Deux technologies à l’appui de la production d’énergie renouvelable à partir de l’hydrogène

Mobeen Tahir, WisdomTree

4 minutes de lecture

Les électrolyseurs et les piles à combustible ont tout pour plaire. Qu’est-ce qui les empêche alors de décoller?

Elément le plus abondant de l’univers, l’hydrogène revêt un potentiel immense en tant que source d’énergie propre et durable. Omniprésent, il compose environ 70% de toute la matière du cosmos. Bien que cette abondance d’hydrogène apparaisse spectaculaire, l’exploitation de son potentiel considérable pour répondre aux besoins énergétiques quotidiens n’est pas toujours simple. Les difficultés résident dans la nécessité de libérer l’énergie de l’hydrogène en la transformant en une forme utilisable, et de l’exploiter de manière efficiente pour diverses applications. Cet article souligne le rôle de deux technologies clés, à savoir les électrolyseurs et les piles à combustible, dans la transformation de l’hydrogène en une source d’énergie renouvelable.

En finir avec l’hydrogène gris

Avant de nous pencher sur les deux technologies qui font partie de la solution, il est important de comprendre un peu mieux le problème. Tous les hydrogènes ne se valent pas, dans la mesure où l’essentiel de l’hydrogène produit aujourd’hui provient de combustibles fossiles. D’après l’Agence internationale pour les énergies renouvelables, fin 2021, près de 47% de la production mondiale d’hydrogène provenait du gaz naturel, 27% du charbon, 22% du pétrole, et seulement 4% environ de l’électrolyse de l’eau (sujet que nous aborderons par la suite). L’hydrogène produit à partir de combustibles fossiles est appelé «hydrogène gris» lorsque le produit résiduel du processus, le dioxyde de carbone (CO2), est libéré dans l’atmosphère.

Lorsque ce CO2 est capté et stocké, démarche significativement moins dommageable pour l’environnement, on parle alors d’«hydrogène bleu». La meilleure forme d’hydrogène demeure toutefois l’«hydrogène vert», lequel est produit par électrolyse de l’eau, c’est-à-dire la circulation d’un courant d’énergie renouvelable dans l’eau afin de séparer l’hydrogène et l’oxygène. Pour produire de l’hydrogène de manière durable, le monde doit en finir avec l’hydrogène gris et développer l’hydrogène vert.

Les électrolyseurs d’hydrogène

Un électrolyseur d’hydrogène est un dispositif qui génère de l’hydrogène gazeux (H2) via un processus appelé électrolyse utilisant un courant électrique pour diviser l’eau (H2O) en ses éléments constitutifs, l’hydrogène et l’oxygène. Lorsque l’électrolyse est alimentée par des sources d’énergie renouvelables, telles que le solaire ou l’éolien, l’hydrogène produit est appelé «hydrogène vert».

Compte tenu de cette relation symbiotique, sa production se situe souvent à proximité de parcs solaires ou éoliens. Dans un récent article, dans lequel nous mettons en avant plusieurs mégaprojets d’énergies renouvelables remarquables à travers le monde, nous évoquons également l’île énergétique du Danemark, où 600 éoliennes géantes seront couplées à une usine d’électrolyse.

D’autres innovations sont également en cours pour permettre aux électrolyseurs d’utiliser l’eau de mer, disponible en abondance à proximité des parcs éoliens offshore. Ceci réduira le besoin en eau douce pour produire de l’hydrogène.

L’hydrogène vert constitue par ailleurs une précieuse solution de stockage d’énergie à long terme, lorsqu’il est placé à proximité de parcs éoliens et solaires. Il complète le stockage à court terme par batteries en transformant l’excédent d’énergie renouvelable en hydrogène, en permettant un stockage énergétique prolongé, ainsi qu’en réduisant l’intermittence des énergies renouvelables, ce qui améliore la fiabilité et la durabilité globales du système énergétique.

Illustration 1: Les expéditions d’électrolyseurs d’hydrogène devraient doubler en 2023, puis à nouveau en 2024

Source: Perspectives du marché des électrolyseurs d’hydrogène au T2 2023, Bloomberg New Energy Finance (BNEF), 28 août 2023. Les régions illustrées sont l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique (EMOA), le continent américain (AMER), et l’Asie-Pacifique (APAC). GW signifie gigawatts. Les prévisions ne constituent pas un indicateur des performances futures, et tout investissement s’accompagne de risques et d’incertitudes.

 

D’après Bloomberg New Energy Finance (BNEF), les expéditions mondiales d’électrolyseurs devraient doubler en 2023, en dépit de retards généralisés dans les projets, puis doubler à nouveau en 2024, même dans le scénario le plus conservateur. Cela s’explique par le fait que l’Europe et les Etats-Unis commencent à rattraper la Chine en termes de capacité de production.

Une fois l’hydrogène produit, son utilisation dans diverses applications nécessite un autre dispositif.

Les piles à combustible à l’hydrogène

Une pile à combustible à l’hydrogène est un dispositif électrochimique qui transforme l’énergie chimique stockée dans l’hydrogène vert en électricité. Cette technologie présente de nombreux avantages dans le domaine de la mobilité. Les piles à l’hydrogène ne génèrent aucune émissions, dans la mesure où leur produit résiduel n’est autre que de la vapeur d’eau. Elles présentent également une efficience énergétique élevée, avec un taux de conversion pouvant atteindre 60%, contre 30 à 40% pour les moteurs à combustion interne. Cela signifie que, là où un moteur à combustion interne transforme 30 à 40% de l’énergie issue du combustible en force motrice (le reste se perdant en chaleur et friction), une pile à combustible peut convertir 60% de l’énergie stockée dans le combustible en force motrice. Une meilleure efficience énergétique signifie également un volume moindre de combustible à stocker dans le réservoir d’une automobile, d’un camion, d’un navire ou d’un avion fonctionnant à l’hydrogène.

Les piles à combustible sont par ailleurs relativement polyvalentes. Elles peuvent être utilisées comme sources d’énergie de secours en tant que moyen fiable et efficace de produire de l’électricité en cas de coupure de courant. En cas de défaillance du réseau, les piles à combustible peuvent rapidement entrer en jeu pour fournir de l’électricité, garantissant ainsi le fonctionnement ininterrompu des applications critiques de type centres de données, hôpitaux et installations de télécommunication. Elles présentent également une durée de vie étendue, et fonctionnent de manière silencieuse.

De toute évidence, ces deux technologies ont tout pour plaire. Qu’est-ce qui les empêche alors de décoller?

Le défi

Coûts élevés et infrastructures limitées constituent actuellement les principaux obstacles à l’adoption de l’hydrogène vert. L’illustration 2 indique le coût actualisé de l’électricité (LCOE pour «levelised cost of electricity») en USD, par mégawattheure (MWh), pour l’hydrogène (avec comparaison des coûts de production de l’électricité à partir de différentes sources sur toute la durée de vie). Alors que l’éolien, le solaire et le stockage par batteries ont connu une remarquable réduction des coûts ces dernières années grâce au développement de ces technologies à grande échelle, cela n’a pas été le cas de l’hydrogène. Avec davantage d’investissements supplémentaires, cela pourrait néanmoins changer.

Illustration 2: Coût annualisé de l’électricité à partir de différentes sources

Source: Bloomberg New Energy Finance, 7 juin 2023. PV signifie photovoltaïque. CCS signifie captage et stockage du carbone. https://www.bnef.com/insights/31489. Les performances historiques ne garantissent pas les performances futures, et tout investissement est susceptible de perdre de la valeur.

 

Bien qu’il reste encore beaucoup à accomplir pour que ces investissements portent leurs fruits, des signaux prometteurs s’observent sur le plan à la fois du soutien politique et de l’innovation industrielle. En juillet 2023, Nikola Corporation a obtenu une subvention de 41,9 millions de dollars de la part de l’État de Californie pour l’installation de six stations de ravitaillement en hydrogène pour poids lourds dans le sud de la Californie. Endossant un rôle de premier plan dans la décarbonation des transports, la Californie entend voir ces stations situées stratégiquement soutenir l’adoption des véhicules zéro émission, réduire les émissions de carbone, améliorer la santé de la communauté, et assurer le ravitaillement d’environ 80 à 100 poids lourds par station chaque jour.

Dans le domaine de l’aviation, les fabricants d’aéronefs Airbus, Embraer et Fokker visent le lancement d’avions commerciaux alimentés à l’hydrogène d’ici à 2035. En juin 2023, au moins 23 opérateurs aériens, principalement des lignes aériennes régionales, et loueurs d’aéronefs, ont conclu un accord pour l’achat d’avions ou de moteurs à piles à combustible.

Dans le secteur automobile, huit fabricants travaillent aujourd’hui activement sur des véhicules à pile à combustible à l’hydrogène. Parmi eux figurent plusieurs géants de l’automobile tels que Toyota, BMW et Jaguar Land Rover. A mesure que les constructions d’infrastructures se multiplieront, d’autres pourraient leur emboîter le pas.

La voie à suivre pour les investisseurs

Les investisseurs qui sont enthousiasmés par les perspectives de croissance de l’hydrogène et qui considèrent le moment présent comme un point d’accélération pour la technologie, peuvent juger utile de voir dans l’hydrogène un ingrédient du mix des énergies renouvelables. Les avancées en matière d’électrolyseurs d’hydrogène et de piles à combustible rendent possible le rêve de l’hydrogène en tant que source d’énergie renouvelable.

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