Le yen, une ex-valeur refuge dans l’oeil des spéculateurs

AWP

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La monnaie nippone est secouée depuis l’an dernier par l’augmentation des incertitudes autour de la politique de la Banque du Japon et celle de la Réserve fédérale américaine.

Tiraillé par les écarts de taux grandissants entre les banques centrales américaine et nippone et le flou persistant sur l’évolution de leurs politiques monétaires, le yen fait l’objet ces derniers mois de mouvements spéculatifs. Et ces derniers amplifient la volatilité de la devise japonaise.

La monnaie nippone, qui a eu longtemps un rôle de valeur refuge, est secouée depuis l’an dernier par l’augmentation des incertitudes autour de la politique de la Banque du Japon (BoJ) et celle de la Réserve fédérale américaine (Fed). Même si la Fed semble désormais signaler qu’elle arrive au bout de son intense cycle de resserrement monétaire, beaucoup d’investisseurs pensent que la situation de taux américains élevés face à des taux japonais négatifs «va se poursuivre», relève Masamichi Adachi, économiste d’UBS au Japon, interrogé par l’AFP.

A l’inverse de la Fed et de nombreuses autres banques centrales qui ont vivement relevé leurs taux directeurs face à l’inflation depuis l’an dernier, la BoJ persiste et signe dans sa détermination à conserver une politique monétaire dite ultra-accommodante, afin de soutenir l’économie nippone qui reste fragile. Et ce même si le Japon est lui aussi confronté à une inflation élevée, supérieure depuis plus d’un an et demi à l’objectif de 2% de la BoJ, alors qu’elle était pendant des années totalement inexistante.

Des espoirs régulièrement douchés

«L’élargissement des écarts de taux d’intérêt entre les deux banques centrales a été une recette pour la volatilité, qui a frappé le yen japonais», résume pour l’AFP Lukman Otunuga, analyste chez FXTM. Vu les taux d’emprunt japonais très bas, la devise nippone est de longue date l’objet d’un «carry trade», qui consiste à emprunter une devise bon marché pour investir dans une devise aux rendements plus rémunérateurs, comme le dollar. Ce qui contribue à plomber le yen.

Depuis l’an dernier des investisseurs, surtout à l’étranger, tablent régulièrement sur un changement de cap de la BoJ, avant d’être généralement déçus. Cette alternance d’espoirs et de douches froides fait également osciller le yen et le tire vers le bas. Actuellement les marchés s’attendent à ce que la BoJ renonce à son taux de court terme négatif courant 2024, mais les faibles indicateurs macroéconomiques japonais «ne justifient pas» un tel scénario, affirme à l’AFP Mahjabeen Zaman de ANZ Research.

L’inflation au Japon devrait décélérer dans les mois à venir, selon de nombreux économistes. La poussée des prix à la consommation dans l’archipel a été essentiellement la conséquence de la flambée des cours énergétiques l’an dernier après l’invasion russe de l’Ukraine.

Difficultés d’anticipation

Pendant des années, la devise nippone s’échangeait dans une fourchette étroite, aux alentours de 110 yens pour un dollar. Mais en octobre 2022, la monnaie japonaise est tombée à 151,95 yens pour un dollar, du jamais vu depuis 1990. Puis cette année le yen a de nouveau frôlé mi-novembre son plus bas d’il y a un an face au billet vert.

Dernièrement cependant, la devise nippone bénéficie de la faiblesse du dollar --plombé par les anticipations d’une baisse des taux de la Fed face à des signes de ralentissement de l’économie américaine. En parallèle, le puissant fonds d’investissement spécialisé dans l’obligataire Pimco s’est mis à «acheter activement du yen, anticipant un changement de politique de la Banque du Japon (BoJ) vers un resserrement», relève Stephen Innes, analyste chez SPI AM, questionné par l’AFP.

Ces vents ascendants écartent, du moins provisoirement, l’éventualité d’une nouvelle intervention du Japon sur le marché des changes pour soutenir sa monnaie comme à l’automne 2022. Le gouvernement nippon répète souvent que le problème n’est pas tant la faiblesse du yen que sa «volatilité excessive».

Un yen bas est en effet un facteur positif pour les entreprises japonaises très orientées à l’export, et par conséquent pour la Bourse de Tokyo. Mais une forte volatilité «rend difficile» pour les sociétés nippones d’anticiper leurs investissements et leurs résultats à l’étranger, souligne M. Adachi d’UBS.

Cela renchérit aussi les grosses importations japonaises de matières premières, généralement tarifées en dollars américains, ajoute Alvin Tan de RBC. La volatilité accrue des changes «est également une source d’inquiétude pour les investisseurs, nationaux ou étrangers, qui pourraient avoir besoin de convertir les revenus de leurs investissements» en yen ou dans d’autres devises, souligne-t-il.

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