L’investissement dans l’intelligence artificielle peut être abordé sous plusieurs angles car les progrès qu’elle amènera vont se diffuser dans de très nombreux secteurs générant, selon certaines prévisions, jusqu’à 40% de hausse de la productivité mondiale d’ici une dizaine d’années. Toutefois, alors que les effets en aval restent encore difficiles à juger et encore plus à quantifier, la performance des entreprises qui contribuent directement à son évolution a déjà donné sa mesure. C’est donc un impact non dilué au thème, concentré sur les produits et services directement utilisés dans la robotique et l’intelligence artificielle, que privilégie Karen Kharmandarian de Thematics AM pour sa stratégie AI and Robotics qui vient de fêter ses cinq ans. Conversation en marge du Thought Leadership Summit 2024 de Natixis IM.
De quand date votre stratégie et quels en sont les encours?
Le fonds date de décembre 2018 et ses encours sont de l’ordre du milliard de dollars mais c’est avec l’arrivée de ChatGPT que le public a réalisé les progrès réalisés en matière d’intelligence artificielle. La thématique va se diffuser dans tous les secteurs générant une demande forte et une croissance en expansion rapide.
Il y a plusieurs manières de jouer ce thème. Quel est le vôtre?
On sait que l’intelligence artificielle va provoquer un bouleversement des chaines de production et de comportement mais en aval de cette chaine de l’intelligence artificielle, il n’existe encore aucune certitude et évaluation fiable. Qui va profiter de son avancement? Quelles entreprises surperformeront? Nul ne peut encore l’anticiper avec précision. Dans ce contexte, notre approche est de ne cibler que les «pure players» pour un impact non dilué au thème. Nous ne nous intéressons donc qu’aux sociétés qui permettent la mise en place de l’infrastructure nécessaire au développement de l’IA, comme AMD ou Nvidia, tous deux producteurs de processeurs graphiques, et à celles qui fournissent les produits et services directement sur base de robotique et d’intelligence artificielle comme ServiceNow ou Autostore par exemple. Ce thème est porté par une tendance lourde qui doit performer mieux que le marché sur un cycle complet. D’ailleurs, depuis 2018, notre surperformance vis-à-vis du MSCI All Countries et de 700 points de base.
Quelles entreprises de cette chaine de valeur présentent-elles un intérêt et pour quelles raisons?
Je pense en premier à des entreprises qui soutiennent AMD et Nvidia dans leur évolution comme Synopsys, un fabricant américain spécialisé dans le développement de logiciels destinés aux fabricants de semi-conducteurs, d'ordinateurs et d'équipements électroniques, ou Cadence Design Systems qui représentent 85% du marché mondial de l’aide à la conception de puces. Ces entreprises présentent des croissances à deux chiffres du chiffre d’affaires, dictées par les dépenses en Recherche & Développement de leurs clients. Leur marge brute est de l’ordre de 80 à 85% et leur avance technologique offre une solide barrière à l’entrée à des concurrents potentiels.
Quels sont les autres acteurs offrant également des potentiels intéressants?
Ceux qui gèrent et maintiennent des bases de données propres comme Snowflake, une entreprise d’hébergement de données dans le Cloud, ou MongoDB, un système de gestion de base de données répartissable sur un nombre quelconque d'ordinateurs et ne nécessitant pas de schéma prédéfini des données. Pour ce qui est de la cybersécurité, nous avons identifié Crowdstrike qui sécurise données et appareils de manière automatisée et, avant son rachat récent par Cisco, Splunk. Nous intéressent également les fabricants de puces comme la société taiwanaise TSMC (Taiwan Semiconductor Manufacturing Company), la plus importante des fonderies de semiconducteurs indépendante ou encore les fabricants de machines à imprimer les puces comme ASML, leader mondial de la fabrication de machines de photolithographie pour l'industrie des semi-conducteurs, basée à Veldhoven aux Pays-Bas. Ainsi que Carl Zeiss, une entreprise technologique opérant dans les domaines de l'optique et de l'optoélectronique.
Existe-t-il des acteurs suisses dans ce domaine?
Oui, je pense à Kardex Systems et à ses solutions d’automatisation logistique ou encore au Groupe Tecan, spécialisé dans l’automatisation des processus médicaux.
Combien votre fonds présente-t-il de positions?
Une quarantaine au total, généralement des petites et moyennes capitalisations dont la rotation est faible. Une fois identifiée une valeur reste en portefeuille de 3 à 4 ans en moyenne. 80% des titres que nous possédons aujourd’hui faisaient déjà partie de notre portefeuille en 2018.
Quand achetez-vous, quand vendez-vous?
Nous avons fait un plein de pépites après que les valorisations des sociétés introduites en bourse en 2020-21 aient chuté en 2022. Les ventes se font lors des rachats de sociétés, par exemple lorsque Cisco a repris Splunk en octobre 2023 ou lorsque Synopsys a acquis Ansys en début d’année. Elles se font aussi quand les fonds de private equity reprennent des sociétés et les sortent de la cote. Nous vendons également lors que le potentiel de hausse d’un titre est épuisé sur l’horizon d’investissement ou bien encore si le cas d’investissement sur lequel est basé le choix de cette valeur n’est plus d’actualité pour une raison ou pour une autre.
Pensez-vous limiter la taille du fonds?
Oui, autour de 3,5 milliards, afin de pouvoir continuer à être exposé aux mid-caps et à générer de la performance pour les clients sur un cycle complet.
Quelle est votre clientèle?
Nous avons commencé par une clientèle retail qui s’est ensuite étendue au wholesale et aux banques privées, aux conseillers en gestion de patrimoine et aux family offices. Aujourd’hui nous comptons des investisseurs institutionnels parmi nos clients.