Pour Philipp Rickenbacher, directeur, la croissance organique restera prioritaire pour la banque, complétée par d’éventuelles acquisitions si des opportunités adéquates se présentent.
Malgré un recul de son bénéfice net attribuable aux actionnaires à 950 millions de francs (-12%) en 2022 et d’une contraction de ses actifs sous gestion à 424 milliards de francs (-12%) dans un contexte de forte correction des marchés, le gestionnaire de fortune Julius Baer se montre optimiste pour le nouvel exercice. D’une part, car le reflux de 1,1 milliard de francs subi au premier semestre avait déjà fait place à un afflux net d’argent frais de 9,8 milliards durant le second semestre. D’autre part, car le rebond des marchés observé en début d’exercice 2023 devrait se répercuter positivement sur l’évolution des avoirs sous gestion. Quels sont les principaux objectifs de l’établissement pour la suite de l’exercice et pour ces prochaines années? Le point avec Philipp Rickenbacher, directeur (CEO) de Julius Baer, en marge de la publication des résultats 2022 du groupe zurichois.
Durant le deuxième semestre 2022, Julius Baer a bénéficié d’importants afflux nets de capitaux, soutenus aussi par une situation plus stable sur les marchés financiers vers la fin de l’année. Pour résumer, on pourrait dire que le premier semestre de l’an dernier a été une anomalie, marquée par d’importantes sorties de fonds survenues dans un contexte de deleveraging. Le second semestre a, lui, constitué en quelque sorte un retour à la normale, une période durant laquelle nous avons aussi tiré parti de la diversification de nos activités dans différentes régions du monde et de la perspective d’une reprise en Asie.
Nous ne misons pas seulement sur l’Asie mais effectivement cette région du monde va jouer un rôle important pour nous cette année. On a vu des premiers signes de reprise en lien avec la réouverture de la Chine, notamment. L’Asie a fortement contribué à l’expansion de Julius Baer historiquement. Il est difficile de savoir si la reprise interviendra en 2023 ou seulement plus tard en 2024. Dans tous les cas, il n’y a pas de raison de penser que ce mouvement de reprise devrait s’interrompre. En parallèle, il faut aussi souligner la forte croissance de nos marchés traditionnels en Europe, en particulier en Allemagne, au Royaume-Uni et dans les pays ibériques. On ne considère certes pas généralement ces différents pays comme étant des marchés de croissance mais ils ont néanmoins affiché une dynamique de croissance forte.
Là aussi, je n’ai pas de boule de Crystal et il est très difficile de formuler un pronostic à ce sujet. Ce que l’on peut toutefois constater, c’est que 2022 a été marquée, d’une part, par une baisse simultanée des marchés des actions et des obligations, d’une ampleur qui n’a été que rarement vue en l’espace d’un siècle. D’autre part, il y a eu cet effet de deleveraging durant le premier semestre. Partant de là, il faudra trois conditions pour revenir aux niveaux de fin 2021: premièrement, un rebond de la valeur des actifs financiers. Deuxièmement, une reprise des activités de crédit et troisièmement une poursuite des apports d’argent frais. Je n’ai donc aucun doute que nos actifs sous gestion vont tôt ou tard revenir aux niveaux de fin 2021. Il n’est juste pas possible de savoir quand.
Notre politique de versement des dividendes est extrêmement simple. La part distribuée doit correspondre à environ 50% du bénéfice net ajusté et en l’absence d’un événement significatif particulier, le dividende par action doit être au moins aussi élevé que celui de l’an précédent. Quant au deuxième volet de notre politique de rétribution aux actionnaires, le conseil d’administration peut aussi proposer de nouveaux programmes de rachats d’actions si le ratio de capital BIS CET1 dépasse significativement 14% à la fin de l’année. A la fin de l’an dernier, il n’a pas pris de décision dans ce sens. On verra à la fin de cette année, on verra ce que le conseil d’administration décide à ce sujet.
Oui, clairement. En parallèle de la hausse des coûts liés à nos investissements, nous allons aussi augmenter nos revenus. Grâce aux effets résultant du déploiement de nos activités à plus large échelle, ou de «scalability», il nous sera possible de réduire la proportion des coûts par rapport aux revenus. Donc, Julius Baer va continuer de recruter du personnel, en particulier s’agissant des conseillers à la clientèle ou relationship managers (RM). En même temps, nos revenus vont également augmenter. C’est pourquoi, je pense que l’on peut à la fois continuer d’investir, tout en améliorant notre ratio coûts/revenus à moins de 64% d’ici à 2025.
Nous voyons cette situation aussi comme une opportunité. D’un côté, nous allons continuer à recruter du personnel expérimenté. Julius Baer est un employeur attrayant qui offre aussi de nombreuses possibilités de formation attractives à ses employés et qui laisse une marge de manœuvre à son personnel pour agir en tant qu’entrepreneurs. Nous savons toutefois aussi que les réserves vont s’épuiser dans les dix prochaines années. C’est pourquoi nous avons mis en place nous-même une politique de formation à l’interne, avec notamment un Graduate Programm qui vise à encourager nos employés à poursuivre leur formation.
Cette phase de très grand calme au niveau des fusions et acquisitions ne date pas de la pandémie, cela avait aussi été le cas tout au long des années 2010. Il y a certes eu beaucoup d’activités de rachats ou de collaboration avec des fintech – mais très peu d’opérations de M&A. Je pense que cela va peu à peu changer car beaucoup d’acteurs du secteur vont se rendre compte que les coûts pour faire des affaires ont augmenté. Beaucoup d’acteurs de la branche n’ont ni la masse critique, ni les ressources nécessaires pour effectuer des investissements. Donc, je pense qu’il y aura une phase de consolidation. Je ne peux pas prévoir quel sera le timing mais la pression est là.
En ce qui nous concerne, nous regardons des sociétés qui sont susceptibles de nous apporter une complémentarité sur le plan géographique, sectoriel et stratégique – et dont la culture d’entreprise est compatible avec celle de Julius Baer. Dans l’ensemble, le plan A reste basé sur une croissance organique, complétée éventuellement par rachats effectués de façon opportune.