Réglementer la révolution de l'IA

Gilad Fortgang, T. Rowe Price

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La concurrence entre la Chine et les Etats-Unis, tout comme la sécurité des consommateurs sont des enjeux majeurs.

© Keystone

Le potentiel de disruption de l'intelligence artificielle générative, soit l’IA capable de créer de nouveaux contenus, a captivé l’attention du public, des marchés et des dirigeants d'entreprise. Elle figure également pôle position parmi les questions liées à la technologie qui préoccupent les décideurs politiques de Washington.

Jusqu'à présent, l'accent a été mis sur la concurrence stratégique avec la Chine. Les politiques nationales en matière d'IA, quant à elles, sont encore en train de prendre forme, l'accent étant mis, dans un premier temps, sur la sécurité et la protection des consommateurs.

Les investisseurs doivent impérativement connaître les mesures prises par les États-Unis sur ces deux fronts.

Compétition stratégique avec la Chine

Le Congrès considère de plus en plus que le leadership technologique, y compris l'IA avancée, est essentiel à la sécurité nationale et à la compétitivité économique des États-Unis face à la Chine. Preuve en est dans la politique menée.

Les États-Unis ont d'abord fait cavalier seul en limitant les exportations de semi-conducteurs avancés et d'équipements de fabrication de puces vers la Chine. Ces technologies sont essentielles pour les modèles d'apprentissage poussés et l'IA de seconde génération. Les États-Unis ont ensuite convaincu le Japon et les Pays-Bas de se joindre à cet effort.

Les puces développées pour contourner ces règles pourraient inciter les États-Unis à mettre à jour leurs limites existantes sur les exportations de semi-conducteurs. Des restrictions similaires pourraient être étendues à d'autres technologies facilitant l'IA. L'évolution de la situation à cet égard mérite d'être surveillée.

La révolution de l'IA n'en est qu'à ses débuts. Il en va de même pour la réponse réglementaire.

Plus récemment, le département du Trésor américain, en liaison avec un décret du président Joe Biden, a proposé d'interdire certains investissements américains dans les secteurs chinois de l'IA, de la fabrication de puces et de l'informatique quantique.

L'objectif ne semble pas être de limiter l'accès aux capitaux, mais plutôt de freiner le transfert d'«avantages immatériels», en particulier l'expertise technique et managériale qui peut aller de pair avec ces investissements.

Face aux efforts déployés par les États-Unis pour conserver leur avance dans les technologies clés, les réactions pourraient être source de perturbations et d'incertitudes supplémentaires. Les restrictions récemment annoncées par la Chine sur les exportations de métaux rares, tels le gallium et le germanium, utilisés dans les semi-conducteurs et les équipements de télécommunications, illustrent ce point.

Le découplage progressif des secteurs technologiques des États-Unis et de la Chine devrait se poursuivre. Cela pourrait entraîner des incertitudes et des risques pour les entreprises spécialisées dans la fabrication de puces et d'autres technologies de nouvelle génération liées à l'IA.

Réglementation domestique de l'IA

Jusqu'à présent, l'évolution de la réglementation aux États-Unis n'a guère entravé l'adoption de l'IA et l'innovation de manière significative, du moins à court terme. En juillet, l'administration Biden a obtenu de sept grands développeurs d'IA qu'ils s'engagent à respecter un ensemble de principes. Ces engagements portent notamment sur:

  • les tests de modèles et sécurité,
  • la création de marqueurs permettant d'identifier le contenu généré par l'IA, et
  • la divulgation publique des capacités et des limites d'un modèle.

Aucune de ces mesures ne semble excessivement contraignante. Toutefois, l'accord laisse entendre que la sûreté, la sécurité et la transparence sont en train de devenir des thèmes clés de la réglementation de l'IA aux États-Unis.

A quoi faut-il s’attendre?

Cet automne, le Sénat accueillera une série de groupes d'experts sur ces thèmes et sur d'autres questions sensibles liées à l'IA, notamment les droits d'auteur, la protection de la vie privée et les pertes d'emplois potentielles.

La complexité de ces questions et la paralysie du Congrès devraient rendre difficile l'adoption d'une législation significative sur l'IA à court ou moyen terme. Toutefois, ces discussions politiques pourraient définir l'ordre du jour des instances fédérales susceptibles de concevoir et de mettre en place des règles concernant l'utilisation de l'IA avancée dans les domaines qu'elles contrôlent.

La Commission fédérale du commerce (FTC ) étudie, par exemple, des règles visant à limiter le suivi des données et à prévenir l'intégration de pratiques discriminatoires dans les algorithmes. Elle a également lancé une enquête pour déterminer si une plateforme d'IA générative populaire a porté préjudice à des personnes en produisant des informations fausses ou trompeuses à leur sujet.

Le ministère de la défense, bien qu'il ne soit pas acteur de la réglementation technologique, est également partie prenante dans le débat sur la politique de l'IA, étant donné l'accent mis sur la sécurité nationale.

Nous resterons attentifs aux commentaires des dirigeants des agences et aux propositions de réglementations afin d'avoir une idée de ce qui pourrait se passer et d'évaluer comment la lutte territoriale entre les régulateurs pourrait se dérouler.

Pour conclure

La révolution de l'IA n'en est qu'à ses débuts. Il en va de même pour la réponse réglementaire. Les principes qui guident l'approche américaine face aux efforts de la Chine en matière d'IA et de technologies facilitatrices sont mieux compris à ce stade, même si les tensions entre ces deux puissances génèrent de l'incertitude.

La politique intérieure, quant à elle, est encore en train de prendre forme. Nous serons très attentifs à l'évolution de la situation ainsi qu'à ses conséquences pour les Big Tech et les autres entreprises qui développent et déploient l'IA générative.

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