Les caisses de pension investissent dans l’innovation suisse

Nicolette de Joncaire

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Flexstone ferme aux nouveaux investisseurs une stratégie dont 70% du capital sert à financer la croissance d’entreprises innovantes. Entretien avec Eric Deram.

D’un programme lancé fin 20201 avec deux sponsors, Flexstone Partners a fait un véhicule de placement performant à l’intention des investisseurs suisses institutionnels et plus particulièrement des caisses de pension. Le fonds Swiss Select Opportunities affiche une base d’investisseurs étoffée et est désormais fermé aux nouveaux venus. La stratégie est restée fidèle aux intentions originelles: offrir une solution de private equity qui s’engage à investir au moins 70% de ses capitaux dans le financement de la croissance d’entreprises suisses innovantes. Entretien avec Eric Deram, CEO de Flexstone Partners, une société affiliée de Natixis Investment Managers, qui gère plus de 10 milliards de francs sur les marchés privés à l’international en construisant notamment des produits «à la carte».

Rappelez-nous pourquoi vous avez lancé cette stratégie et pourquoi, au programme original, vous avez substitué un fonds?

L’initiative répondait à une forte demande des caisses de pension qui cherchaient à investir dans l’innovation suisse mais ne trouvaient pas ce qui leur convenait dans l’offre existante, notamment celle des grandes banques. Le passage du programme au fonds d’investissement s’explique tout simplement par un souci de simplification administrative.

Pourquoi un fonds de droit français?

Essentiellement pour des raisons de coût. Comme nous avons le passeport européen et sommes agréés en France ainsi qu’aux Etats-Unis, à Singapour et en Suisse, nous avions le choix de la formule la plus avantageuse.

Depuis 2022, les institutions de prévoyance peuvent investir jusqu’à 5% de leur portefeuille dans des placements suisses non cotés. Ce changement législatif vous a-t-il aidé à lever des fonds?

Pas de manière évidente car je pense qu’il n’est pas encore intégré dans les mœurs.

«La performance brute du fonds est de 15% au 31 décembre 2022, ce qui est un excellent résultat pour un fonds de capital-risque européen.»
Vous venez de fermer le fonds après deux ans d’existence. Pour quelle raison?

Le fonds est bien investi dans plus de 90 sociétés, pour partie chez des managers de Private Equity suisse ou dans des fonds paneuropéens de capital croissance, et pour partie directement dans 5 sociétés en coinvestissement. Il nous reste encore 3 ou 4 investissements à faire mais le capital est déployé à 50% et engagé aux deux tiers. Etant donné ses bonnes performances, les investisseurs existants ne désiraient pas de dilution avec l’arrivée de nouveaux venus.

Pouvez-vous détailler davantage la structure de l’investissement et sa performance?

La moitié du fonds est placée auprès de six fonds de private equity investis partiellement ou complètement dans des entreprises suisses. L’autre moitié va directement dans cinq sociétés suisses en coinvestissement avec l’un des six fonds précités afin de ne pas entrer en concurrence avec nos partenaires. L’investissement dans une société particulière peut aller jusqu’à 5 millions de francs. Au total, 70% du capital servira à financer la croissance d’entreprises suisses. La performance brute du fonds est de 15% au 31 décembre 2022, ce qui est un excellent résultat pour un fonds de capital-risque européen.

Quels secteurs privilégiez-vous et comment êtes-vous amenés à sélectionner une entreprise plutôt qu’une autre dans vos investissements directs?

Les secteurs que nous préférons sont les hautes technologies, les sciences de la vie et l’agritech. Nous sommes guidés dans nos choix par l’expertise de nos six partenaires. Ce sont eux qui mènent la sélection et les étapes de la due diligence précédant les tours de financement auxquels nous participons. Mais il est aussi important à nos yeux d’être convaincus de l’opportunité d’investissement.

Quelques exemples de ces sociétés?

Située à Yverdon et issue de l’EPFL, Ecorobotix offre une vraie solution aux exigences de la transition agricole grâce à des technologies ultraprécises de pulvérisation des pesticides et des engrais qui réduisent de 80% les matières chimiques utilisées dans la culture. Leurs procédés ont deux ans d’avance sur ceux de leurs compétiteurs et leur impact positif sur l’environnement nous a séduits. Autre spin off de l’EPFL – et encore résidente dans son Innovation Park -, Kandou Bus est spécialisée dans la connexion ultra-rapide des puces microélectroniques. Basée à Saint-Gall, Frontify nous a été amenée par un fonds de private equity français. C’est une plateforme d’optimisation de la gestion des marques utilisée par des milliers d’entreprises.

Quels sont les risques associés à ce type d’investissement?

Les risques se situent davantage dans la portion en investissement direct. Le premier risque est de nature technologique. Quelle que soit l’avance d’une société, elle peut être rapidement rattrapée car la concurrence est féroce. Peuvent apparaitre également des risques liés à l’équipe de direction. Mais, à l’heure actuelle et pour les 2 ou 3 ans à venir, l’inquiétude vient de ce que ces sociétés pourraient avoir des difficultés à se refinancer dans un environnement où les IPO sont pratiquement impossibles. Pour mitiger ces risques, nous appliquons une politique de haute diversification, avec tout de même quelques paris ciblés.

 

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