FOMC demain: 50+25 = 25+25+25

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

 

Fed funds réels positifs

Le taux directeur actuel de la Fed (haut de fourchette) s’élève aujourd’hui à 4,50%. C’est 0,1% de plus que le Core PCE qui est sorti vendredi dernier à 4,4%. Cela signifie que même si nous ne tenons pas compte de l’impact du Quantitative Tightening pour réévaluer le niveau virtuel des Fed funds, ces derniers sont désormais en taux réel positif pour la première fois depuis la crise du Covid. Un tel événement devrait théoriquement pousser la Fed à baisser d’un cran son agressivité. Si Jerome Powell est cohérent avec ses déclarations et son intention d’en finir avec la spirale inflationniste, une hausse de taux de 50bp semble logique. Les marchés s’attendent plutôt à un petit 25bp. Ce débat nous semble d’importance mineure.

Comme notre titre le suggère, une hausse de 50bp demain puis une autre de 25 bp ultérieurement nous conduisent vers le même taux final que trois hausses de 25bp. Nous sommes partisans de la première stratégie mais il faut admettre que la solution des petites hausses de 25bp à chaque meeting, que nous surnommons la politique des petits pas, a l’avantage de permettre à la Fed de s’acheter du temps et c’est un atout majeur. Le risque de voir l’inflation diminuer encore plus fortement est désormais non négligeable et le fine tuning, jusqu’au 3 mai ou au 14 juin est sans doute préférable. Cela permettrait d’éviter, ou de diminuer fortement, le risque d’erreur de politique monétaire.

Si la Fed nous surprend en adoptant un comportement plus hawkish que ce que les marchés attendent, c’est le 2 ans qui va souffrir le plus.

En termes de stratégie de gestion, peu importe le scénario. Ce que nous attendons, c’est un retour de la volatilité menant à une petite correction (ne soyons pas trop gourmands) sur les taux longs pour réajuster notre politique de duration. Nous souhaitons en effet augmenter la duration de nos portefeuilles en US dollars mais pas à n’importe quel prix et des taux longs proches de 3,5% en janvier ne nous ont fourni aucune opportunité d’investissement. Le jour où nous passerons à l’acte, ce sera vraisemblablement pour rajouter du 20 ans qui offre un rendement supérieur de 35bp à celui du 10 ans et 25 bp de plus que le taux à 30 ans.

Le 2 ans US, proche de 4,25% aujourd’hui, ne nous paraît pas attrayant pour trois raisons. Premièrement, si la Fed nous surprend en adoptant un comportement plus hawkish que ce que les marchés attendent, c’est le 2 ans qui va souffrir le plus. Deuxièmement, sur cette plage de maturité 2-5 ans, nous préférons les crédits (même si les spreads Investment Grade sont désormais chers). Troisièmement, si nous devions absolument investir en emprunts du Trésor à maturité 2025, nous serions plutôt tentés par un pari osé, en préférant les TIPS à taux réel supérieur à 2%.

La BCE doit frapper fort

Moins de vingt-quatre heures après l’allocution de Jay Powell, ce sera au tour de Christine Lagarde de présenter les conclusions du conseil de la BCE. Avec un CPI s’élevant à 9,2% et un core CPI à 5,2%, les banquiers centraux de Francfort sont désormais au pied du mur et ce n’est pas le CPI espagnol en hausse inattendue hier qui devrait les dissuader d’agir. Que l’on prenne le taux Refi à 2,5% ou le taux de dépôt à 2%, les taux directeurs européens sont donc à des années lumières de leurs homologues outre-Atlantique puisqu’ils affichent des taux réels largement négatifs. Si la courbe des taux allemande est enfin devenue inversée récemment, le Schatz 2 ans à 2,65% et le Bobl 5 ans à 2,30% sont sans doute amenés à se tendre au moment où les marchés estimeront que la BCE va finalement passer en «mode Fed».

Ce serait une aubaine. Nous avons déjà souligné notre préférence pour les crédits Investment Grade en euros au détriment de leurs homologues émis en dollars. Il n’y a pas photo en effet! En cette période de Quantitative Tightening généralisé (la BCE y vient très timidement pour l’instant), il faut se rappeler que le QE de la BCE faisait la part belle aux crédits. Il semble donc logique que ces derniers vont tôt ou tard souffrir plus que l’Investment Grade en USD lorsque le QT européen s’attaquera au portefeuille CSPP. En gestion active, il s’agit d’un élément à prendre en compte dans toute stratégie mais en «buy and hold», l’argument est négligeable. Nous avons travaillé cette semaine sur un portefeuille constitué exclusivement de crédits de qualité à maturités comprises entre février et avril 2026 et le résultat est déjà intéressant puisque nous obtenons un rendement de 3,75%. Si, comme nous l’espérons, la courbe allemande 2-5 ans est victime de soubresauts, nous nous rapprocherons d’un 4% très attrayant. Pour le bien de la lutte contre l’inflation en zone euro mais également de nos stratégies crédits courts, Madame Lagarde doit désormais sortir l’artillerie lourde! Réponse jeudi.

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