Gonet: l'actualité des marchés au 10 août

Jean Frédéric Nussbaumer, Gonet & Cie

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Nasdaq -0,87%, Dow +0,17%, SPX +0,06%, Russell +1,59%, SOX -1,18%, Eurostoxx +0,38%, SMI +0,01%.

Wall Street clôture la séance de vendredi sur une note neutre, sur fonds de statistique de l’emploi meilleure que prévu aux Etats-Unis et d’incertitude quant au plan de soutien aux chômeurs. L’indice S&P500 (SPX) réalise une envolée dont il a le secret dans la dernière demi-heure de trading, ce qui lui permet de clôturer dans le vert pour la sixième séance consécutive, on n’avait plus vu cela depuis avril 2019. On prend ses profits dans les valeurs de la technologie, les intervenants effectuant une rotation vers les titres dits de valeur, les utilitaires notamment. Les financières profitent du rebond du rendement de l’emprunt US à 10 ans, qui revient à 0,56%. Le dollar réagit aussi au rapport sur l’emploi US et remonte à 1,1796 contre euro. L’or fait l’objet de prises de bénéfices, pénalisé par le rebond du billet vert et des taux réels. L’once traite à 2032 dollars ce matin contre un plus haut à 2075 dollars vendredi, un niveau de résistance. Techniquement, le SPX envoie un nouveau signal de vente (buy exhaustion) et le NDX reste en territoire suracheté, ce qui ne semble pas déranger grand monde… L’indice des Transports (TRAN) est sur le point de rejoindre le club des indices en surchauffe.

Sur la semaine, le SPX progresse de 2,45%, le NDX de 2,14% et le vénérable Dow Jones de 3,8%. Le dernier rapport sur l'emploi montre que les entreprises américaines ont créé 1,8 million d'emplois en juillet et que le taux de chômage est tombé à 10,2%. Le consensus s’attendait à 1,5 million de créations et un taux de chômage à 10,6%. Du côté obscur du sentiment, certains craignent que le prochain paquet d'aide aux chômeurs ne soit pas aussi solide que le premier. La relance budgétaire a été un facteur clé dans la reprise spectaculaire de la bourse depuis son plus bas niveau de mars et les craintes que les législateurs ne parviennent pas à un consensus provoquent une certaine volatilité dans les marchés.

Samedi, Donald Trump tente de contourner le Congrès et d'apporter des changements spectaculaires à la politique fiscale et de dépenses des Etats-Unis, en signant des décrets qui remettent en question les limites du pouvoir qui séparent la Maison Blanche et le Capitole. Trump déclare que ces mesures apporteraient un soulagement économique à des millions d'Américains en différant les impôts et en fournissant des allocations de chômage temporaires. Les mesures tenteraient de priver le Congrès de certains de ses pouvoirs les plus fondamentaux, prévus par la Constitution, à savoir la politique fiscale et de dépenses. Donald Trump reconnait que certaines de ces mesures pourraient être contestées devant les tribunaux, mais il indique qu’il persévérera.

Les tensions entre les États-Unis et d’autres pays (regardez surtout en direction de Pékin) sont également en toile de fond. Les dernières mesures américaines coûtent déjà cher à la Chine : l’interdiction faite aux entreprises américaines de commercer avec les propriétaires des applications TikTok et WeChat fait perdre 75 milliards de dollars aux entreprises chinoises de la technologie à la Bourse de Hongkong vendredi. Tencent, le propriétaire de la messagerie WeChat, 7e capitalisation boursière mondiale, abandonne 5%. Ce matin, le titre recule de 3,5% supplémentaires. ByteDance, maison mère de TikTok, n’est pas cotée, mais d’autres valeurs chinoises, comme Alibaba, reculent par ricochet. Dans la journée de vendredi, une autre série de sanctions s’abat, cette fois sur onze dirigeants de Hongkong, à la fois Hongkongais et Chinois, visés par le Trésor américain pour leur responsabilité dans le recul actuel des libertés publiques sur le territoire. Pour mémoire, Donald Trump a signé jeudi un décret interdisant, d’ici à quarante-cinq jours, toute transaction menée par «des personnes sous juridiction américaine» avec ByteDance et «pour toute transaction liée à WeChat… avec Tencent ou une de ses filiales». Si l’attaque contre TikTok était annoncée depuis des semaines, les Etats-Unis font monter la pression sur Pékin en ciblant WeChat, qui revendique plus d’un milliard d’usagers. TikTok est beaucoup plus populaire hors de Chine, mais WeChat est essentiel dans la vie quotidienne des habitants du pays : l’application permet de discuter, de partager des contenus, de payer des achats, en ligne ou dans les magasins physiques, ou, grâce à une multitude de programmes partenaires, de payer ses factures, de réserver un taxi, un train ou un hôtel… De plus en plus, l’application est utilisée par les marques pour la vente en ligne. Pour la diaspora chinoise, WeChat est le moyen incontournable pour communiquer avec la famille en Chine.

Ce weekend, le Wall Street Journal indique que Twitter serait intéressée à racheter les opérations américaines de TikTok.

Mais alors, pourquoi donc le marché américain des actions continue-t-il de monter, imperturbable? Ne nous y trompons pas, l’économie des Etats-Unis reste fragile. Prenez les demandes hebdomadaires d’allocations chômage, qui ont montré que «seulement» 1,2 million d’américains se sont inscrits à l’assurance chômage, ce qui indique tout de même que plus d’un million d’américains ont perdu leur emploi en juste une semaine. Même les rapports encourageants sur l’activité manufacturière et des services ont montré un marché de l’emploi quasiment anémique. Au vu de ce qui précède, et l’on sait l’importance du marché de l’emploi pour la croissance économique, on ne peut pas affirmer que les indices d’actions montent dans l’idée d’un redémarrage rapide de l’économie. Et ce n’est pas non plus du côté des résultats de sociétés qu’il faut chercher les raisons de la hausse. 82% des firmes du SPX ont battu les attentes au deuxième trimestre, bien plus que la moyenne de 71% observée lors des quatre trimestres précédents. Cela dit, tout d’abord l’effet de base est tellement bas qu’il n’y a pas de quoi pavoiser et, de toutes les façons, ceci relève de nouvelles déjà connues (old news).

La vraie raison pour laquelle les actions continuent de monter est probablement à chercher du côté des taux réels. Les taux réels sont simplement ce qu'un investisseur gagne après avoir pris en compte l'inflation, et ils sont généralement positifs. Ce n'est plus le cas. Ils sont passés en territoire négatif à la fin janvier, sont brièvement remontés en territoire positif à la mi-mars, et n'ont cessé de baisser depuis. Au cours des deux derniers mois, le taux réel d'un bon du Trésor à 10 ans est passé de -0,36% à -1,05%, le plus bas depuis plus de 17 ans. Les taux réels négatifs semblent expliquer la bizarrerie du monde qui nous entoure. Le prix de l'or atteint des sommets historiques? C'est parce que l'absence de rémunération de l'or ne fait plus du tout aussi mal, les taux réels sont négatifs, le coût d’opportunité de détenir de l’or a de facto disparu. Le dollar est faible? Les taux réels négatifs le rendent moins attrayant qu'auparavant par rapport à ses homologues européens et japonais. Choisissez une classe d'actifs au hasard et il n’est pas impossible que les taux réels négatifs puissent expliquer sa hausse. Le problème potentiel réside dans le fait que tout le monde semble avoir compris ce qui se passe, tout le monde parle de ce phénomène. L’émission «forum» de la RTS (Radio Télévision Suisse) en a fait un sujet la semaine passée, il ne manque plus que votre coiffeur. Attention donc à rester vigilants, on n’a encore jamais vu un lingot d’or monter au ciel…

Nous sommes à 85 jours de l’élection présidentielle américaine, l’hebdomadaire Barron’s publie un long article qui décrit trois scenarii potentiels et leur impact présumé sur les indices d’actions:

  1. Trump est réélu et les républicains conservent le Sénat, 2% de potentiel de hausse pour les actions.
  2. Biden gagne et les démocrates prennent le Sénat, 2 à 5% de potentiel de baisse pour les indices.
  3. Biden gagne, les républicains conservent le Sénat, 4% de hausse potentielle. Just Barron’s view…

Le bénéfice net d’Aramco a chuté de 73,4% à cause des prix pétroliers, mais reste juteux à 6,6 milliards de dollars.  Berkshire Hathaway a racheté plus de 5 milliards de dollars d'actions au deuxième trimestre, qui s'est achevé sur des bénéfices avant impôts de 5,5 milliards de dollars, en baisse de plus de 10%. Fitch fait passer la dette de Rolls-Royce en catégorie spéculative, à «BB+».

L'indice du sentiment des affaires de la Banque de France sera publié à 8h30. Il n'aura pas d'indicateur aux Etats-Unis.

Cette nuit et ce matin en Asie, les indices traitent globalement en hausse. Tokyo est fermée, Hong Kong recule de 0,15%, Shanghai progresse de 0,84% et Séoul avance de 1,35%. L’indice des prix à la consommation pour le mois de juillet est sorti en Chine, légèrement supérieur aux attentes, les prix de la nourriture ont augmenté. Le future SPX gagne 8 points et l’Europe est indiquée en hausse d’un peu moins de 1%.

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