Multi-Asset Solutions de J.P. Morgan Asset Management

Michael Albrecht, J.P. Morgan Asset Management

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Dans un scénario relativement optimiste de reprise en «V», la majeure partie de l’économie mondiale redémarre avec une diminution rapide du chômage.

SYNTHESE
  • Alors qu'il faudra probablement attendre plus d'un an pour un vaccin contre le COVID-19, on ne sait pas encore dans quelle mesure les gouvernements du monde entier pourront assouplir les mesures de distanciation sociale, et donc la vitesse à laquelle les économies se redresseront.
  • Dans un scénario relativement optimiste de reprise en «V», la majeure partie de l’économie mondiale redémarre, avec une diminution rapide du chômage et moins de gens qui travaillent à domicile. Dans le cas d’une récession plus longue et plus profonde en forme de «L», les nouveaux cas repartent à la hausse et l’activité économique se détériore, déclenchant un cercle vicieux de licenciements, de faillites d’entreprises et de créances douteuses. Il est fort probable que la réalité se situera entre ces deux extrêmes, avec un scénario davantage en forme de «U». Les semaines à venir apporteront un peu plus de visibilité.
  • Pour l'année prochaine et au-delà, notre pronostic pour les actifs risqué est plus positif qu'il ne l'était à la fin de l'année dernière. À court terme cependant, les risques semblent plutôt pencher du côté baissier. Dans l'ensemble, notre positionnement actuel reste donc proche de la neutralité, avec un biais de prise de risque sur les actions et le crédit dans les moments de repli des marchés.
GÉRER LE LONG CHEMIN DU RETOUR À LA NORMALE APRÈS LE COVID-19

En plein milieu d’une pandémie internationale de COVID-19 et d’une récession, les actions mondiales ont rebondi de façon spectaculaire ces dernières semaines, le S&P 500 retraçant plus de la moitié de sa forte chute de 35%. Une grande partie de ce rebond s’explique par l'anticipation et la réalisation de pics dans le rythme de nouveaux cas confirmés, par la perspective d’un assouplissement ultérieur des mesures extrêmes de distanciation sociale liées au confinement et, bien sûr, par les implications positives pour la reprise économique. Des pays européens ont déjà commencé à assouplir les restrictions, l'Allemagne autorisant par exemple la réouverture de certains magasins, tandis que quelques États américains, surtout dans le sud, ont commencé à rouvrir toute une série d'établissements, dont notamment les salons de coiffure et les salles des port.

C'est un progrès, certes, mais il est raisonnable de penser que ni le virus ni les mesures de distanciation sociale qu'il a provoquées ne disparaîtront complètement tant que le monde ne disposera pas d'un vaccin, ce qui prendra probablement plus d’un an. Il reste donc une incertitude considérable pour les prochains mois quant à la mesure dans laquelle les gouvernements mondiaux pourront assouplir les mesures de distanciation sociale et donc la rapidité avec laquelle les économies se redresseront.

Trois scénarios de reprise

Le scénario optimiste se rapproche de l'endiguement, dans lequel les États-Unis, l'Europe et d'autres grands marchés imitent le succès relatif de la Corée ou de la Chine. De nombreuses interventions volontaristes - port de masques, tests et mise en quarantaine des cas suspects, avec traçage de leurs contacts récents - restent en place, et des secteurs tels que le voyage et l'hôtellerie restent pénalisés, mais la majorité de l'économie mondiale redémarre, avec la des restaurants et des bars, une baisse rapide du et la diminution du nombre de personnes à domicile. Il s'agirait d'une reprise plutôt en forme de «V». Dans le scénario pessimiste d’une récession plus profonde et plus longue en forme de «L», seul un assouplissement modeste des mesures de distanciation s'avère possible avant que le nombre de nouveaux cas ne recommence à augmenter, avec le risque qu’ils par submerger le système hospitalier. Dans ce cas, chômage persistant pèse de plus en plus sur les dépenses de consommation et affaiblit les perspectives d'investissement des entreprises, ce qui entraîne un cercle vicieux de licenciements, de faillites d'entreprises et de douteuses. Il est très probable que le scénario réel sera en forme de «U», quelque part entre ces deux extrêmes.

Le scénario optimiste se heurtera probablement à des obstacles structurels, tandis que le scénario pessimiste est probablement trop extrême compte tenu du niveau de réussite des mesures de confinement pour freiner la propagation du virus. À New York par exemple, le nombre quotidien de nouveaux cas confirmés a déjà chuté d'un tiers par rapport à son point le plus haut. Certaines communautés résisteront probablement mieux que d’autres, que ce soit à cause de différences structurelles dans les capacités qui permettent par exemple de rechercher les contacts ou d’erreurs de décision qui entraîneront un assouplissement trop rapide ou trop large des mesures de distanciation sociale.

Les semaines à venir fourniront des indications supplémentaires sur le scénario qui pourrait prévaloir, essentiellement en faisant perdre à ce nouveau coronavirus une partie de sa nouveauté. Le développement des tests de détection des anticorps viraux devrait en effet permettre de faire une meilleure idée de la prévalence des cas asymptomatiques, et donc des taux de mortalité effectifs. Il devrait également permettre de mieux cerner le pourcentage de personnes potentiellement immunisées, un pourcentage significatif étant susceptible de réduire la nécessité des mesures de distanciation sociale.

IMPLICATIONS POUR LES CLASSES D'ACTIFS

La traduction de cette incertitude économique dans le positionnement des portefeuilles est nuancée. Dans l'ensemble de nos portefeuilles multi-actifs, les positions sur les actifs risqués se situent désormais en terrain neutre. Sachant toutefois que la volatilité des marchés reste élevée en raison des fortes variations de sentiment, nous avons un biais de prise de risque tactique dans les moments de creux des marchés. Cette attitude est le reflet d'un avis relativement solide à moyen terme, mais d'une situation volatile et incertaine à court terme.

Pour l'année prochaine et au-delà, notre pronostic pour les actifs risqués est sans ambiguïté plus positif qu'il ne l'était à la fin de l'année dernière. Malgré l'incertitude à court terme concernant le COVID-19 et ses répercussions économiques, nous pouvons être relativement certains d'un soutien sans précédent de la politique monétaire et budgétaire et, compte tenu notamment de la baisse des taux d'actualisation, les valorisations actuelles apparaissent encore raisonnables. De plus, l'attrait accru des actions se maintient sur un horizon d'investissement de 10 à 15 ans, comme le reflète la mise à jour de nos Long Term Capital Market Assumptions (LTCMA), publiée cette semaine.

À court terme toutefois, des rendements positifs supplémentaires semblent peu probables tant que l'incertitude liée à la pandémie persiste. Compte tenu de cette incertitude, la balance des risques penche légèrement du côté baissier et d'un point d'entrée plus intéressant, ce qui explique pourquoi certains investisseurs à plus long terme préfèrent économiser leurs munitions. Une forte baisse aboutissant à un marché baissier à double creux est possible, mais ce n'est pas notre scénario central. Comme c'est le cas lors de chaque récession, la dépréciation des actifs risqués internationaux pendant les mois de février et de mars a été beaucoup plus importante que ne le justifiait fondamentalement une perte temporaire de bénéfices.

D'autres facteurs ont également joué, notamment la peur face au manque de liquidités, en raison du démarrage brutal de cette récession provoquée par des mesures extrêmes de confinement. Cependant, ce démarrage brutal laisse également à penser que les plus fortes baisses séquentielles de l'activité économique sont presque certainement derrière nous, et probablement le nadir de l'activité également, comme le suggèrent par exemple les anticipations solidement positives pour l'avenir de la récente enquête ZEW sur le sentiment économique des investisseurs allemands.

Par le passé, les marchés ont généralement touché le creux de la vague trois à cinq mois avant la fin d'une récession typique, et nous pensons qu'ils n’attendront pas un rebond des prévisions de bénéfices (GRAPHIQUE 1). À partir de là, un autre choc économique important serait nécessaire pour générer un choc de marché suffisant pour tester de nouveau les récents points bas du S&P 500.

Ces derniers temps, les marchés ont surtout été influencés par les indications concernant le calendrier et la mesure dans laquelle les économies étaient susceptibles de rouvrir, et ont accordé moins de poids aux données chiffrées concernant l’impact économique du virus jusqu’à présent. Cela se comprend et, dans les semaines et les mois à venir, à mesure que les économies redémarreront, le champ des possibilités économiques futures se réduira et nous serons probablement plus en mesure de déterminer s’il vaut mieux s’appuyer sur les actifs risqués ou s’en écarter. À l’heure actuelle, notre biais en faveur d’une exposition accrue aux actifs risqués est équilibré entre les actions et le crédit, en raison du potentiel de hausse plus important des premières et du soutien direct des banques centrales pour le second. Un positionnement orienté vers une reprise plus rapide imposerait également de faire basculer l'exposition aux actions vers les marchés non américains, notamment les marchés émergents, dont la valorisation reste particulièrement attractive, et vers les marchés cycliques, en privilégiant également les crédits à rendement plus élevé. Nous voyons également des opportunités relatives parmi les obligations indexées sur l'inflation, les points morts américains à dix ans oscillant désormais autour d'un taux anémique de 1%, au lieu de 1,80% en début d'année - en partie à cause de distorsions techniques, selon nous. Un risque accru de double creux sur les marchés d’actifs risqués nécessiterait bien sûr un positionnement plus défensif. En attendant, malgré une valorisation élevée, nous conservons une surpondération de la duration motivée par le soutien exceptionnel des banques centrales; nous pensons également qu'en ajoutant des actifs à risque comme les actions, les corrélations négatives entre actions et obligations devraient apporter une certaine protection aux portefeuilles multi-actifs.

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