A la conquête de nouveaux mondes, Vontobel marque des points

Anne Barrat

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La banque poursuit son internationalisation, ses actionnaires applaudissent, qui toucheront 3 francs par action. Un sans-faute? Réponses de Thomas Heinzl, CFO.

Quel chemin parcouru depuis que Jakob Vontobel a repris la société de courtage Haeberli & Cie en 1824 et crée la société en commandite J. Vontobel & Co en 1936! Cotée en 1986 sur la bourse de Zurich, Vontobel Holding AG, encore largement détenue par la famille Vontobel, n’est qu’une ébauche du groupe dans sa configuration actuelle, présent dans 26 pays et qui poursuit avec détermination sa vision de figurer parmi les premières marques mondiales de sociétés d’investissement aussi performante dans la gestion d’actifs que de fortune. Les résultats de l’exercice 2021 annoncés hier, qui tutoient les records que ce soit en termes de croissance des d’AuM, de profitabilité, de création de valeur, doivent autant à la stratégie de croissance organique que de croissance externe. Explication avec Thomas Heinzl, CFO de Vontobel.

Les AuM dans le domaine de la gestion d'actifs ont plus que triplé au cours de la dernière décennie.
Que faut-il retenir des records affichés par Vontobel pour l’exercice 2021?

Tout d’abord, la croissance des AuM (+11%) qui témoignent de l’attractivité de la marque Vontobel, d’ailleurs saluée cette année par le Fund Brand 50 Report qui l’a classée dans le top 50 des marques mondiales. Les AuM ont ainsi crû de 219,6 à 243,7 milliards de francs. A noter que les AuM dans le domaine de la gestion d'actifs ont plus que triplé au cours de la dernière décennie. Ensuite, la hausse de 21% des revenus d’exploitation, qui sont passés de 1’266 millions de francs à 1’536 millions de francs. Cette dernière a été rendue possible par celle des trois client units – wealth management, asset management , et digital investing – ainsi que par une maîtrise des coûts, dont la hausse (13%) a été maintenue bien en deçà de celle des revenus. Le cost income ration s’est établi à 69,1% contre 74,1% l’année dernière, donc dans la ligne de mire que nous avions (<72%). Autrement dit, le profit en hausse de 46%, de 321 en 2020 à 467,2 millions en 2021 de francs, est le fruit de l’équilibre de notre modèle d’activité. Il ne faudrait pas oublier, pour compléter ce tableau, la hausse de 5,5% à 18,8% du RoE et de 54% de l’earning per share à 6,69. L’ensemble de ces éléments nous placent en position, comme depuis plus de dix ans, de distribuer un dividende de 3 francs, contre 2,25 francs pour l’exercice 2020.

Dans quelle mesure doivent-ils à des circonstances de marchés exceptionnelles?

Il est vrai que l’on pourrait être tenté d’attribuer la performance 2021 aux circonstances exceptionnelles, sanitaires, économiques, qui ont été favorables aux marchés financiers. La réalité est beaucoup plus nuancée, qui doit rendre hommage au caractère équilibré du modèle d'affaires de Vontobel, visant à une génération de revenus récurrents. Chacune des trois activités ont connu une année positive: le résultat opérationnel du Wealth Management a crû de 15% à 634 millions de francs (550 millions en 2020), celui de l'Asset Management a de 15% également pour atteindre 594 millions de francs (515 millions en 2020). Le Digital Investing n’est pas en reste, qui a vu une forte progression de son résultat opérationnel: plus de 72% à 316 millions de francs (184 millions en 2020). De nombreux facteurs ont concouru à ces évolutions, notamment les synergies et le cross-selling entre l’asset management et le wealth management, ainsi que l’appétit croissant d’une clientèle fortunée pour le digital investing. Ces facteurs sont indépendants de l’environnement des marchés, donc pérennes, et nous permettent de faire face à des résultats en dessous de nos attentes, le cas échéant.

«Nos projets de croissance organique continueront d’être dans nos priorités.»
Parlons d’attentes: les flux de net new money les ont-ils déçues? Quid des marges?

Sur les flux de net new money, en repli de 45% par rapport à 2020, à 8,1 milliards de francs (14,8 milliards en 2020): la principale raison est conjoncturelle, qui tient à la résiliation de deux mandats d’asset management à faible marge, qui a entraîné une sortie totale de 3 milliards et un flux net de 1,9 milliard de francs sur l’année, correspondant à une croissance de 1,4% contre les 4 à 6% attendus dans ce domaine. Il n’y aucune raison que ce phénomène se reproduise; fort de cette expérience, l'asset management privilégiera à l’avenir des mandats à forte marge avec des clients institutionnels. Le wealth management a, lui, connu une trajectoire conforme à nos attentes, avec une progression de 6,9% à 5,6 milliards de francs. Quant aux niveaux de marge, ils sont restés stables, l’asset management avec une marge brute de 42 points de base, le wealth management avec une marge brute de 70 points de base, légèrement inférieure aux 75 points de base de l'année précédente. Dans les deux cas, ces niveaux de marge place Vontobel en bonne position par rapport à la concurrence

Dans quelle mesure vos acquisitions, et plus généralement votre stratégie de croissance externe, vous donnent-elles des avantages par rapport à la concurrence?

2021 a été riche en développements stratégiques: nous avons finalisé l’achat de TwentyFour Asset Management, qui renforce notre positionnement dans l’obligataire à un moment où les conditions de marché apprécieront notre offre de fixed income– multi-secteur, dettes des marchés émergents, corporates, ABS –, et signé un accord pour reprendre UBS Swiss Financial Advisers (SFA), ce qui fera de Vontobel, une fois la transaction finalisée au 3e trimestre de cette année,  le plus grand gestionnaire de fortune suisse pour clients américains avec des avoirs sous gestion combinés de plus de 10 milliards de francs. Cette dernière opération nous permettra d’apporter à une certaine clientèle d’investisseurs américains la diversification qu’ils sont prêts à payer et ne retrouvent pas forcément. Nous sommes conscients que les États-Unis sont un terrain hautement  concurrentiel, mais confiant que notre approche de niche nous permettra d’adresser des besoins spécifiques qui, dans un marché aussi grand et profond, représentent beaucoup de potentiel et d’argent.

Quid de vos projets de croissance organique?

Ils continueront d’être dans nos priorités, que ce soit la mise en œuvre en Suisse d’abord de Volt®, notre application qui permet, via une plateforme, de se constituer un portefeuille personnel en investissant dans des placements financiers à gestion active (sous surveillance des risques), et le développement de cosmofunding, notre autre plateforme sur laquelle des investisseurs peuvent souscrire en ligne des solutions de financement et de placement sur mesure sous forme de «club deal».

2022 sera donc une année chargée. Quels en seront les points forts?

Outre la consolidation de nos projets de croissance, les trois principaux axes que nous poursuivrons en 2022 concerneront la durabilité, c’est-à-dire non seulement la mise à disposition de solutions d’investissements conformes aux articles 6, 8 et 9 de la taxonomie verte mais aussi un travail sur le E, le S et le G en interne; notre expansion aux Etats-Unis; l’accompagnement de nos clients, les plus jeunes d’entre eux notamment, dans leurs démarches d’investissements via des solutions digitales et hybrides adaptées à leurs besoins.

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