L'offre de services autour des cryptos, l'autre facteur clé

Yves Hulmann

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Pour Gregory Mall de SEBA Bank, la manière de conserver et de gérer les cryptomonnaies devient aussi un enjeu décisif pour de nombreux investisseurs.

Les cryptomonnaies ainsi que les développements en lien avec la finance décentralisée et les actifs numériques ont occupé une place de choix lors de différents panels organisés dans le cadre de Finanz’22, le rendez-vous phare de la finance ce printemps qui s’est mercredi et jeudi à Zuric. Le point sur les cryptomonnaies et les services qui s’y rapportent avec Gregory Mall, Head Investment Solutions chez SEBA Bank.

Quelles cryptomonnaies sont actuellement au centre de l’attention: s’agit-il toujours des plus connues d’entre elles comme le Bitcoin et l’Ethereum ou s’oriente-t-on vers une plus grande diversification en matière de placements dans les cryptomonnaies? Quelles ont été les expériences faites par SEBA Bank à ce sujet?

En termes de volumes, il est clair que le Bitcoin occupe toujours une position dominante sur ce marché. Au cours des dernières années, les choses ont néanmoins déjà beaucoup évolué. Désormais, il y a un grand nombre d’autres cryptomonnaies qui suscitent un intérêt croissant auprès de nombreux investisseurs, y compris parfois chez des personnes qui placent leur argent de manière plutôt traditionnelle dans l’ensemble.

«Pour quelqu’un qui souhaite avoir une exposition dans les cryptomonnaies, il est sensé d’investir via des indices pour réduire ses risques.»

Maintenant, le Bitcoin est une cryptomonnaie qui réunit plusieurs caractéristiques que l’on ne retrouve pas forcément chez d’autres d'entre elles. On peut citer son utilisation comme moyen de stockage de la valeur. Il y a aussi la rareté de l’offre de Bitcoin, dont le nombre d’unités est plafonnée et qui diminue sur la durée, qui est très spécifique à cette monnaie. S’y ajoute son rôle de protection contre l’inflation dans certains portefeuilles. D’autres cryptomonnaies, comme l’Ethereum présentent à leur tour d’autres atouts pour les investisseurs: elle est appréciée pour ses caractéristiques techniques spécifiques, comme sa fonction de «smart contract».

En dehors du Bitcoin, les cycles de popularité des autres cryptomonnaies ne sont-ils pas parfois extrêmement courts?

Au sein du reste de l’univers des cryptomonnaies hors Bitcoin, je pense que l’on peut désormais aussi établir une distinction entre, d’un côté, les «meme token» qui sont purement portés par des phénomènes de hype - un peu comme le cours du Shiba Inu qui a bondi à l’automne 2021 - mais qui perdent ensuite à nouveau rapidement de leur popularité. De l’autre, il y a ce que l’on appelle les «Layer 1 Coins», à l’exemple de l’Ethereum, de Solana ou encore de Cardano – il s’agit de monnaies dont la valeur fluctue également mais qui parviennent à garder un attrait auprès des investisseurs sur la durée.

Comment les clients de SEBA Bank préfèrent-ils investir dans les cryptomonnaies aujourd’hui: en misant sur des monnaies individuelles ou plutôt via un panier incluant plusieurs cryptomonnaies?

Pour quelqu’un qui souhaite avoir une exposition dans les cryptomonnaies, il est sensé d’investir via des indices pour réduire ses risques – nous avons du reste notre propre indice appelé SEBAX qui sert de base à différents produits cotés sur la SIX Swiss Exchange, Euronext Paris et Euronext Amsterdam. En matière de diversification, un autre aspect intéressant à prendre en compte est que l’inclusion d’une petite part de cryptomonnaies dans un portefeuille contribue à améliorer son efficience d’ensemble car il s’agit d’une classe d’actifs qui est peu corrélée avec les autres. En effet, même si les cryptomonnaies évoluent de manière volatile, elles contribuent néanmoins à améliorer le profil de risque du portefeuille dans son ensemble.

Qui sont les clients typiques de votre banque: correspondent-ils au cliché d’investisseurs jeunes et très orientés vers les nouvelles technologies ou est-ce que tous les profils sont désormais représentés?

La première catégorie, composée de ceux que l’on appelle parfois les «cryptonatifs», est bien sûr toujours très importante. Et c’est aussi une clientèle intéressante pour nous. En effet, même des clients qui ont déjà investi entièrement par eux-mêmes dans des cryptomonnaies par le passé apprécient de ne pas devoir se soucier constamment de savoir où sont déposées leurs clés de sécurité. En outre, cette clientèle a aussi la possibilité de contracter des crédits qui sont garantis par les Bitcoins qu’ils possèdent.

«Vous seriez certainement étonné de voir combien d’investisseurs plutôt conservateurs s’intéressent aux cryptomonnaies.»

La deuxième catégorie de clients, également en croissance, est constituée d’entités telles que des gérants de fortune indépendants, ou «external asset managers» (EAM), ou encore des family offices. Pour ces sociétés, l’initiative vient souvent de clients finaux qui s’intéressent à diversifier une partie de leur argent dans les cryptomonnaies. Vous seriez certainement étonné de voir combien d’investisseurs plutôt conservateurs s’intéressent aux cryptomonnaies. Les EAM ou family offices nous considèrent comme des partenaires pour assurer la sécurité de leurs placements dans les cryptomonnaies.

Comment évaluez-vous l’intérêt des investisseurs institutionnels pour les placements dans les cryptomonnaies - et sous quelle forme sont-ils prêts à le faire?

A l’état actuel, il s’agit toujours d’un segment de niche – ce qui signifie aussi que nous disposons encore d’une marge de progression importante. On peut distinguer entre deux types d’investisseurs: d’un côté, il y a les structures déjà évoquées précédemment comme les EAM, les family offices ou encore certaines fondations qui ont en partie déjà un pied dans les cryptomonnaies. De l’autre, il y a acteurs institutionnels traditionnels, tels que les assurances et les fonds de pension, qui sont intéressés dans cette classe d’actifs mais qui hésitent encore à investir dans celle-ci étant donné qu’ils ne sont pas ceux qui souhaitent jouer un rôle de pionnier.

Via la tokénisation, il est possible d’investir dans toutes sortes de classes d’actifs – peu importe qu’il s’agisse d’œuvres d’art ou de biens immobiliers. Est-ce une thématique importante pour une banque comme SEBA?

En théorie, il est certes possible de tokéniser n’importe quel type d’actifs. Dans la pratique, ce n’est effectivement le cas que dans un nombre d’usages assez limités. Nous proposons par exemple les SEBA Bank Gold Token, soit des jetons numériques adossés à de l’or. Ce jeton est une nouvelle façon d’investir dans l’or physique raffiné de façon efficiente en termes de coûts. C’est un actif numérique qui se présente sous la forme d’un jeton cryptographique et qui correspond à une possession directe d’un gramme d’or pur conservé de façon sûre en Suisse.

A ce sujet, la consommation énergétique des cryptomonnaies est un sujet régulièrement débattu. Comment intégrez-vous cette dimension dans votre offre de services en lien avec les cryptomonnaies?

Il faut préciser d’abord que c’est avant tout le mode de fonctionnement du Bitcoin qui nécessite une très forte consommation énergétique. Et au fur et à mesure que l’Ethereum évolue vers un mécanisme basé sur la preuve d’enjeu («proof-of-stake»), cela ne sera plus un problème pour la deuxième plus grande cryptomonnaie. On peut aussi observer que l’industrie active dans le minage du Bitcoin est de plus en plus consciente de ce problème. Il y a toujours davantage de «mineurs» de Bitcoin qui travaillent avec des énergies renouvelables. Quant à la majorité des autres cryptomonnaies les plus notables, comme celles évoquées au début de l’entretien, la question de la consommation énergétique ne figure pas au premier plan.

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