L’Investment Grade, le meilleur du crédit, à prix cassés

Anne Barrat

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C’est le bon moment pour remonter la qualité du portefeuille explique Emmanuel Petit, responsable de la gestion obligataire de Rothschild & Co AM.

Quel que soit le scénario du second semestre 2022, celui d’une récession provoquée par les hausses de taux anticipées par les marchés pour venir à bout de l’inflation ou celui d’un atterrissage en douceur, l’attractivité des obligations d’entreprise de qualité, Investment Grade, invite à investir sans tarder. C’est en tout cas l’avis d’Emmanuel Petit, responsable de la gestion obligataire chez Rothschild & Co Asset Management.

Comment voyez-vous les marchés obligataires évoluer?

Les marchés financiers ont déjà intégré une remontée de 175 points de base des taux américains d’ici à la fin de l’année, ce qui signifie des taux courts à 3,5%. Ces perspectives de taux directeurs en territoire restrictif nous indiquent que la Fed aura du mal à obtenir un atterrissage en douceur de l’économie américaine. La question est de savoir si le pic d’inflation est derrière ou devant nous, une question à laquelle la réponse est complexe. Les risques de récession sont donc non seulement réels, mais augmentent comme le reflètent la baisse des indices actions. Cependant, des forces de rappel importantes existent, au premier chef desquelles l’endettement public et privé. Ce qui est à peu près sûr, c’est que la Fed se donnera un temps d’observation pour étudier les impacts de ses décisions sur l’économie américaine, après des hausses de taux directeurs qui suivront celle de 75 points de base qu’elle a réalisée le 15 juin dernier, la plus forte depuis 1994. Concernant les taux longs, les perspectives sont maintenant plus équilibrées. Un ralentissement ou à fortiori une récession permettra une détente des taux longs.

Ces conditions et perspectives créent-elles un momentum pour acheter des titres de crédit?

Absolument. Une stabilisation des anticipations de hausse des taux est un élément crucial pour reprendre du risque sur le marché du crédit. La hausse des taux a été amplifiée par la hausse des primes de risque. Ceci nous a permis de retrouver des niveaux de rendement attractifs sur le marché du crédit, avec un intérêt particulier pour l’Investment Grade. Les conditions de marché offrent effectivement une fenêtre d’investissement attractive sur des entreprises résilienntes dans un contexte économique incertain.

Pourquoi l’Investment Grade est-il plus intéressant que le High Yield?

L’écart de valorisation relative entre Investment Grade et High Yield est au plus bas. Ce phénomène est pour les investisseurs un indicateur du moindre intérêt de prendre plus de risque, avec le High Yield, pour un rendement certes supérieur à celui de l’Investment Grade, mais inférieur ajusté au risque. Il provient de ce que le High Yield n’intègre pas assez les risques de récession. Depuis le début de l’année, le rendement de l’Investment Grade a augmenté pour atteindre 3,2%. Pour rappel, celui du High Yield était de 2.6% en début d’année. La prime de risque actuelle supérieure sur le High Yield est encore insuffisante pour justifier les anticipations d’augmentation des taux de défaut des entreprises de ce segment en 2023, notées BB+ et moins. Les titres Investment Grade ont beaucoup perdu en ce début d’année, -14% aux Etats-Unis, -13% en Europe. Ils présentent par conséquent des niveaux de valorisation très attractifs.

C’est donc le bon moment d’acheter de l’Investment Grade?

Il y a clairement un point d’entrée favorable pour se positionner sur des titres de crédit défensif de bonne qualité, qui contribueront à améliorer celle du portefeuille obligataire dans son ensemble. L’Investment Grade, qui n’a pas vu de tels rendements depuis 2012, offre une résilience, une visibilité et une dynamique à moindre risque qui font la différence en temps de crise.  

Faut-il vendre les titres High Yield?

Pas forcément, les titres BB de bonne qualité, c’est-à-dire à taux de défaut bas, ont toujours leur place dans un portefeuille.

Quels pays, quels secteurs, quelles valeurs privilégiez-vous?

Nous sommes des chasseurs de prime agnostiques aux pays comme aux secteurs. Nous leur préférons la diversification, la plus efficace des armes pour optimiser le couple rendement risque, et le bond picking, notre credo. Cela dit, il peut nous arriver d’avoir des biais sectoriels, opportunisme oblige. C’est ainsi que nous avons renforcé et consolidé notre exposition aux financières, dont la solvabilité a été restaurée depuis 15 ans et qui ont fait preuve d’une grande résilience en mars 2020. Elles offrent du 5,5%, toujours honorable pour un investisseur de crédit. Opportunisme encore, nous avons investi dans les secteurs – services publics et services aux collectivités –, et les entreprises particulièrement impactées par le stress imposé par la crise ukrainienne et la réduction des importations de gaz russe, à un prix défiant toute concurrence.

 Cette approche est-elle différenciante?

Au-delà de notre faculté à faire du bond-picking, un des éléments différenciant tient à notre gestion active de la sensibilité aux taux, une particularité historique de ce fonds. Tout en restant pure avec un tracking error relativement important, ce positionnement nous permet actuellement d’être relativement en meilleure posture et de surperformer des stratégies concurrentes similaires.

 

 
 

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