Les marchés émergents mènent leur propre danse

Chris Kushlis, T. Rowe Price

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Après un premier semestre solide, à quoi faut-il s’attendre pour le reste de l'année 2023 sur les marchés émergents?

La situation pourrait rester inchangée, mais il sera important de garder un œil sur la Chine afin de voir si son ralentissement entraîne le reste des marchés émergents. Pour l’heure, nous constatons une certaine résilience du côté de la croissance, tandis que l'inflation recule. Sur le plan de la politique monétaire, plusieurs pays vont être en mesure d'entamer prochainement un cycle de baisse des taux d'intérêt, devançant ainsi leurs homologues des marchés développés, ce qui est un signe encourageant de la maturité des marchés émergents en tant que classe d'actifs.

Politique monétaire: retournement du cycle des taux d'intérêt

Grâce aux progrès réalisés dans la réduction de l'inflation, les banques centrales des pays émergents sont sur le point de commencer à assouplir leur politique monétaire, ce qui annonce un tournant dans le cycle des taux d'intérêt. Non seulement elles ont commencé à relever les taux d'intérêt avant les marchés développés, mais elles les ont également relevés davantage. Les pays émergents disposent ainsi d'une marge de manœuvre pour entamer la baisse de leurs taux d'intérêt. Toutefois, il n'est pas certain que les banques centrales des pays émergents puissent aller jusqu'au bout de ce cycle.

Il est possible que les taux ne reviennent pas aux niveaux précédant la hausse, les conditions actuelles étant différentes. Les banques centrales des pays émergents doivent également être attentives à la stabilité des devises lorsqu'elles procèdent à des réductions. La vigueur persistante du dollar américain et la hausse des taux d'intérêt aux États-Unis constituent des vents contraires.

Le Chili a déjà entamé son cycle d'assouplissement et nous nous attendons à ce que d'autres pays d'Amérique latine le rejoignent au cours des prochains mois. En Europe centrale et orientale, la Hongrie a commencé à assouplir sa politique monétaire et nous pensons que la République tchèque lui emboîtera bientôt le pas. Il faudra probablement attendre 2024 pour que la baisse démarre.

Ralentissement de la Chine: le secteur immobilier plombe l’économie

L'économie chinoise ralentit, et ce plus rapidement que prévu. Une série d’annonces négatives concernant les secteurs de l'immobilier sont susceptibles de miner la confiance dans la deuxième économie mondiale et d'entraîner un nouvel affaiblissement. Les risques de détérioration augmentent, menaçant de créer des cycles négatifs dans un contexte de faible confiance et de difficultés dans le secteur manufacturier et sur le marché de l'emploi.

Afin de soutenir l'économie, la Banque populaire de Chine a commencé à assouplir sa politique monétaire, une tendance qui devrait se poursuivre dans les semaines et les mois à venir. Mais comme la demande de crédit est faible, le mécanisme de transition monétaire pourrait être affaibli, et il reste à voir quelle sera l'efficacité des mesures d'assouplissement.

Si les difficultés s'aggravent, les autorités chinoises seront probablement mises à l'épreuve. Elles voudront se prémunir contre les risques de crise financière plus importante ou entraînant l'économie dans la récession. La politique budgétaire devra probablement être le principal levier pour gérer ces risques, bien qu'il y ait un débat en cours sur l'ampleur des mesures à prendre et sur la conception de tout programme budgétaire.

Croissance économique: résiliente jusqu'à présent

La croissance des pays émergents a jusqu'à présent fait preuve de résilience face à un ralentissement notable de l'économie chinoise. À l'instar des marchés développés, les économies des pays émergents ont mieux résisté, tandis que le ralentissement de la Chine n’a pas encore impacté de manière significative les prix des matières premières. C'est encourageant, mais il est important de noter que la qualité de la croissance est inégale et qu'il y a une certaine disparité géographique.

À l'avenir, la croissance des pays émergents dépendra probablement de trois facteurs. Premièrement, la stabilité des prix des matières premières face à un cycle industriel qui s'affaiblit. Deuxièmement, Deuxièmement, la question de savoir comment la tension entre le ralentissement de l'industrie manufacturière et la résistance du marché des services et du travail se pose de manière plus générale. Troisièmement, la Chine peut-elle agir suffisamment sur son économie afin de ne pas freiner la croissance des pays émergents?

Inflation: attention aux prix des denrées alimentaires

L'inflation a rapidement baissé dans les pays émergents après les chocs structurels de la pandémie et de l'invasion de l'Ukraine par la Russie. À l'avenir, nous restons attentifs aux prix des denrées alimentaires en raison des risques de hausse engendrés par El Niño et par la fin de l'accord sur les céréales entre la Russie et l'Ukraine.

Le phénomène météorologique connu sous le nom de El Niño, qui se produit tous les deux ou trois ans et provoque une augmentation de la température de la mer dans l'océan Pacifique, a des répercussions sur les conditions météorologiques dans le monde entier. Et il est de retour. Certains pays asiatiques et d'Amérique latine sont probablement les plus exposés, mais de différentes manières. Par exemple, la Colombie pourrait être confrontée à davantage de sécheresse, tandis que l'Équateur et le Pérou pourraient connaître des précipitations plus abondantes. Même à l'intérieur d'un pays, les effets peuvent varier: certaines régions du Brésil pourraient connaître des pluies insuffisantes, tandis que d'autres pourraient connaître des précipitations supérieures à la normale et des récoltes plus abondantes. Le risque est que des conditions météorologiques plus extrêmes perturbent l'agriculture, ce qui aurait des répercussions sur les prix des denrées alimentaires et l'inflation.

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