«Nous réduisons notre exposition à la technologie»

Salima Barragan

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Le fonds phare de Rothschild & Co Asset Management privilégie une gestion prudente pour 2024. Avec Yoann Ignatiew.

Décélération de la croissance économique, compression des primes de risque sur les actions, durcissement de l’accès au crédit; l’environnement incite le gestionnaire d’actifs Rothschild &Co Asset Management à se positionner avec prudence pour l’année à venir. «Contrairement à la décennie écoulée des taux à zéro, l’investisseur est rémunéré pour attendre une amélioration de la croissance», constate Yoann Ignatiew qui accorde une interview à Allnews afin de discuter de la stratégie d’investissement de son fonds d’allocation d’actifs: le R-Co Valor.

Suite à un 3e trimestre négatif des marchés financiers, le récent rallye des actions sera-t-il durable?

Le rattrapage de novembre a conduit les marchés sur des niveaux élevés. Je n’investirais pas massivement dans les indices, car les niveaux d’entrée ne sont plus attractifs. Les investisseurs européens supportent le risque supplémentaire de devises. Contrairement à la décennie écoulée des taux à zéro, l’investisseur est rémunéré pour attendre une amélioration de la croissance. Cet élément prend toute son importance dans la mesure où le temps est en règle générale onéreux. Une rémunération des liquidités supérieure à l’inflation reste une situation confortable en attendant une inflexion macro-économique; ce que nous ne prévoyons pas dans l’immédiat, d’autant plus que l’effet des hausses de taux ne se reflète pas encore sur l’économie, excepté en Europe. Dans ces conditions, les indices boursiers vont difficilement s’élever de 10 ou 15%. Seuls certains secteurs restent intéressants pour la sélection de titres.

Quels sont vos récents arbitrages?

Nous avons renforcé les segments défensifs, après avoir vendu les cycliques. Nous avons pris des profits sur des valeurs de croissance aux parcours extraordinaires: Facebook, Mercado Libre et Uber.

Notre exposition à l’Europe s’élève à 21%, et nous n’avons aucun titre japonais en raison de la devise nipponne. Le poids de l’Inde est également à zéro.
Comment expliquez-vous la surperformance de la technologie dans un monde de taux élevés?

Les valeurs tech profitables (et moins profitables) ont été largement survendues en 2022 à un moment où il fallait se montrer sélectif. Nous avions profité pour renforcer notre exposition sur le secteur. Cette année, nous observons une corrélation entre les taux élevés et la progression des indices en raison des sous-pondérations de l’exercice précédent. Les flux proviennent essentiellement des consommateurs américains investissant dans les titres qu’ils connaissent bien ainsi que des fonds passifs qui renforcent davantage le poids d’une poignée de valeur: les sept magnifiques. La concentration des encours et le risque de déception sur les résultats entraîneront un mouvement inverse agressif. Cette année consiste à réduire son exposition à la technologie.

Les marchés seront-ils négatifs en 2024?

Le potentiel des indices semble limité. Valorisés à 20x les bénéfices, des réévaluations semblent probables. D’autant plus que la performance des indices américains est menée par 7 valeurs phares, indiquant que les performances des sociétés sont en réalité très hétérogènes.

Pourquoi vous écartez-vous de l’obligataire au profit du marché monétaire?

Je doute que nous voyions des baisses drastiques de taux en 2024. L’inversion de la courbe présente de l’intérêt, mais pas suffisamment pour nous inciter à allonger la duration. Les instruments monétaires liquides présentent moins de risque tout en offrant des rendements de l’ordre de 4%. Dans ce contexte, nous avons acheté des papiers à 6 mois du Trésor français.

Comment vous positionnez-vous pour l’année prochaine?

Notre gestion devient plus prudente, avec une allocation de 68%: soit la plus basse en 20 ans.

Nous sommes cependant exposés à la Chine dont les valorisations sont très basses. Le thème de la consommation chinoise, qui représente 20% de notre poche actions, devrait porter ses fruits en 2024.  

Notre exposition à l’Europe s’élève à 21%, et nous n’avons aucun titre japonais en raison de la devise nipponne. Le poids de l’Inde est également à zéro. Les flux sortis de Chine ont été réinvestis en l’Inde, mais ce marché est en ralentissement, rendant la marche des affaires des sociétés indiennes plus compliquée.

Comment vous positionnez-vous sur les matières premières?

Nous maintenons un biais de 11-12% sur le Canada, après avoir pris des profits sur des titres de l’industrie du cuivre, et plus généralement des sociétés dans les matières premières.

Nous n’investissons pas dans l’or physique mais somme exposée sur des titres de mines d’or acquis en septembre et en octobre 2023. Lorsque les taux ont frisé les 5%, le secteur aurifère était en difficulté malgré des dividendes payés de 4,5% en moyennes par les grandes sociétés aurifères contre 1.5% pour les entreprises du S&P500.  La décote sur les mines d’or demeure significative et elles conservent un potentiel de hausse de 25% vis-à-vis de l’or physique, ce dernier étant avantagé par une baisse future du dollar.

Quelles sont vos vues sur les sociétés suisses?

Nous détenons le titre d’ABB qui s’est distingué pour sa surperformance, et celui de Roche pour son biais défensif. Les relais de croissance de la pharma restent significatifs, malgré des surprises négatives pour les groupes suisses. Nous avons pris des profits sur l’action de Richemont après sa hausse extraordinaire en raison de sa valorisation devenue problématique. Nous ne revenons pas encore sur le titre, car les dynamiques de ventes dans le secteur du luxe en Asie soulèvent encore des questions.

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