Des retraites plus généreuses au Mexique qu’en Suisse?

Emmanuel Garessus

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Le Mexique, leader mondial du «reshoring», attire les investisseurs. A la veille des élections, le président propose un net relèvement des retraites.

Si les Suisses s’apprêtent à voter sur une 13e rente AVS, les Mexicains se préparent, eux, à une élection présidentielle, qui se tiendra le 2 juin prochain. C’est dans ce cadre que l’actuel président du Mexique, Lopez Obrador, propose une rente égale au dernier salaire. Comme l’indique l’agence AP, aucun autre pays, même parmi les pays industrialisés, n’a mis en oeuvre un système plus généreux. Et, comme l’indique l’économiste Dan Mitchell sur son blog, la promesse électorale de Lopez Obrador n’engage que lui mais elle est censée renforcer son camp, celui du parti Morena, qui présente la candidature de Claudia Scheinbaum. Quelle est exactement la situation économique de ce pays? 

Si les électeurs ont à choisir entre la candidate de la continuité, Claudia Schinbaum, et une représentante du centre-droit, Xochitl Galvez, les investisseurs semblent convaincus par les perspectives économiques à moyen terme. En 2023, le peso mexicain a réalisé sa meilleure performance depuis plusieurs décennies, note Reuters. L’indice IPC des actions mexicaines s’est apprécié de 18% en monnaies locales l’an dernier grâce à des titres tels que Cemex ou le conglomérat Grupo Carso.

La rémunération des salariés de l’industrie mexicaine représente 84% de celle de la Chine.

Bénéficiaire des tensions entre les Etats-Unis et la Chine

Le Mexique n’attire pas seulement les investisseurs financiers mais aussi les industriels. Il semble même être le plus grand gagnant du phénomène de «reshoring» et des tensions entre les Etats-Unis et la Chine. Tesla, Mattel et Unilever ont par exemple déclaré vouloir accroître leurs investissements au Mexique. Selon le consultant S&P Global Market Intelligence, le Mexique s’est établi en tant que centre de chaînes d'approvisionnement intégrées, en particulier pour l'assemblage pour le marché nord-américain. Aujourd’hui près de 75% des télévisions américaines sont importées du Mexique. En pourcentage des importations américaines, le Mexique est dorénavant passé devant la Chine, note une étude de Putnam.

La création de l’Alena en 1994 entre les Etats-Unis, le Canada et le Mexique a établi de premiers jalons de cette expansion et sa réforme en CUSMA en 2020 a accéléré le changement. Les Etats-Unis et le Canada représentent 79% des échanges avec le Mexique. La principale industrie exportatrice est le secteur automobile (29,1% des exportations en 2022), devant les ordinateurs (8,4%) et les autres produits électriques et électroniques grand public (9,5%). Selon S&P Global, non seulement le Mexique a évité les droits de douane américains, mais il a su s’adapter aux goûts des consommateurs américains, par exemple dans les boissons.

Au niveau global, la concurrence salariale est rude entre les sites de production. Le Mexique est toutefois bien placé: La rémunération des salariés de l’industrie mexicaine représente 84% de celle de la Chine, mais les salaires vietnamiens, un autre gagnant du reshoring, représentent 59% du niveau mexicain.

En 2023, le peso mexicain a réalisé sa meilleure performance depuis plusieurs décennies.

Les perspectives mexicaines restent positives: Xavier Hovasse, gérant auprès de Carmignac, prévoit qu’au cours des cinq prochaines années, «le Mexique pourrait voir ses exportations vers les Etats-Unis augmenter de 155 milliards de dollars, soit plus de 10% du PIB du pays». L’attrait du pays est renforcé par les investissements en infrastructures, lesquels facilitent les échanges et la mobilité. A fin septembre 2023, les investissements publics se sont accrus de 21% sur base annuelle et les investissements privés de 19,7%.

Risques pour les dépenses publiques

Sur le plan politique, selon Xavier Hovasse, le parti Morena de Lopez Obrador a «fait preuve d’un pragmatisme économique». Cette opinion n’est toutefois pas partagée par Dan Mitchell qui signale une augmentation des dépenses publiques plus rapide que le PIB depuis l’élection de Lopez Obrador en 2018. Celles-ci sont effectivement passées de 25 à 28% du PIB, selon le FMI. 

Les nouvelles promesses d’Obrador en matière de retraite, que Mitchell qualifie de populiste, devraient renforcer cette tendance. Selon l’agence AP, pour couvrir l'ensemble de la population avec une rente proche du dernier salaire, il faudrait multiplier le fonds de pension «Afore» par 2,5 pour atteindre le salaire médian, puis le doubler à nouveau pour couvrir les travailleurs informels». Le président Obrador semble d’ailleurs réviser à la baisse ses promesses initiales. Selon Reuters, qui se base sur un document envoyé au Congrès, le niveau des rentes sera plafonné à l’équivalent de 984 dollars américains. De plus, la proposition ne serait accessible qu'aux personnes qui ont commencé à cotiser à l'IMSS, l'institut mexicain de sécurité sociale, après le 1er juillet 1997, ainsi qu'à celles qui détiennent un compte auprès de l'ISSSTE, l'organisme de sécurité sociale des travailleurs de l’État. Il n’en reste pas moins que le système de retraite sera plus coûteux. Le consultant politique Eurasia Group estime la mesure à 1,3% du PIB et le taux grimperait à 2% du PIB en 2035.

Il n’en reste pas moins que le sentiment reste très positif à l’égard du Mexique, selon le média El Pais, après trois années durant lesquelles la croissance économique a dépassé les attentes, le PIB devrait augmenter de 2,5 à 3% en 2024.

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