ETF, entre mythes et réalités

Anne Barrat

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Selon Olivier Paquier, J.P. Morgan Asset Management, une nouvelle génération d’ETF, actifs, prend de l’ampleur en dépit des préjugés des tenants des trackers indiciels.

Les ETF étaient au nombre de 9'877 fin 2021, soit en augmentation de 28,5% sur un an. Après 31 mois consécutifs de flux positifs, l’industrie représentait 10,27 trillions de dollars, un chiffre qui devrait atteindre les 12 trillions fin 2023. Cette montée en puissance, qui se fait sur fonds de mythes véhiculés dans l’industrie selon lesquels seuls les ETF relevant d’une gestion indicielle passive présentent les qualités de diversification de la performance et de risques, ne s’arrêtera pas là, prédit Olivier Paquier responsable de la distribution des ETF pour la région EMEA.

L’industrie des ETF a beaucoup gagné de terrain en quelques décennies. Comment l’expliquez-vous?

Depuis le lancement du premier ETF au Canada en 1993, adossé à un indice actions, jusqu’à celui des ETF ESG, les derniers nés de la famille ETF, celle-ci a connu des développements majeurs, au premier chef desquels les premiers ETS obligataires en 2003 et les ETF actifs en 2009. Les clés de cet essor remarquable s’explique en deux mots caractéristiques de l’industrie des ETF: diversification et innovation. Entre les premiers ETF et les ETF thématiques qui ont aujourd’hui le vent en poupe, l’industrie s’est adaptée pour répondre à la demande croissante des investisseurs pour ces actifs qui offrent une palette quasi-infinie de solutions, n’en déplaise aux nombreux mythes dont ils font l’objet.

«La vraie distinction, la seule pertinente, n’est pas entre ETF actifs et passifs mais entre gestion systématique et fondamentale.»
Quel est le premier de ces mythes?

Il est de croire que les ETF sont exclusivement passifs, c’est-à-dire qu’ils se contentent de suivre un sous-jacent généralement un indice. Cette croyance vient de loin, des premiers ETF appelés à tort des trackers. La réalité est extrêmement différente: un ETF est un support d’une grande flexibilité dans sa composition. Tous les actifs peuvent être «packagés» en ETF, toutes les stratégies également: smart beta, dividende, growth, value, … La vraie distinction, la seule pertinente, n’est pas entre ETF actifs et passifs mais entre gestion systématique et fondamentale. La première repose sur une délégation du capital intellectuel à un fournisseur d’indices, la seconde sur un capital humain propriétaire. ET les deux se complètent très bien, contrairement à un autre mythe selon lequel ETF passif et actifs ne font pas bon ménage. Bien au contraire: ajouter de la gestion active d’ETF à une gestion passive, ou indicielle, permet de dynamiser la performance tout en réduisant les coûts par rapport à une gestion active traditionnelle (stock picking) sans augmenter le tracking error. Chez J.P. Morgan Asset Management, qui gère près de 9 milliards de dollars d’ETF, dont la moitié en ETF passifs et l’autre en ETF actifs, l’objectif pour la gestion active d’ETF est de dépasser de 70bp nets de frais la gestion passive. Nos ETF actifs ont surperformé de 1% net de frais le MSCI actions globales, de 1,5% le MSCI actions européennes.

Cette combinaison de gestion passive et active des ETF est-elle l’avenir?

Les clients finaux, que ce soit des investisseurs individuels ou professionnels, sont de plus en plus demandeurs de gestion active des ETF, pour gagner en performance. Cette tendance se reflète très nettement dans les flux qu’ont connus les ETF ces dernières années. Ainsi, en Europe par exemple, sur les 191 milliards de dollars drainés par des ETF en 2021, 38% étaient actifs et adossés à la capitalisation boursière, 44% suivaient la performance d’actifs ESG, 3% en gestion active, 8% sur du smart beta, et 8%  en ETF  thématiques. C’est très différent de la vision que donne les stocks des 1,400 milliards d’ETF européens (tous Ucits): 74% étaient au 31 décembre 2021 des ETF classiques, 16% des ETF ESG, 6% du smart beta, 3% des thématiques et seulement 1% en gestion active. C’est également très différent également de la situation que l’on connaissait il y a seulement cinq ans, où la très grande majorité des ETF adossés à la capitalisation boursière étaient indiciels.

«Les ETF UCITS propose près de 200 fois plus de solutions ESG que les Etats-Unis en matière d’ETF.»
Cette tendance vers les ETF actifs est-elle globale?

Absolument, contrairement à un autre mythe qui veut que les ETF actifs ne croissent qu’aux Etats-Unis. Leur croissance est de 20% par an en Europe, qui compte 314 ETF actifs. Ce mythe est lié à une croyance séculaire selon laquelle les Etats-Unis ont souvent le monopole de l’innovation financière. L’exemple des actifs fondés sur des critères ESG en est le parfait contre-exemple. Les ETF UCITS  proposent près de 200 fois plus de solutions ESG que les Etats-Unis en matière d’ETF.

Cette tendance concerne-t-elle tous les clients?

Tous les clients et tous les marchés n’en déplaisent à deux autres mythes qui cantonnent les ETF actifs à un nombre restreint de clients et de marchés. Sur le premier point, force est de constater que toute la panoplie des clients se tournent vers les ETF actifs, les investisseurs individuels pour diversifier leur portefeuille, les institutionnels pour couvrir leurs positions, les banques privées pour diminuer leur niveau de risques, etc. Les ETF ne sont pas utilisés comme un outil de transaction dans une perspective court terme mais de rétention dans une perspective de moyen et long terme. En Europe, les investisseurs gardent en moyenne 2 ans et demi leurs ETF.  Sur le second, qui voudrait que les ETF actifs soient réservés aux marchés efficients, là encore il s’agit d’une croyance erronée, ces instruments fonctionnent sur tout type de marché, leur prochain terrain de jeu sera probablement la Chine, un marché de plus en plus liquide et profond. In fine, il est facile d’intégrer des ETF actifs dans tout type de portefeuille, sur tout type de marché, pour tout type de clients, selon une approche de boîte à outils de construction de portefeuille.

La montée en puissance des ETF actifs se vérifie-telle également dans le domaine de la finance durable?

En effet, contrairement au dernier mythe selon lequel seuls les produits indiciels remplissent les critères ESG, la réalité montre que sur l’ensemble des flux ESG au format UCITS qui ont été alloués aux ETF au format ESG en 2021, 70% sont allés sur des produits à gestion active (dont ETF). Lorsque l’on sait que 90% des flux ESG se sont portés vers les ETF depuis le début de l’année, cela en dit long sur le potentiel des ETF actifs en tant que supports de la transition énergétique et d’autres problématiques durables.

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