Fed-BCE, qui va dégainer le premier?

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

©Keystone

Merci M. Waller!

Le mois de janvier nous a déjà réservé son lot de surprises avec notamment un CPI décevant suivi d’un PPI encourageant. Entre les déclarations des membres de la Fed et les statistiques macro, la probabilité d’assister à une première baisse de taux le 20 mars est passée en quelques jours de plus de 90% à moins de 60%. Nous devons ce revirement des marchés en grande partie à Christopher Waller. Ce membre de la Fed a suggéré avec insistance que les marchés sont allés trop loin dans leurs anticipations de baisses de taux et que la Fed n’a aucune raison de baisser ses taux aussi rapidement que dans le passé, une fois entériné le premier assouplissement.

Ainsi, la courbe des taux n’a guère apprécié ce contretemps et en toute logique, la semaine nous a offert un exemple classique de bearish flattening. Le 2 ans s’est en effet tendu de 20bp (de 4,20% à 4,40%), le 10 ans de 10bp (de 4% à 4,10%) et le 30 ans de «seulement» 5bp (de 4,25% à 4,30%). Rappelons que dans de telles circonstances, c’est sur la partie longue que les pertes sont les plus élevées car si le mouvement est faible, les durations ne le sont pas.

Une semaine cruciale

Après cet épisode «Wallerien», que nous réserve l’avenir? A très court terme, la semaine qui s’annonce va être chargée. Après-demain, une première évaluation du PIB américain au quatrième trimestre donnera le ton. Nous saurons si la croissance a bien ralenti, de 4,9% au Q3 à 2%. Nous pourrons également analyser l’évolution de la consommation des ménages afin d’en tirer des enseignements sur l’état actuel et futur de l’économie US. Mais cet apéritif ne saura nous détourner du plat de résistance, à savoir le PCE Deflator et le Core PCE publiés vendredi.

Une bonne nouvelle sur le Core PCE et le 2 ans retournerait illico vers 4,2% voire en deçà.

Si les marchés se sont emballés au moment des publications du CPI et du PPI, ils devront considérer ces statistiques avec beaucoup plus d’attention puisqu’elles sont depuis longtemps considérées comme l’indicateur préféré de la Fed en termes d’inflation. A priori, le PCE Deflator devrait ressortir stable en décembre à +2,6% mais ce que l’on attend avec fébrilité, c’est la poursuite de la décrue du Core de 3,2% à 3% en décembre. Une bonne nouvelle sur le Core PCE et le 2 ans retournerait illico vers 4,2% voire en deçà. Et les anticipations de premier geste accommodant le 20 mars remonteraient quasi automatiquement vers 80%-90%.

La BCE au pied du mur

Dans un monde «normal», la Fed devrait ouvrir le bal mais depuis le Covid, plus rien n’est normal. Dans les années 1990, la place de Paris, mêlant autodérision et constat amer, affirmait que «la Fed fait ce qu’il faut, la Buba fait ce qu’elle veut, la Banque de France fait ce qu’elle peut». Aujourd’hui, Madame Lagarde se retrouve face à une récession qui s’installe et à une inflation qui pourrait surprendre en baissant plus rapidement qu’aux Etats-Unis. Dans ces conditions, pourquoi et en vertu de quel principe attendre que la Fed fasse le premier pas? L’une des raisons principales qui valideraient une décrue plus rapide du CPI en zone euro vient des services.

Premièrement, le poids des services est plus faible dans le CPI de la zone euro que dans celui des Etats-Unis. Ensuite, le CPI services de la zone euro est déjà redescendu à 2% alors que ce n’est pas le cas aux Etats-Unis. Nous pourrions donc assister à un renversement des rôles. Si la Fed décide de ne rien faire le 20 mars et repousse sa première baisse de taux au 1er mai, la BCE pourrait la coiffer au poteau en agissant le 7 mars (peu probable) ou le 11 avril (tout à fait possible). Reste le sujet de la cure d’amaigrissement de la taille du bilan. Les deux banques centrales seront amenées tôt ou tard à redoubler d’efforts dans un environnement hostile qui devrait plutôt les pousser à abandonner cet objectif ambitieux mais nécessaire. Premiers éléments de réponse ce jeudi avec la première réunion de la BCE.

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