le front de 10 à 30 ans, les rendements gagnent entre 1.5 et 3 points de base. Ce matin, le 10 ans rend 1.45%, c’est un véritable château de la belle au bois dormant dans lequel le marché obligataire semble s’être enfermé. On sait que la bestiole peut mettre du temps à réagir, on verra donc aujourd’hui ce qu’il en est, les actions aussi verront, restons donc stoïques, sans bien sur bouder notre plaisir de voir les niveaux des indices ce matin.

L’indice S&P500 (SPX) récupère son niveau psychologique de 4700 points, le Nasdaq100 (NDX) gagne 3,5% depuis son plus bas du jour et le VIX chute de 12% à 19,29. On achète la faiblesse générée lundi et mardi, en privilégiant les actions dites favorites de type Nvidia (NVDA +7,5%), Apple (AAPL +2,85%), Intel (INTC +1,95%) ou encore notamment Microsoft (MSFT +1,92%). Les titres de croissance sont favorisés au détriment de ceux de valeur, le podium du jour du SPX se compose de la technologie, des utilitaires et de la santé, le seul secteur du SPX terminant la journée dans le rouge étant celui de l’énergie. En observant les autres classes d’actifs, on se dit que Jerome Powell a probablement un talent secret d’anesthésiste. L’or se maintient à 1785 dollars l’once, le dollar tente un soubresaut mais rentre très vite dans le rang, la paire EUR/USD traite à 1,1300 ce matin. Quant au pétrole, il remonte légèrement, à 71,82 dollars le baril de WTI Light Crude.

Tout le monde semble s’en ficher, pour le moment du moins, mais les relations entre Washington et Pékin semblent se détériorer à nouveau. Des rapports publiés cette nuit indiquent que le ministère américain du commerce s'apprête à placer plus d'une vingtaine d'entreprises chinoises, dont certaines sociétés de biotechnologie et des fabricants de puces électroniques, sur une «liste d'entités» restreignant les échanges avec les entreprises américaines (source: Financial Times).

Aujourd’hui, c’est le super jeudi des banques centrales. Tout d'abord, la Banque d’Angleterre (BoE), dont la décision sera sur le fil du rasoir pour une deuxième réunion consécutive. Si les données plaident en faveur d'une hausse de taux, l'incertitude quant à omicron incite à une mise en attente, selon Bloomberg Economics. Ensuite, c'est au tour de la Banque Centrale Européenne (BCE), qui devrait annoncer la fin du PEPP et l'extension du programme d'achat d'actifs, toujours selon Bloomberg Economics. À ce propos, les nouvelles prévisions d’inflation de la BCE sont plutôt modérées, ce qui pourrait laisser quelque latitude à Christine Lagarde pour gagner du temps. Le cas échéant il faudra suivre attentivement l’euro, qui pourrait glisser contre le billet vert. Il pourrait y avoir de l'action en Norvège aujourd’hui, avec un consensus pour que la Norges Bank relève son taux directeur de 25 points de base à 0,5%, bien que l'émergence d’omicron ait rendu cette décision moins évidente. La Turquie devrait poursuivre sa politique d'assouplissement et procéder à sa quatrième baisse consécutive, cette fois de 100 points de base. Le président Erdogan a remplacé deux vice-ministres des finances ce matin, probablement dans le but d'encourager une politique plus souple. La Banque nationale suisse devrait maintenir ses taux directeurs à -0.75% , l'attention étant portée sur la façon dont les responsables de la BNS décriront le franc (tentative au hasard: cher? très cher? atrocement cher?).

La «vitesse phénoménale» à laquelle la souche omicron se propage au Royaume-Uni entraînera une augmentation des admissions dans les hôpitaux pendant la période des fêtes, annonce Chris Whitty, médecin en chef pour l'Angleterre. L'Allemagne rationne les vaccins en raison d'une pénurie. Apple retarde indéfiniment son retour au bureau et Morgan Stanley demande à certains de ses employés de travailler à domicile. La Nouvelle-Zélande et l'Indonésie signalent leurs premiers cas d'omicron. La Nouvelle-Galles du Sud connait des infections record. Le Canada demande à ses citoyens d'éviter de voyager.

Grosse journée de publications aujourd’hui, avec notamment les indices PMI de décembre et une batterie de décisions de banques centrales comme mentionné ci-dessus: Suisse (9h30), Angleterre (13h00) et BCE (13h45). Aux Etats-Unis on ne chôme pas non plus avec les permis de construire, les demandes hebdomadaires d'allocation chômage et l'indice Philly Fed (14h30), puis la production industrielle (15h15).

Novartis va racheter 15 milliards de dollars d'actions propres.  Les ventes de Volkswagen en 2021 devraient être légèrement inférieures à 9 millions de véhicules, selon Manager Magazin. Intel va investir 7 milliards de dollars dans une nouvelle usine en Malaisie et créer 9’000 emplois. Vontobel acquiert l'activité SFA d'UBS avec 7,2 milliards de francs d'actifs. Chaud devant ! Reddit dépose un dossier pour entrer en bourse aux Etats-Unis.

Cette nuit et ce matin en Asie, les indices sont bien orientés à la hausse, portés par la Fed et Wall Street. Tokyo gagne 2,13% à la cloche, Hong Kong grappille 0,25%, Shanghai progresse de 0,75% et Séoul grimpe de 0,57%. Le future SPX continue son rebond et gagne 0,6% alors qu’en Europe, une fois n’est pas coutume, on se laisse griser et l’Eurostoxx va ouvrir en hausse de près de 2%. C’est fou ce qu’un peu de clarté peut faire du bien aux marchés des actions, c’est fou aussi de constater combien le marché obligataire reste coi, c’est de ce côté que je garderais un œil aujourd’hui.

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