Le portefeuille modèle balancé n’est pas dépassé

Salima Barragan

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Le rendement d’un portefeuille 60% en actions et 40% en obligations en 2023 atteindra 5,1%, estime Vincent Juvyns de JP Morgan AM.

Le dénouement des taux d’intérêt négatifs et des bilans des banques centrales a pesé cette année sur les investissements: peu de classes d'actifs en sont sorties indemnes. Selon le dernier rapport LTCMA publié par J.P. Morgan AM, qui synthétise sa vision des rendements sur près de 200 actifs pour la décennie à venir, un portefeuille balancé composé de 60% en actions et de 40% en obligations devrait générer en 2023 une performance de 5,1%. La faiblesse des valorisations actuelles combinée à la hausse des rendements obligataires justifie cette hypothèse et signifie aussi que le modèle du portefeuille balancé n’est pas dépassé. Les explications du stratégiste Vincent Juvyns.

Quelles sont les conséquences de la normalisation des taux d’intérêt sur les placements?

La normalisation des taux que nous attendions espacée sur deux ou trois années s’est déroulée très rapidement: en un an, nous sommes passées des taux d’intérêt négatifs à positifs. Le rendement du bon du Trésor américain à un an a atteint 3%, ce qui constitue à niveau supérieur à la moyenne attendue. Certains segments frisent les 5%, et le Japon demeure l’unique marché où les taux négatifs existent encore.

Après cette normalisation éclair, les obligations ne font plus figure de perdantes. Les prévisions de rendements réels sur la dette souveraine repassent en territoire positif, ce qui fait qu'elles redeviennent une source plausible de revenus et de diversification. La hausse des taux sans risque se traduit également par une amélioration des prévisions sur le crédit.

Dans ce contexte, comment a évolué le rendement attendu d’un portefeuille balancé constitué de 60% d'actions et de 40% d’obligations?

Après une année de pertes pour les investisseurs, les performances pour les 10 à 15 prochaines années s’annoncent plus réjouissantes: le rendement attendu d’un portefeuille 60/40 augmente de 2,8% à 5,1% sur un an, soit 230 points de base. Les turbulences de cette année ont rapproché les prévisions de rendement des actifs vers l'équilibre à long terme et le 60/40 peut à nouveau constituer la base des portefeuilles, avec des alternatives offrant une protection contre l'inflation et une diversification. Lorsque les tumultes actuels du marché se seront dissipés, les investisseurs disposeront d'une plus grande marge de manœuvre pour atteindre les objectifs de rendement à long terme, notamment grâce à la composante alpha qui va rester stable durant ces prochaines années ainsi que des rendements cycliques plus élevés. En comparaison, un portefeuille conservateur atteindra un rendement de 4,3%.

Quelles sont vos prévisions de croissance et d’inflation?

La croissance tendancielle mondiale sur notre horizon d'investissement de 10 à 15 ans reste inchangée à 2,20%. En revanche, la productivité devrait augmenter sur cette période. Bien que l'inflation mondiale atteigne aujourd'hui 7,30 %, nous ne relevons notre prévision d'inflation mondiale à long terme que de 20 points de base à 2,60 %, car nous prévoyons que le renchérissement d'aujourd'hui diminuera au coursg des deux prochaines années. Le taux d’emploi élevé peut éventuellement créer de l’inflation à court terme, mais il n’aura pas autant d’impact que dans le passé. Enfin, l’énergie renouvelable devrait contribuer à ralentir l’inflation à long terme. A long-terme, elle devrait culminer à 1,8% en Europe et légèrement plus haut aux États-Unis. Notons aussi que la dispersion des revenus entre les ménages le plus riches et les plus pauvres, qui s’améliore alors que l’économie tourne à plein emploi, devrait soutenir l’inflation.

Après des décennies de désinflation, en grande partie due à la globalisation, vous ne vous prévoyez donc pas à un nouveau régime?

Parce que maintenir l’inflation basse reste un choix politique, nous n’attendons pas de nouveau régime tel que celui des années 1970. Les banques centrales vont la combattre, quitte à sacrifier de la croissance. La globalisation a été le moteur de la désinflation, mais nous ne croyons pas au modèle de dé-globalisation. Nous rentrons dans un monde multipolaire où émergent des opportunités commerciales régionales.

Quelles sont vos perspectives sur les actions?

Les marges des sociétés vont probablement diminuer par rapport aux niveaux actuels, mais sans revenir complètement à leur moyenne à long terme. Les valorisations qui figuraient comme un vent contraire l’année passée sont devenues un moteur, notamment dans les marchés émergents, et elles présentent un point d'entrée attractif. Nous avons de grandes attentes sur le marché chinois et conseillons à nos clients américains de se tourner vers les actions internationales.

Quelles sont vos vues sur le dollar US?

Le dollar américain n’a jamais été aussi cher depuis les années 1980. Nous conseillons aux clients européens de se couvrir contre le risque en dollar, car la devise pourrait créer de la volatilité sur les portefeuilles à long terme. Mais sur le court terme, nous sommes longs sur le billet vert, car il va maintenir sa domination vis-à-vis des autres devises encore un certain temps.

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