L’Europe reste leader dans la prise en compte des critères ESG

Yves Hulmann

2 minutes de lecture

Membre d’une équipe qui fournit l’analyse durable pour BMO GAM, Emma Lupton relève que l’Asie progresse aussi dans la finance durable.

Intégrer la dimension de la durabilité dans une structure active sur le plan mondial telle que BMO Global Asset Management est une tâche beaucoup plus complexe que si l’on est un acteur de niche spécialisé dans ce seul segment. Comment le gérant global d’actifs, qui fait partie du canadien BMO Financial Group, s’y prend-il? Entretien avec Emma Lupton, associée analyste senior et spécialiste des questions liées à l’investissement responsable («Senior Associate Analyst, Responsible Investment») chez BMO Global Asset Management (BMO GAM) qui a lancé le premier fonds éthique en Europe en 1984.

Comment les principes de l’investissement responsable (SRI) sont-ils pris en considération dans une grande structure comme BMO GAM qui a des spécialisations très différentes en matière de placements? 

L’équipe spécialisée dans les questions liées à l’investissement durable chez BMO Global Asset Management compte 16 personnes, principalement basées à Londres. Nous sommes très actifs dans les questions d’engagement et d’exercice des droits de vote pour le compte de BMO GAM ou d’investisseurs qui nous en délèguent la responsabilité. Chacun des membres de l’équipe a en outre une spécialisation dans un domaine donné, comme le changement climatique, la gestion de déchets, la gouvernance, le droit du travail ou la logistique.

«Le travail d’analyse que nous faisons entre ensuite
dans les décisions d’investissement des gérants.»
Intervenez-vous-même dans les décisions d’investissement?

Bien que nous ne décidons pas nous-même s’il faut acheter ou vendre telle action ou telle obligation, le travail d’analyse que nous faisons entre ensuite dans les décisions d’investissement des gérants. Par exemple, pour notre gamme de fonds responsables, nous avons établi des critères pour chaque fonds et si nous estimons qu'une société ne répond pas à ces critères, le gestionnaire est informé qu'il ne peut pas acheter le titre.

Quelle approche utilisez-vous en matière de durabilité. La priorité va-t-elle à exclusion, à l’engagement, à l’investissement d’impact?

Pour un titre d’une entreprise donnée, le premier filtre qui s’applique est celui de savoir si la société satisfait ou non aux critères d’exclusion. Si une entreprise n’est pas exclue à ce stade en raison de l’une ou l’autre de ses activités, par exemple la fabrication d’armes, alors d’autres critères s’appliqueront ensuite pour savoir si elle satisfait aux exigences que nous avons définies. Pour une entreprise active dans les biens de consommation, nous allons par exemple regarder si elle achète ou non de l’huile de palme certifiée ou si elle respecte certaines normes de travail.

En matière d’exercice des droits de vote, disposez-vous de votre propre système d’analyse ou utilisez-vous les recommandations de sociétés d’analyse tierces?

En matière de vote, nous travaillons avec ISS qui fournit des analyses sur le plan mondial. Nous nous appuyons toutefois aussi sur des experts plus locaux, que ce soit en Suisse, au Japon ou aux Etats-Unis notamment pour les questions d’engagement. Ici, une expertise plus locale est nécessaire.

«En ce qui concerne l’égalité des genres, on regarde quelle est la part
des femmes dans le conseil d’administration ou la direction.»
Que pensez-vous du projet de mise en place d’une «taxonomie» commune dans l’UE concernant les placements durables – observez-vous une tendance qui va dans le même sens dans d’autres régions du monde?

L’approche de l’UE en matière de durabilité est assez unique à ce stade. On peut néanmoins observer que la demande du marché pour des placements qui satisfont aux critères ESG croît globalement. Actuellement, l’UE reste clairement leader en matière de prise en compte des critères ESG. Mais l’Asie, par exemple, rattrape peu à peu son retard en la matière et s’intéresse aussi beaucoup à ces questions. J’observe néanmoins que l’effet «push», induit par les instances de régulation et les gouvernements, fait davantage avancer les choses que l’aspect «pull» induit par les seuls clients. Ce n’est du reste pas si étonnant si l’on considère que les grandes places financières comptent beaucoup de clients provenant des pays émergents qui ne placent pas toujours les aspects ESG parmi leurs priorités.

Quel est le domaine de spécialisation de BMO GAM en matière de placements durables?

Je citerais en particulier le fonds qui vise à encourager la mise en œuvre des objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies. Ici, il s’agit non seulement des 17 ODD mais aussi des 169 sous-objectifs qui ont été aussi définis.

Comment peut-on s’assurer que les sociétés incluses dans ce fonds contribuent effectivement à ces différents objectifs?

Pour chaque sous-objectif, nous définissons des critères concrets qui doivent être atteints. Par exemple, en ce qui concerne l’égalité des genres, on regarde quelle est la part des femmes dans le conseil d’administration ou la direction. On définit chaque fois une série de mesures précises permettant d’évaluer différents objectifs. Pour les déchets, on s’intéressera par exemple aux plastiques rejetés dans l’océan et le type d’emballages.

A lire aussi...