Le no-landing gagne du terrain

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

 

Plus de 300'000 créations d’emplois

Si cela continue, le premier vendredi du mois va rimer une fois de plus avec 300'000 et plein-emploi. Les Non-Farm Payrolls ont encore surpris par leur vigueur et les doutes sur leur véracité s’estompent au fil du temps. Cette fois-ci, même si l’on admet que ces 303'000 créations d’emplois sont exactes, il nous est permis de constater que le taux de chômage ne baisse plus et que les pressions salariales, au lieu d’exploser, sont très raisonnables. Ces très bons chiffres ne sauraient toutefois remettre en cause le scénario de la Fed. En effet, sur les marchés, nous ne voyons souvent pas plus loin que le bout de notre nez alors que les banques centrales essaient d’avoir une vision globale et moins court-termiste.

Lorsque la Fed a monté ses taux de zéro à 5,5%, ce n’était pas pour calmer une surchauffe économique tirée par une croissance exceptionnelle. C’était bien pour tenter de juguler une inflation qui était montée jusqu’à des niveaux à deux chiffres. Aujourd’hui, force est de constater que la probabilité de récession a diminué fortement et c’est le niveau d’inflation qui va guider les banquiers centraux de Washington. Alors si le marché de l’emploi est excellent mais que les tensions à l’embauche ne créent pas une inflation salariale de grande ampleur synonyme de rebond de l’inflation générale, la Fed pourra accueillir cette bonne nouvelle sans changer un iota à sa politique monétaire.

Il suffirait donc qu’un seul membre de la Fed devienne un peu moins hawkish pour que nous nous retrouvions avec seulement deux assouplissements cette année.

Jerome Powell n’a pas, en tout cas pour l’instant, modifié son discours: la Fed est en mode «wait and see» et si les dernier chiffres d’inflation n’ont fondamentalement pas évolué (sous-entendu à la baisse), il sera approprié de baisser les taux à un moment donné cette année. Le CPI de demain s’annonce plutôt chaud sur les marchés. Nous attendons également avec impatience et curiosité la publication des minutes du dernier FOMC demain. Sous le titre «le diable se cache dans les détails», nous avions pointé du doigt le fait que les fameuses trois baisses de taux prévues en 2024 par les dot plots ne tenaient qu’à un fil. Dix contre neuf pour être précis.

Il suffirait donc qu’un seul membre de la Fed devienne un peu moins hawkish (ce qui va vraisemblablement arriver) pour que nous nous retrouvions avec seulement deux assouplissements cette année. Nous avons toujours trouvé ce concept d’année calendaire très bizarre car si la fameuse troisième baisse de taux 2024 avait finalement lieu le 29 janvier 2025 au lieu du 18 décembre 2024, cela ne changerait pas grand-chose pour ne pas dire rien du tout. S’il faut donc nous en tenir strictement à 2024, nous pencherions désormais pour deux baisses de taux (juillet et décembre par exemple) assorties, entre les deux, d’un timide tapering du Quantitative Tightening pour nous faire patienter (le fameux «keep markets happy»).  

La BCE ne va pas pouvoir attendre la Fed

Autre temps fort de la semaine, la BCE se réunit jeudi pour… rien (ou si peu). Le plus probable se résume en effet à une attitude similaire à celle de la Fed, c’est-à-dire un «wait and see» qui se prolonge, mais assortie cette fois-ci d’une quasi-promesse de premier assouplissement le 6 juin. Le temps presse pour la zone euro; la croissance n’a pas la même vigueur que celle des Etats-Unis et c’est un euphémisme. L’inflation baisse également plus rapidement qu’Outre-Atlantique et la BNS a montré la voie. Il ne reste plus qu’aux banquiers centraux de Francfort de se montrer rassurés par l’inflation salariale dans certaines régions de l’Eurozone, véritable frein à une politique résolument accommodante.

Sur les marchés, les crédits deviennent vraiment chers. Certaines dettes hybrides ne paient plus leur niveau de subordination mais leur carry reste tellement impressionnant que le «buy and hold» se justifie amplement. En ce qui concerne la dette gouvernementale, nous avons complété nos achats de Bund et Obl par du Schatz. Ainsi, nous détenons désormais les trois points de courbe intéressants, à savoir le 2, le 5 et le 10 ans. Nous n’avons pas franchi le pas de la diversification en emprunts d’états non allemands. Ce sera peut-être l’étape suivante. Nous sommes en train de vivre la revanche de certains périphériques, que l’on surnommait à un époque les pays «Club Med». Il va sans doute falloir songer à nous diversifier dans un avenir proche. Cette réflexion figure en position de choix dans notre «to-do list» du deuxième trimestre.

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