Une désinflation «transitoire»?

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

 
CPI de cet après-midi = danger

Attachez vos ceintures: la publication du CPI américain cet après-midi pourrait nous réserver quelques surprises. Dans le calcul de l’indice de janvier 2023, les poids de certains facteurs saisonniers vont être modifiés. C’est le Headline CPI qui sera le plus touché par ces changements, affectant principalement le secteur de l’énergie. Les deux composants les plus concernés par des changements de poids sont «motor fuels» et «used cars». De son côté, le Core CPI sera affecté plus modestement. De là à imaginer une décrue sensible du Headline (bonne nouvelle) compensée par un comportement décevant du Core (mauvaise nouvelle), il n’y a qu’un pas. Attention aux mauvaises surprises et ne tirons pas de conclusions trop hâtives.

Le problème est toujours le même: le grand public et parfois les marchés, tout du moins partiellement, focalisent leur attention sur le Headline CPI tandis que la Fed accorde une grande importance à l’évolution du Core PCE. Historiquement, lors des périodes de désinflation, le Core PCE redescend beaucoup moins vite que le CPI. Nicholas Van Ness, analyste chez Crédit Agricole-CIB, estime même que l’écart entre les deux s’établit à 30%. Une fois de plus, marchés et banque centrale ne sont pas vraiment sur la même longueur d’onde et lorsque les premiers s’en rendent compte, cela donne des corrections ou des sell-offs. Dernier sujet de réflexion de la semaine concernant le CPI: la réouverture totale de la Chine. Certains comme Blackrock y voient un potentiel énorme de chute brutale des indices d’inflation dans la seconde partie de l’année. D’autres, comme nous, sont plutôt dubitatifs. A méditer car il s’agit d’un sujet majeur en 2023.

Les nombreuses et fortes hausses de taux de la Fed en 2022 n’ont eu aucun effet sur le taux de chômage.

Nous avons vécu la pire semaine depuis le début de l’année sur les marchés actions et obligations. Nous redoutions ce moment avec toutefois une pointe d’excitation car nous n’avions pas tellement eu l’occasion de saisir des opportunités d’investissement depuis le fameux rally du 20 octobre à fin novembre 2022. Il aura fallu ce sensationnel chiffre de l’emploi pour remettre les pendules à l’heure. Les nombreuses et fortes hausses de taux de la Fed en 2022 n’ont eu aucun effet (c’est le moins que l’on puisse dire) sur le taux de chômage. La demande est toujours forte et ce n’est pas comme cela que l’inflation va se rapprocher des objectifs de la Fed. Il va donc falloir patienter et les marchés ont conclu qu’au moins trois futures hausses de taux sont probables, contre une seule voire deux maximum avant le Non-Farm Payrolls. Les Fed funds seront sans doute plus proches de 6% que de 5% dans quelques mois. Question: est-ce que l’économie US va pouvoir encaisser le choc?

Stratégie obligataire

Si la Fed est plus hawkish et se permet de tutoyer les 6% avec son taux directeur, faut-il également revoir nos probabilités de récession? En effet, le scénario de récession aux Etats-Unis avait pris du plomb dans l’aile récemment mais avec des Fed funds proches de 6%, la solidité de l’économie US sera mise à rude épreuve. D’autant plus que nous considérons toujours qu’il faut rajouter virtuellement environ 1% à ce taux Fed funds pour prendre en compte l’impact du Quantitative Tightening. Cela nous conduit à envisager inévitablement la poursuite de l’inversion de la courbe des taux avec un 2 ans à la peine. Le 5 ans est vulnérable tandis que le 10 ans pourra sans doute retourner vers 4%. Une inversion de 100bp entre le 2 et le 10 ans ne nous paraît pas du tout exagérée dans un tel scénario. Comme nous l’avons précédemment mentionné, il faudra toutefois faire très attention car dès que les marchés sentiront que les hausses de taux sont terminées, un re-steepening potentiellement violent nous pendra au nez.

Qu’avons-nous fait? pas grand-chose mais nous ne sommes pas restés inactifs pour autant. Nous avons remis un peu de TIPS 2 ans en buy and hold à 2,20% de taux réel. Nous avons failli rajouter du 20 ans à 4% hier mais nous attendons mieux: un niveau proche de 4,15% nous semblerait adéquat pour augmenter notre duration à la marge. Sur les marchés de crédits, nous sommes désormais en mode «wait and see» et attendons quelques soubresauts supplémentaires à Wall Street pour profiter d’écartements de spreads qui seraient les bienvenus. Nous avons, à dose homéopathique, augmenté nos positions en dette hybride corporate non bancaire tout en attendant de meilleures opportunités d’investissement. Enfin, sur l’Investment Grade en euros, nous attendons le bon moment pour sortir un produit daté à échéance 3 ans. Notre portefeuille modèle nous indique aujourd’hui un rendement actuariel de 3,8% mais nous sommes persuadés que le niveau de 4% est atteignable. Nous sommes donc dans les starting blocks en espérant qu’une fenêtre s’ouvrira avant fin mars.

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