Synergies de revenus et non de coûts

Nicolette de Joncaire

3 minutes de lecture

Le modèle multi-boutiques de Natixis Investment Managers vise à enrichir l’offre avant de songer aux économies d’échelle. Conversation avec Jean Raby.

La toute première visite post-confinement de Jean Raby, CEO de Natixis Investment Managers (Natixis IM), est à Genève. C’est dire ce que la Suisse, seul pays où Natixis IM dispose de deux bureaux, représente à ses yeux. C’est en Suisse que l’offre du géant de la gestion d’actifs est la plus diversifiée et les produits de 13 de ses 23 affiliés y sont distribués. La flexibilité du modèle de Natixis IM répond bien à la diversité des exigences de la clientèle globale des établissements suisses. Et parce que les professionnels de l’investissement y sont très sophistiqués, la Suisse sert souvent de terrain pilote au groupe pour tester une offre en dehors de son marché d’origine. Le modèle multi-boutiques de Natixis IM a un coût mais sait générer des revenus, ce que sa direction privilégie par rapport aux économies d’échelle, souvent recherchées par d’autres groupes lors de l’intégration de sociétés nouvelles. 

De quel degré d’indépendance jouissent les directions de vos affiliés?

Je ne parlerais pas d’indépendance mais d’une autonomie qui est le fondement même de notre modèle. Chaque affilié peut définir ses stratégies d’investissement sous sa propre marque. Natixis IM offre à ses affiliés une plateforme commune de distribution et de service à la clientèle, ainsi qu'une solution de gestion conjointe des aspects de compliance et de gestion des risques au niveau de chaque affilié, sous la supervision globale de Natixis IM. Cette approche permet à chaque client de choisir le gérant et le style de gestion qui lui convient le mieux à l’intérieur d’un cadre rigoureux. C’est l’essentiel de notre force vis-à-vis des clients mais également vis-à-vis des sociétés qui nous rejoignent et qui savent qu’elles gagneront en attractivité tout en conservant une approche entrepreneuriale. Puisque nous sommes en Suisse, nous pourrions faire une analogie avec la Confédération et les cantons. 

«L’essentiel de nos boutiques est en Europe et aux Etats-Unis
avec une exception, Investors Mutual Limited en Australie.»
Quelle sont les forces de votre modèle?

Je citerais en premier lieu sa capacité à générer de l’alpha. Viennent ensuite la multiplicité des sources de performance grâce à la diversité géographique et des actifs. Un modèle comme le nôtre table d’abord sur l’excellence des boutiques et les revenus qu’elles sont capables de générer. Les économies d’échelle (qui sont souvent la priorité d’autres groupes) ne viennent qu’en second lieu. En d’autres termes, nous recherchons les synergies de revenus avant celles de coûts. Enfin, et ce n’est pas négligeable, n’oublions pas notre solidité opérationnelle et financière. 

Comment vos activités se répartissent-elles?

Géographiquement, l’essentiel de nos boutiques est en Europe et aux Etats-Unis avec une exception, Investors Mutual Limited (IML) en Australie. A ce propos, j’aimerais ajouter qu’IML joue également le rôle de distributeur de produits pour le compte d’autres affiliés sur le continent australien. Sur le plan des actifs gérés, la répartition est environ pour moitié aux Etats-Unis et pour moitié en Europe. Certaines sociétés – Ostrum Asset Management et AEW – possèdent aussi des bureaux à Singapour. Sur le plan des actifs, nous couvrons à peu près toutes les classes. Des quelques mille milliards de dollars que gère Natixis IM, environ 30% sont engagés dans la gestion assurantielle basée en France, sous l’égide d’Ostrum. Les 70% restant sont le cœur de cible de notre stratégie de distribution.

Avez-vous souffert de retraits massifs de la part des investisseurs durant la récente chute des marchés?

Justement non. Nos investisseurs ont fait preuve de beaucoup de maturité et ne se sont pas retirés en masse. 

Quels sont les actifs qui donnent les meilleurs résultats en ce moment?

Avec l’afflux de liquidité en provenance des banques centrales, je serais tenté de dire … ce qu’achètent les banques centrales. Mais ce n’est pas forcément le cas. Aux Etats-Unis où les spreads sont importants, les produits de taux et de crédit se portent bien. Partout, les machés privés sont ceux qui génèrent le plus de revenus et les investissements ESG se montrent très performants. Nous assistons par ailleurs à un rééquilibrage entre marché US et marché européen. 

«La Suisse est un marché de premier plan pour nous, pas tant par sa taille
mais surtout par la sophistication de ses investisseurs.»
Le monde de l’après-COVID sera-t-il très différent?

Je ne le pense pas: le monde de l’après-COVID ne sera pas bien différent de celui d’avant. Il y aura des évolutions – souvent déjà visibles auparavant – mais pas de révolution. Cependant, il est encore trop tôt pour en juger; nous n’avons pas un recul suffisant. Reste toutefois une question qui ne pourra être évitée: celle de la solvabilité … des entreprises comme des Etats. Il faudra bien un jour rembourser toutes les liquidités déversées.  

Genève est votre première étape post-confinement. Pourquoi et où vous rendrez-vous ensuite?

La Suisse est un marché de premier plan pour nous, pas tant par sa taille mais surtout par la sophistication de ses investisseurs. C’est un terrain idéal pour tester des idées qui viennent d’ailleurs. Prenons l’exemple de Thematics Asset Management, nouvellement arrivé dans notre réseau et dédié aux stratégies actions thématiques innovantes incluant l'eau, la sécurité ou l'Intelligence artificielle. C’est en Suisse que nous avons choisi d’essayer ses produits en dehors du marché français et avons commencé par Genève. Pour ce qui est de la suite de mon parcours, les prochains voyages me mèneront en Italie et en Allemagne. Reflétant ainsi nos priorités en Europe. 

Quelle est votre clientèle en Suisse?

Les banques privées pour moitié, les gérants indépendants pour un peu moins de 30% et, grâce à un effort plus récent, les investisseurs institutionnels pour le reste. La place de Genève est plus directement dédiée aux banques privées et celle de Zurich aux caisses de pension et autres institutions. 

Etes-vous à la recherche d’un nouvel affilié en Suisse?

Sans préférence géographique, sous sommes toujours prêts à investir dans une équipe de qualité si elle est compatible avec notre modèle et si son style est pertinent à long terme. Un affilié doit croitre plus rapidement avec nous que sans nous sinon l’intégration n’a pas de sens. N’oubliez pas qu’à nos yeux il n’y a pas «d’exit strategy».

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