Rothschild & Co vise 100 milliards d’actifs sous gestion

Nicolette de Joncaire

3 minutes de lecture

L’acquisition de Pâris Bertrand est une étape sur la voie qui mène le groupe à une taille critique déjà très proche. Entretien avec Laurent Gagnebin.

Mi-décembre, la filiale suisse de Rothschild & Co annonçait l’acquisition de la Banque Pâris Bertrand. Cette reprise s’inscrit dans une stratégie de développement de la banque privée dont l’objectif est d’atteindre un total de 100 milliards d’euros d’actifs sous gestion au niveau du groupe. Un but proche puisque l’encours actuel s’élève déjà à 85 milliards. Au niveau suisse, cette acquisition rééquilibre les deux pôles de Rothschild & Co Bank AG : Genève atteint désormais une taille similaire à celle de Zurich en termes de masse sous gestion, soit 11 milliards de francs. Le rapprochement offre en outre au groupe une ouverture sur le Luxembourg et sur les services d’Hermance Capital. Le point avec Laurent Gagnebin, CEO de Rothschild & Co Bank AG.

Comment se répartissent aujourd’hui les actifs de gestion de fortune de Rothschild & Co?

Pour ce qui est de Rothschild & Co Bank AG, les actifs se montent dorénavant à environ 26-27 milliards et se répartissent entre Genève (11 milliards), Zurich (11 milliards) et l’Allemagne (4 à 5 milliards). Quant aux actifs en Grande-Bretagne, ils sont de l’ordre de 13 à 14 milliards. Pour un total au niveau du groupe de 85 milliards Rothschild Martin Maurel en France inclus. L’un des piliers de la stratégie de Rothschild & Co est de développer le wealth management et nous visons une taille critique de 100 milliards d’euros.

Genève gagne donc en importance.

L’acquisition de Pâris Bertrand mène à un rééquilibrage des poids respectifs de Genève et de Zurich en matière de masse sous gestion. Ce n’est pas sans importance car le nom de Rothschild est plus connu à Genève et en France qu’il ne l’est à Zurich. A Genève, le personnel comptera surtout des banquiers et des spécialistes de l’investissement. Et c’est à Zurich que continueront à résider toutes les fonctions de support (IT, Back-Office, compliance etc.). Donc même à masses sous gestion de même amplitude, Zurich comptera plus de collaborateurs que Genève.

Olivier Bertrand s’occupera du Luxembourg.
Pierre Pâris aidera la banque d'affaires à Zurich à se développer.
Pourquoi avoir choisi Banque Pâris Bertrand?

Ont sans aucun doute joué la proximité de nos cultures et la similarité de profil de notre clientèle. Dans les deux cas, nous nous adressons à des clients qui disposent de patrimoines de l’ordre de 5 à 10 millions avec des besoins et des exigences voisins. Mais ce qui a été déterminant est l’histoire de Pâris Bertrand - l’une des success stories de la place genevoise – et nos affinités avec ses fondateurs. Un match naturel qui nous permet de travailler très vite ensemble. Sans oublier que, créée en 2009, Pâris Bertrand n’apporte aucune «héritage» fâcheux au sein de sa clientèle.

Que seront les rôles de Pierre Pâris et d’Olivier Bertrand dans cette nouvelle configuration?

Tous deux deviendront Executive Vice Chairman de Rothschild & Co Bank, Pierre à Zurich et Olivier à Genève, et ils continueront à suivre leurs clients. Par ailleurs, Olivier s’occupera du Luxembourg et Pierre, dont la réputation dans ce domaine n’est plus à faire, aidera également la banque d'affaires à Zurich à se développer auprès de clients privés.

Qu’apporte ce rapprochement aux clients de chacune des entités?

Comme je l’évoquais plus tôt, les clients des deux entités ont des profils similaires ce qui permettra de renforcer le service de banque privée et l’offre de private equity. De plus, Rothschild & Co offre aux clients de Pâris Bertrand une bonne synergie avec la banque d’affaires, très intéressante pour les entrepreneurs qui forment une part non négligeable de la clientèle. Nous offrons aussi du crédit, sous forme d’hypothèques en France, en Suisse et en Grande-Bretagne ainsi que des produits de merchant banking (private equity, private debt). De son côté, Pâris Bertrand amène par exemple l’accès à Hermance Capital et à l’entité luxembourgeoise.

Quand pensez-vous achever l’intégration des deux entités?

Elle n’en est qu’à ses débuts et durera jusqu’à début 2022. Nous attendons d’abord l’approbation finale des régulateurs suisses, luxembourgeois et français. La fusion opérationnelle proprement dite ne commencera donc qu’après l’été. Pâris Bertrand outsourçait beaucoup de ses fonctions de support et nous devrons ré-intégrer ces fonctions et transférer les clients sur Avaloq. Il faudra aussi expliquer aux banquiers ce qu’ils peuvent faire et comment, avec le modèle d’investissement et les offres respectives. Nous sommes toutefois optimistes car l’acceptation par les collaborateurs est meilleure qu’espérée. Ils apprécient tant l’agrandissement de l’offre que la beauté du nom.

Nous allons ouvrir en Espagne, dernier grand marché
européen où la banque privée n’est pas installée.
Quelle a été votre expérience de la crise?

J’ai été étonné de la rapidité avec laquelle elle s’est produite. Et tout aussi étonné de notre rapidité d’adaptation. 95% du personnel travaillait de la maison dès les premiers jours et se sont bien accommodés du changement d’environnement. Toutefois, un an c’est long et j’observe une certaine lassitude. Les gens sont impatients de revenir au bureau. Nous savons que, malheureusement, nous ne pouvons espérer avoir tout le monde sur place avant l’automne et il peut devenir de plus en plus difficile de garder les équipes motivées. Sur le plan des affaires, 2020 fut une bonne année parce qu’il y a eu beaucoup de volatilité et que les marchés se sont bien repris. Grâce à nos 200 ans d’histoire, nous sommes considérés comme une contrepartie de qualité et, en temps de crise, c’est un véritable atout. Sur le plan opérationnel, il sera Important de recommencer à voyager et à voir les clients. Car rien ne remplace le face-à-face.

Quels projets dans un futur proche?

Nous allons ouvrir en Espagne, dernier grand marché européen où la banque privée n’est pas installée malgré une présence importante de la banque d’affaire du groupe. Nous ouvrirons donc une antenne à Madrid cette année avec une équipe que nous enverrons sur place. Et puis il nous faudra digérer Banque Pâris Bertrand. Et continuer le voyage de la digitalisation.

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