Immobilier indirect: match nul entre données financières et extrafinancières?

Philippe Gabella, BCV

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D’ici 2024, un minimum de données extrafinancières devront apparaître dans les rapports des produits immobiliers. Un bien pour les valorisations et pour les rendements?

La vague verte poursuit son déploiement sur le marché de l’immobilier indirect. D’ici 2024, les fonds et fondations immobilières n’auront d’autre choix que de fournir des données concernant leur impact climatique, voire leur engagement envers les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Avec quels effets sur leurs coûts et sur leur valorisation? Qui plus est en période d’accès obstrué au capital.

Après l’autorité de surveillance des marchés financiers, la Finma, l’association faîtière des gérants d’actifs, l’AMAS (Asset Manager Association Suisse), la Conférence des administrateurs de fondations de placement (CAFP ou KGAST en allemand) a, à son tour, émis des recommandations en matière de durabilité cet automne. Ainsi, l’harmonisation des références et autres processus de reporting avance peu à peu. Davantage de transparence est en effet demandée à des acteurs, qui, avec les caisses de pensions, jouent un rôle important dans l’investissement immobilier en Suisse. Et donc sur la capacité du secteur à contribuer aux objectifs que la Suisse s’est fixés en matière d’émissions de CO2, de consommation énergétique et autres engagements dans le domaine de la durabilité.

Le test pour la comptabilité climatique a montré qu’en Suisse, un tiers des biens immobiliers testés sont chauffés aux énergies renouvelables contre un quart l’an dernier.
Nouvelles recommandations

La CAFP recommande ainsi à ses membres de recueillir les chiffres clés environnementaux sur un modèle identique à celui de l’AMAS. Il s’agit notamment de données concernant le taux de couverture, soit la part de la surface pour laquelle la consommation d’énergie est calculée, le mix de consommation entre énergie fossile et non fossile, l’intensité énergétique et des émissions des gaz à effet de serre. Une liste non exhaustive, puisque, bien sûr, d’autres informations liées aux critères de durabilité peuvent être publiées.

Objectifs atteignables

La situation évolue déjà comme le révèle la dernière étude PACTA (Paris Agreement Capital Transition Assessment). Le test pour la comptabilité climatique a montré qu’en Suisse, un tiers des biens immobiliers testés sont chauffés aux énergies renouvelables contre un quart l’an dernier. Les grands acteurs du secteur ont d’ailleurs anticipé ces recommandations et fournissent déjà des données extrafinancières dans leurs différents rapports publiés annuellement. Selon nos données, des fonds représentant 95% de la capitalisation boursière de l’indice suisse des fonds immobiliers publient déjà des données climatiques. Ainsi, le bilan est de bon augure puisque les émissions de CO2 de ces acteurs se montent en moyenne à 18,6 kg/m² contre 34,5 kg/m² au niveau national. Certains vont même plus loin en planifiant, pour leur parc immobilier, une sortie des énergies fossiles avant 2050.

Les nouvelles données publiées devraient permettre, au fil des ans, d’améliorer l’accès des investisseurs à ces éléments extrafinanciers.

Pour concrétiser cette neutralité carbone recherchée par la Suisse en 2050, l’ensemble des propriétaires devront donc encore investir dans le remplacement de chauffage à combustibles fossiles, dans l’isolation des bâtiments, etc. L’enjeu réside dans les immeubles existants, notamment ceux des centres-villes, dont l’adaptation s’avère plus complexe, mais indispensable à l’atteinte des objectifs fédéraux. Les projets de développement présentent généralement des caractéristiques d’efficience énergétiques attractives, avec une attention particulière portée sur les émissions d’énergie grise dans la conception de l’immeuble. Et c’est bien de cela qu’il s’agit: diminuer les émissions de CO2 et la consommation énergétique du parc immobilier et pas uniquement des fonds immobiliers. Les nouvelles données publiées devraient permettre, au fil des ans, d’améliorer l’accès des investisseurs à ces éléments extrafinanciers, donc de rendre plus transparente l’évolution du parc immobilier sous-jacent.

Quel impact financier?

La vitesse d’adaptation du parc immobilier géré par les fonds et autres investisseurs institutionnels dépendra non seulement des évolutions légales et réglementaires, mais aussi financières. Quel est l’impact de ces dépenses d’investissement? La rénovation des immeubles devrait permettre d’atténuer les risques extrafinanciers du parc immobilier et d’accroître sa valeur de marché. Ainsi, pour le gérant immobilier, la contrepartie de ces dépenses réside dans l’augmentation de la valeur des immeubles rénovés. Aujourd’hui, ces surcoûts de rénovation peuvent être anticipés sur le plan comptable dans les cashflows et dans la valeur d’expertise des immeubles, mais les effets sur le prix sont incertains.

L’impact des coûts d’assainissement sur le rendement d’un immeuble existant dépend notamment des attentes des investisseurs et de la capacité du propriétaire à les reporter sur les loyers. La situation varie selon la réglementation en vigueur localement qui encadre l’adaptation des loyers. Là encore, les premières expériences montrent que des gains existent potentiellement pour les propriétaires, même si le retour sur investissement est ralenti par les limitations de report.

Pour les acteurs qui n’ont pas encore de stratégie climatique et énergétique, ces questions doivent être soigneusement analysées, immeuble par immeuble, afin que l’impact des investissements soient équitablement répartis sur les parties prenantes – climat compris.

Le défi pour les gérants de parcs immobiliers et les investisseurs s’est encore accru alors que l’accès au capital s’est complexifié avec le retour de l’inflation et de la hausse des taux.

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