Selon Christina Bastin de Muzinich & Co., l’inflation asiatique restera contenue.
Au lendemain de l’invasion russe en Ukraine, le marché du crédit asiatique s’est bien tenu dans son ensemble. Mouvement de fuite vers les obligations de qualité oblige, un écartement des spreads de crédit sur les titres de rangs inférieurs est toutefois à prévoir. Lors d’un entretien réalisé le 24 février 2022, Christina Bastin, gérante chez Muzinich & Co.,expliquait pourquoi la flambée des prix du pétrole et du gaz restera limitée sur les pays asiatiques.
Les conséquences de l’augmentation évidente des cours du gaz et du pétrole sur l’Asie seront limitées, car la région n’est pas un grand importateur d’énergie russe. La Corée du Sud, la Thaïlande, Hong-Kong et l’Inde sont les pays les plus dépendants. Mais à y regarder de plus près, la Corée du Sud n’importe que 10% de son énergie de la Russie, tandis que cette portion monte à 14% pour la Chine; ce qui n’a rien à voir avec la dépendance des pays européens envers la Russie. Cependant, la Malaisie qui est un grand producteur de pétrole asiatique pourrait devenir le partenaire privilégié de la Corée du Sud. Récemment, la Banque Centrale de Corée du Sud a tenu une réunion pour discuter des taux et elle les a laissés tels quels bien que l’inflation, qui est liée à l’élévation de l’or noir, ait atteint sa cible de 2%. Elle garde une attitude attentiste et prudente. Mais elle ne se presse pas de remonter ses taux directeurs face aux développements géopolitiques.
Bien que l’Inde dépende cruellement du pétrole importé, le poids de l’or noir dans son panier des prix à l’inflation (CPI) reste relativement modeste. C’est la nourriture qui mène son inflation globale. Pour cette raison, l’augmentation du prix du pétrole n’aura un effet que très marginal sur son inflation dans son ensemble. De même, dans le cas d’un embargo sur l’acier russe, l’Inde pourra facilement se tourner vers la Corée du Sud.
Bien que les marchés développés soient actuellement aux prises avec une pression sur les prix, nous n'observons rien de tel en Asie où l’inflation est restée très contenue. Cela vient du fait que les Chinois ont davantage épargné que consommés durant le COVID, ce qui a créé un courant plutôt déflationniste. En Inde, les tensions sur les denrées alimentaires étaient perceptibles. Par ailleurs, la rupture de la chaîne d’approvisionnement n’a pas eu d’effet inflationniste en Chine. En réalité, les foyers d’inflation sont surtout aux États-Unis.
Cependant, dans le cas d’un scénario extrême et à long terme, en imaginant des interdictions sur les exportations qui mèneraient sur une récession européenne – ce qui reste vraiment du domaine de l’hypothétique et dont personne ne parle –, on devrait s’attendre à des répercutions sur les économies asiatiques. Mais pour l’instant, un tel scénario est prématuré.
Le secteur indien des énergies renouvelables retient toute notre attention, car il est non cyclique. Récession ou pas, COVID ou pas, le monde aura toujours besoin d’énergie. Ce segment, qui n’est déjà plus bon marché, est en pleine croissance et, en raison des objectifs du gouvernement pour réduire la dépendance du pays aux combustibles fossiles, il devrait bénéficier d'une croissance et d'un développement importants au cours de la prochaine décennie.