«Débarbellisation»

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.


BCE, PIB US et PCE Deflator… avant la Fed

Nous avons vécu une semaine plutôt chargée mais finalement sans grande surprise à part peut-être du côté du PIB US. Ce dernier a démontré une fois de plus la bonne santé de l’économie américaine avec une croissance au quatrième trimestre de 3,3% au lieu des 2% attendus par les marchés. Le spectre de la récession s’éloigne, le soft landing se retrouve renforcé, Goldilocks est (presque) de retour! Cela signifie deux choses: si la croissance tient bon sur de tels niveau, nous serons plus près des trois baisses de taux envisagées par la Fed en fin d’année que des cinq ou six anticipées à l’époque par les marchés (d’où le réajustement de janvier tant au niveau des taux que des performances).

Deuxièmement, en général, «la récession envoie rarement des cartons d’invitation» (expression empruntée à Fabrizio Quirighetti, rendons à César…). En cas de récession inattendue, les dégâts seront d’autant plus importants qu’ils prendront les marchés par surprise. Du côté de l’inflation, la publication des indices PCE Deflator et Core PCE a été conforme aux attentes. Un Core PCE YoY à 2,9% au lieu de 3% attendu par les marchés a été la seule différence notable, autant dire pas grand-chose. Dans de telles circonstances, qu’attendre du premier FOMC de l’année demain? Sûrement pas de surprises majeures. Première baisse de taux le 20 mars? le 1er mai? le 12 juin? Assouplissement du Quantitative Tightening afin de nous faire patienter du côté des baisses de taux? Jerome Powell est attendu au tournant. Premiers éléments de réponse(s) demain soir… ou pas.  

Nous avons commencé à «débarbelliser» nos portefeuilles Treasuries en allégeant légèrement le 30 ans et le 20 ans puis en vendant des positions à court terme afin de financer l’achat de 5 ans.

Une banque centrale ne semble pas concernée par la récession, la BCE. Madame Lagarde a admis un ralentissement notable dans la zone euro pour ajouter qu’il était temporaire et que les experts de la BCE avaient bon espoir que la croissance repartira d’ici quelques semaines. Aucune raison de s’inquiéter et comme l’inflation redescend assez rapidement, la situation semble sous contrôle.

Christine Lagarde a dû toutefois passer un bref moment désagréable lorsqu’un journaliste lui a rappelé qu’à Davos (il n’y a donc pas si longtemps) elle avait annoncé une probable première baisse de taux en été. A la question «avez-vous discuté de cela au cours du meeting?», elle a bien dû répondre que non, le conseil des gouverneurs estimant qu’il était prématuré d’évoquer tout assouplissement monétaire. Vous avez dit cacophonie?

Celui qui résume le mieux la situation, c’est sans doute François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, qui a affirmé ce week-end que l’inflation sera redescendue à 2% début 2025 et que la BCE baissera ses taux cette année (sans toutefois préciser son ampleur et son timing). Le banquier central français a ajouté que le danger était de baisser les taux soit trop tôt soit trop tard. Trop tôt, et cela fait repartir l’inflation. Trop tard et cela crée une récession. Rien à ajouter!

En guise de conclusion (à moins que la Fed nous surprenne demain), aux Etats-Unis, la macro - croissance et inflation - est un peu trop hawkish et la Fed un peu trop dovish alors qu’en zone euro c’est l’inverse!

Le 5 ans, nouveau «sweet spot»

Sur le marché des Treasuries, jusqu’en fin d’année, nous avions déployé une stratégie dite barbell, privilégiant des investissements massifs en taux très courts (inférieurs à 2 ans, voire 18 mois) à rendements très élevés combinés à des positions en 10, 20 et surtout 30 ans. Cette stratégie a été largement payante au cours des deux derniers mois de 2023 puisque le rendement des taux courts a été boosté par les importants gains en capital sur la partie longue. Aujourd’hui, une telle stratégie nous semble moins pertinente alors que les premières baisses de taux de la Fed vont tôt ou tard se matérialiser.

Par conséquent, il nous semble désormais aberrant de n’avoir aucune exposition en 5 ans alors que ce point de la courbe est en train de devenir le «sweet spot». En effet, le 2 ans semble encore plus intéressant mais avec une duration de 1,9, son intérêt est plus théorique puisque la performance délivrée sera anecdotique. Le 5 ans est donc vraiment intéressant, combinant les attraits du 2 ans avec une duration de 4,5 qui permet de constater des gains en capital significatifs.

Nous avons donc commencé à «débarbelliser» nos portefeuilles Treasuries en allégeant légèrement le 30 ans et le 20 ans puis en vendant des positions à court terme afin de financer l’achat de 5 ans. Cette stratégie a été affinée avec la décision de constituer cette position sur la partie intermédiaire de la courbe avec 50% de 5 ans à taux nominal à rendement au-dessus de 4% et 50% en TIPS 5 ans à rendement réel de 1,8%. Il s’agit d’un premier pas qui va sans doute en provoquer d’autres. Nous devrons alors déterminer s’il faut privilégier les taux nominaux ou les taux réels afin de faire vivre cette stratégie initiale moitié-moitié. C’est l’évolution de l’inflation, ou plutôt des anticipations d’inflation, qui nous servira de guide. En attendant, bon FOMC demain soir!

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