«Fast and furious»

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

2 minutes de lecture

Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

Bull market

Nous n’en sommes qu’à la troisième chronique hebdomadaire de l’année et nous nous voyons contraints de répéter pour la troisième fois que tout va décidément trop vite et trop fort. Les marchés semblent ignorer les problèmes et les incertitudes qui nous entourent. Nous avons la désagréable impression d’être entrés dans un scénario idéal où l’inflation va bientôt redescendre vers des niveaux acceptables, les banques centrales vont donc modérer leurs ardeurs et nos économies éviteront une récession sérieuse, également aidées en cela par le rebond de l’économie chinoise. Notre fonds obligataire en dollars US, plutôt défensif, navigue selon les jours entre +2,5% et +2,75% de performance 2023. C’est tout simplement ahurissant et cela représente, comme nous l’avons déjà mentionné, pratiquement la moitié de nos attentes de performance de l’année.

La question que nous sommes légitimement en droit de nous poser est la suivante: le niveau de 3,32% atteint par le 10 ans US le 19 janvier peut-il être d’ores et déjà considéré comme le point bas de l’année 2023? Les niveaux de stress entourant la politique monétaire de la Fed sont reflétés dans l’évolution du taux à 2 ans. Il s’établissait à 4,20% hier, après avoir atteint un plus bas à 4,03% le 19 janvier et un plus haut à 4,50% le 6 janvier. La banque centrale américaine est donc censée être moins hawkish que ce que nous craignions en début d’année mais tout de même un peu plus que ce que l’euphorie de jeudi dernier laissait entendre.

C’est le Quantitative Tightening qui nous obsède! Et force est de constater que jusqu’à maintenant, Jay Powell n’a pas été très bavard sur le sujet.

Nous allons être rapidement fixés dans huit jours sur l’état d’esprit qui anime Jay Powell et son équipe. Nous semblons nous acheminer vers une politique de petits pas, avec une hausse de 25 bp le 1er février puis le 22 mars et, selon la vitesse de la décrue de l’inflation, deux hausses potentielles (mais pas du tout garanties à ce stade) le 3 mai ainsi que le 14 juin. Quitte à passer pour la énième fois pour de vieux radoteurs, nous estimons toujours que le niveau des Fed funds n’est pas notre souci principal et ce n’est pas plus ou moins 25bp qui vont avoir une influence majeure sur l’issue de la bataille contre l’inflation. C’est le Quantitative Tightening qui nous obsède! Et force est de constater que jusqu’à maintenant, Jay Powell n’a pas été très bavard sur le sujet. Espérons que cela changera mercredi prochain! Concernant ce sujet passionnant de l’impact du QT, nous ne pouvons que vous recommander de lire l’article d’Yves Bonzon (Julius Baer) publié vendredi dernier sur Allnews.

Le crédit au top!

Si les taux gouvernementaux et les actions ont bien fonctionné depuis fin décembre, il en va de même pour les crédits qui bénéficient, de par leur nature, des effets positifs des deux autres marchés. Il y a eu un tel engouement pour les corporate bonds, notamment avec le retour des investisseurs buy and hold, que les niveaux de spread sont devenus trop peu attrayants dans le cadre d’une gestion active. Toutefois, il faut remarquer que ce constat vaut surtout pour le marché des obligations libellées en dollars US. Le marché du crédit en euros est un peu à la traîne et c’est tant mieux pour nous!

Si nous devons momentanément nous abstenir d’acheter des corporates en dollars devenus trop chers, les crédits en euros sont encore relativement attrayants, y compris dans une gestion en dollars puisque la couverture de change «augmente» (temporairement sans doute) leur rendement d’environ 2%. Cela nous permet également de regarder encore les hybrides malgré leur redressement spectaculaire au cours des dernières semaines. Le marché primaire montre que les nouveaux deals sont largement sursouscrits. De surcroît, quelques tenders incitent les investisseurs à réinvestir dans de nouvelles émissions. Pour notre part, dans la même semaine, deux titres hybrides que nous détenions ont fait l’objet d’un tender: EDP et Repsol. La classe d’actifs a été injustement pénalisée l’an dernier par les déboires dans le secteur des REITS et leur cauchemar n’est pas terminé.

Toutefois, nous commençons à regarder (de loin, voire de très loin mais c’est comme cela que mûrissent peu à peu les stratégies) la dette senior des REITS allemands et scandinaves. L’idée a germé à l’occasion d’un débat avec des anglo-saxons très friands d’informations sur les hybrides lorsque nous avons lancé, sous forme de plaisanterie provocatrice, que si nous étions à la tête d’un hedge fund obligataire, nous songerions sérieusement à bâtir une position sur ces fameux REITS allemands et suédois: short dette hybride/long dette senior. En y regardant de plus près, nous nous sommes posés la question: et pourquoi pas? Evidemment, il ne s’agirait pas de mettre en place des stratégies long/short dans une gestion long-only mais plutôt de faire cohabiter dans un portefeuille de la dette senior émise par des REITS aux côtés des dettes hybrides d’autres secteurs. Nous en sommes donc au stade préliminaire de la réflexion et le chemin est encore long avant de passer à l’acte. D’ici-là, les banques centrales auront peut-être réduit la voilure et ce sera un argument de poids pour retourner dans un secteur qui déteste au plus haut point les phases de hausses de taux.

A lire aussi...