La hausse des prix de l’immobilier va s’accélérer

Emmanuel Garessus

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Les gains iraient de 4,8% par an en Suisse d’ici 10 ans à 9% dans le monde selon un sondage. Entretien de Martin Mosler de l’IWP.

La hausse des taux d’intérêt a pesé sur l’évolution de l’immobilier dans le monde et en Suisse, mais les perspectives du secteur sont très favorables. La hausse des prix devrait même s’accélérer ces 10 prochaines années, selon 1405 experts de 133 pays qui ont répondu à une enquête internationale (Economic Experts Survey) de l’Institut IWP, de l’Université de Lucerne, et de l’institut info de l’Université de Munich.

L’augmentation annuelle s’élèverait à 9% dans le monde d’ici 10 ans, 6,4% en Europe occidentale et à 4,8% en Suisse. Les gains annuels les plus forts proviendront de l’Europe du Sud (18,4%), de l’Asie du Sud (+25,1%), de l’Afrique de l’Est (52,6%). L’estimation porte sur tous les segments immobiliers (commercial, logement ou autres).

«En Suisse, la hausse sera alimentée par l’offre.»

Malgré le télétravail et l’inflation, la hausse des prix de l’immobilier a donc un bel avenir selon le sondage de l’EES. Martin Mosler, responsable de la politique fiscale à l’IWP et auteur du rapport sur ce sondage, effectué entre le 14 juin et le 2 juillet 2023, répond aux questions d’Allnews:

Pourquoi la hausse future des prix immobiliers en Suisse (4,8%) sera à peine inférieure à celle de l’Asie du Sud-Est (7,5%), où le PIB augmente nettement plus rapidement?

En préambule, je dirai que ces données reposent sur les estimations d’experts sur les 10 prochaines années et n’expriment pas les attentes d’IWP.

Nous avons aussi porté notre regard sur les raisons des développements anticipés. Ces dernières sont très différentes d’une région à l’autre. En Suisse, la hausse sera alimentée par l’offre immobilière, en l’occurrence par l’étroitesse des surfaces, par les réglementations très strictes qui freinent les nouvelles constructions et par la cherté des coûts des matériaux de construction.

Dans les autres régions, ce sont les facteurs de demande qui déterminent la tendance des prix. En Asie du Sud-Est par exemple, les gains sont modérés, mais ceux-ci sont plus élevés dans d’autres régions, comme l’Afrique, en réponse de leur croissance démographique.

Les taux d’intérêt augmentent rapidement dans la plupart des pays. Or le changement de politique monétaire influencera longtemps l’immobilier. N’est-ce pas contradictoire avec l’attente de fortes hausses de prix?

Les experts sont d’avis que l’inflation est un phénomène transitoire et que les taux d’intérêt diminueront progressivement. L’inflation, certes en baisse, ne devrait toutefois pas disparaître. La hausse des taux nominaux a été rapide, mais les experts y voient un effet à court terme. Les taux d’intérêt ne devraient pas continuer de monter et la demande d’immobilier augmentera significativement.

«Les experts sont d’avis que l’inflation est un phénomène transitoire et que les taux d’intérêt diminueront progressivement.»

Nous avons certes observé un ralentissement de la demande à la suite de la hausse des taux. Mais les experts estiment que e phénomène ne durera pas encore 10 ans.

Est-ce que la hausse attendue des prix immobiliers sera nominale ou réelle?

La hausse sera nominale. Il existe une forte corrélation entre les attentes de prix de l’immobilier et les anticipations d’inflation. Nous avons donc interrogé les experts sur leurs anticipations d’inflation. Et nous observons que la hausse des prix immobiliers devrait être plus rapide que celle de l’inflation.

Est-ce que vous observez une forte convergence de vues entre les 1405 experts ou plutôt une forte dispersion des attentes?

Les écarts diffèrent d’une région à l’autre. Ils sont élevés en ce qui concerne par exemple l’Afrique et plus faibles en Europe et aux Etats-Unis. Mais nous ne présentons pas les attentes en fonction des pays. Les écarts sont très raisonnables entre les différents pays d’une même région.

A l’heure où le marché chinois est au centre des discussions, qu’en est-il des risques?

Nous n’avons pas explicitement posé la question des risques mais seulement celle des prix futurs et de leurs raisons. Les experts prévoient assez souvent une correction significative du marché, mais je ne peux pas indiquer pour quels pays. Ce n’était toutefois pas un avis majoritaire. En Chine par exemple, le cas d’Evergrande n’était pas encore connu des experts au moment de l’enquête.

Dans l’étude, vous pointez du doigt le risque de crise immobilière chinoise pour la Suisse à travers ses banques. Qu’en est-il exactement?

Nous avons posé la question aux experts et analysé les bilans d’UBS et Julius Baer. Il n’est pas possible de déterminer des montants, mais on sait que les deux établissements sont très présents dans ce pays à travers leurs activités de gestion de fortune. Ce sont des marchés de croissance. Si le marché chinois devait chuter, l’impact se ferait sentir sur les bénéfices de ces groupes.

Le niveau des exportations et des investissements suisses en Chine est important. Il ne serait pas annulé en cas de crise immobilière, mais un tel événement réduirait la demande des ménages chinois.

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