Démarrage en trombe

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

2 minutes de lecture

Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

 

Economie US: toujours solide mais…

Nous avons eu droit à de bons chiffres de l’emploi pour commencer l’année. Les différents marchés ont pu apprécier ce qui leur convenait. Certains se sont focalisés sur un taux de chômage redescendu à 3,5%, d’autres ont préféré y voir un début de déclin des créations d’emploi, passant du niveau habituel de 260’000-280'000 à pratiquement 220'000. L’après-midi de vendredi a été moins enthousiaste sur les coups de seize heures, avec un ISM services repassant au-dessous de 50 et des commandes de biens durables en territoire toujours négatif. De quoi alimenter la forte décrue des taux longs US. Le 10 ans, qui avait déjà bien commencé l’année, a terminé la semaine en trombe à 3,55%, bien loin de sa clôture du 30 décembre à 3,87%.

L’année 2023 a donc débuté sur les chapeaux de roues pour les marchés obligataires et après seulement une semaine, nos portefeuilles diversifiés (gouvernements et crédits) délivrent déjà environ 1% en euros et 1,20% en dollars. Trop vite et trop fort, c’est déjà ce que nous avions craint à l’occasion du rebond spectaculaire de novembre (débuté le 20 octobre). Nous commençons donc l’année avec confiance et optimisme mais en restant prudents car la volatilité n’a pas disparu et les faucons des banques centrales n’ont pas fini de nous surprendre. Evidemment, le premier gros test de ce début d’année sera la publication du CPI après-demain, les marchés s’attendant à casser le niveau de 6% YoY pour atteindre un 5,7% qui serait le bienvenu.

Des banques centrales imprévisibles

Deux événements majeurs sont intervenus fin 2022 et ont concerné deux banques centrales qui ont perturbé le tant espéré rally de fin d’année. La BCE a tenu à affirmer son engagement ferme à lutter contre l’inflation, synonyme d’une politique monétaire (enfin?) plus agressive. Certes, les derniers chiffres de chômage en zone euro peuvent rassurer les banquiers centraux mais l’incertitude est de mise car une politique monétaire beaucoup plus hawkish menée par la BCE (ce qui serait souhaitable dans l’absolu) sera difficilement compatible, pour ne pas dire incompatible, avec le risque très élevé de récession sur le vieux continent. La tâche va être ardue et Madame Lagarde a beaucoup moins d’atouts dans sa manche que Jay Powell.

Du côté de la Fed, la politique monétaire semble plus lisible et prévisible mais nous restons sceptiques.

Cerise sur le gâteau (ou plus précisément sur le Panettone): la Fed n’a pas à gérer le spread de l’Italie qui reste un caillou dans la chaussure de la BCE malgré la possibilité de mettre en œuvre le TPI (Transmission Protection Instrument), son outil anti-fragmentation. Le second événement qui a pris de court les marchés en décembre est venu du Japon. La BoJ a soudainement assoupli sa politique de YCC (Yield Curve Control) en élargissant la bande de fluctuation du JGB. Les taux japonais sont montés en flèche, entraînant dans leur sillage le Bund allemand et dans une bien moindre mesure les US Treasuries (mais pas suffisamment pour atteindre nos points d’achat).

Ces deux moments intenses (qui toutefois ne concernaient pas la Fed) nous rappellent que s’il existait une recette miracle pour appréhender les marchés en 2023, elle consisterait à anticiper avec succès le comportement des banques centrales tout au long de l’année. Du côté de la Fed, la politique monétaire semble plus lisible et prévisible mais nous restons sceptiques. Les marchés sont obnubilés par les hausses de taux, la date et le niveau du point culminant des Fed funds. Peu d’intervenants mentionnent l’impact du Quantitative Tightening et à partir de quand la Fed va stopper son programme de réduction de la taille de son bilan. Ce dernier point nous inquiète au plus haut point. Si la Fed doit commettre une erreur de politique monétaire, elle viendra vraisemblablement de là, pas de décisions sur les taux directeurs.

Taux réels, fil rouge de 2023

Il existe une seconde recette miracle pour performer avec succès en 2023 mais elle est tellement liée à la première qu’il s’agit en fait d’une seule et même recette. Il va falloir tenter d’anticiper sans trop se tromper l’évolution des taux réels au cours de cette année. Ces derniers sont la clé de voûte de tous les marchés, obligations mais également actions, or, devises, cryptos, matières premières ou encore immobilier. Les investisseurs les plus performants en 2023 seront ceux qui auront le mieux appréhendé le comportement tellement important de ces taux réels. Nous allons tout mettre en œuvre pour figurer dans cette liste dans un an! Bonne et heureuse année à tous!

A lire aussi...