CAT Financial Products veut s’implanter à Paris

Emmanuel Garessus

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Les fonds gérés par les certificats actifs de la société devraient atteindre 1,5 à 2 milliards d’ici 2 à 3 ans, selon le co-CEO David Schmid.

David Schmid, co-CEO et actionnaire de CAT Financial Products, à Zurich, est une personnalité de l’industrie des produits structurés. Après 13 années chez Leonteq, il est à la tête d’un groupe spécialisé dans les solutions d’investissement, comprenant 50 collaborateurs. Il est responsable de la stratégie, du négoce et de la structuration des produits.

La société a été fondée en 2012 au cours d’un MBO. La majorité du capital est actuellement détenue par David Schmid et l’autre co-CEO Guliano Glocker. S’y ajoutent deux investisseurs, Michael Hartweg, le président du conseil d’administration (plus de 10%), un autre ancien de Leonteq, et un family office. Présente dans 4 villes suisses, CAT Financial Products se veut indépendante et neutre afin d’offrir ce qu’elle estime être «les meilleures solutions du marché» en travaillant avec les différents émetteurs de l’industrie.

Avec l’autorisation de maison de titres décernée par la Finma, elle est régulée par la Finma, ce qui ouvre de nouveaux horizons, par exemple l’émission de ses propres structurés, la possibilité d’offrir un marché secondaire si le client le désire, d’être «paying agent», de coter des structurés en bourse et de tenir leur marché.

David Schmid est un homme d’une grande discipline qui parvient, à côté de ses journées de CEO de se préparer pour les championnats du monde de triathlon en Finlande qui se tiennent ce mois-ci. Il nous reçoit Allnews dans ses bureaux au coeur de Zurich pour y présenter ses idées d’investissements et les prochaines étapes du développement de son entreprise:

Est-ce que CAT Financial Products est bénéficiaire?

Depuis l’obtention de la licence Finma, en deux ans nous sommes passés de 20 à 50 employés. Nous devions augmenter nos ressources dans de nombreux domaines, de l'équipe de trading au settlement en passant par la plateforme informatique. Nous ne donnons toutefois pas d’information sur nos comptes financiers. Mais je peux vous assurer que nous couvrons nos coûts lors des bons mois, lorsque l’activité est soutenue.

«La demande est forte pour trois domaines. Le premier est celui des certificats gérés activement.»
Est-ce que l’objectif est une introduction en bourse?

Non. Le but est de rendre la société durablement rentable. La croissance doit être profitable. Nous entendons être agiles et innovants et n’hésitons pas à profiter de solutions qui existent sur le marché pour maîtriser nos coûts et profiter d’effets d’échelle.

Qu’en est-il de votre développement en 2023 en termes d’émission?

Sur base annualisée, notre chiffre d’affaires dépasse les 2 milliards de francs cette année, après avoir été un peu en-dessous l’an dernier. Les actifs sous gestion (y compris les certificats gérés activement) atteignent déjà 600 millions de francs. Nous pensons que les actifs gérés à travers les certificats passeront à 1,5 à 2 milliards de francs d’ici 2 à 3 ans.

Quelles sont les prochaines étapes de votre développement?

Nous avons ouvert, il y a deux ans, un bureau à Genève, avec trois professionnels. Nous allons ces prochains mois inaugurer un bureau au Tessin, avec deux personnes. Nous entendons répondre à la diversité culturelle du pays et de ses investisseurs. La proximité du client est très importante.

Allez-vous bientôt poursuivre votre expansion à l’étranger?

La prochaine étape majeure sera l’ouverture d’un bureau en Europe, à Paris. Nous aurons accès à l’espace MiFiD pour y offrir nos produits structurés. Nous avons trouvé à Paris les spécialistes de structurés que nous cherchions pour desservir un marché dont la demande est élevée. A plus long terme, nous pensons aussi poursuivre notre expansion en Asie.

Quel est l’impact de la chute de Credit Suisse sur votre activité?

La fin de Credit Suisse conduit d’anciens gérants de la banque à se mettre à leur compte ou à s’associer à d’autres gérants de fortune. Ce phénomène se traduit par l’apparition de nouveaux clients pour notre société. Il en résulte aussi une hausse de la demande pour des solutions sur-mesure. Plusieurs investisseurs veulent diversifier leurs contacts financiers plutôt que se limiter à une grande banque et font appel à CAT Financial Products pour obtenir un deuxième avis.

Est-ce que l’attention au risque de contre-partie a changé avec la chute de Credit Suisse?

Elle s’est clairement accrue, ce que je considère positif. Le marché avait un peu oublié l’expérience de 2008.

Comme nous n’avons pas de rating, nous offrons des solutions hors-bilan pour réduire le risque de contre-partie. Et quand nous émettons un produit à notre nom, nous le faisons avec le système de garantie de la bourse.

Qu’en est-il de vos efforts de diversification dans la DeFi et les SPV?

Avec ces produits, nous nous distinguons des banques traditionnelles. Nous avons accès à toutes les classes d’actifs, y compris aux cryptos et aux marchés privés. Chez nous, l’investisseur peut combiner les mondes traditionnel et crypto. Nous avons émis un premier produit DeFi, qui investit dans des stablecoins, avec une garantie à 100%. L’investisseur obtient un rendement sur son certificat qui dépasse le taux sans risque, par exemple à travers un produit d’optimisation du rendement.

Les actions et les obligations sont en phase de correction. Que conseillez-vous en ce moment aux investisseurs?

L’incertitude est très forte parmi les investisseurs. Pendant de longues années, il suffisait de rester investis dans les actions technologiques pour obtenir de bons rendements. Nous sommes confrontés à des défis considérables en termes de gestion stratégique et tactique des actifs depuis la pandémie, la guerre en Ukraine, la rupture des chaînes d’approvisionnement et la montée de l’inflation. Il en résulte une hausse des taux d’intérêt qui impacte les valorisations et les coûts de refinancement des entreprises. Insécurisés par ce nouvel environnement, les clients ont besoin de nouveaux conseils. Faut-il protéger les portefeuilles? Quels secteurs et quelles classes d’actifs faut-il privilégier? Quelle diversification? La diversité des choix et des opportunités est plus grande que jamais, ainsi que la demande de conseils sur la façon d’investir.

Concrètement, que proposez-vous maintenant?

La réponse aux demandes de clients prend souvent la forme d’un produit, mais pas nécessairement. L’idée d’investissement, fonction des besoins du clients, est au coeur du processus et elle s’appuie sur la stratégie du CIO du groupe. Le client ne reçoit pas nécessairement un reverse convertible sur trois blue chips, mais plutôt une solution sur-mesure.

«Nous avons deux types de solutions. L’une est construite sur notre propre bilan, une autre est hors bilan. Les deux sont fondée sur un programme d’émission suisse.»

Aujourd’hui, la demande est forte pour trois domaines. Le premier est celui des certificats gérés activement, que nous pouvons dorénavant émettre nous-mêmes depuis que nous avons la licence de maison de titres de la part de la Finma. Les investisseurs prennent leurs distances d’ETF statiques et préfèrent des produits avec une gestion dynamique basée non pas sur un indice de référence mais sur les opportunités présentes. Les portefeuilles équilibrés ont très mal fonctionné l’an dernier si bien que les investisseurs entendent profiter d’un rendement obligataire devenu plus attractif.

En quoi votre solution se distingue-t-elle de celle d’autres grands acteurs des produits structurés?

Nous avons deux types de solutions. L’une est construite sur notre propre bilan, une autre est hors bilan. Les deux sont fondée sur un programme d’émission suisse. En combinaison avec un véhicule d’émission étranger qui se traduit par l’absence de risque de contre-partie traditionnel. Si l’investisseur détient par exemple un portefeuille équilibré dans un certificat géré activement à partir d’un pool bancaire traditionnel, il doit y ajouter un risque de contre-partie lié à l’émetteur du produit. Chez nous, du fait qu’il s’agit d’un produit hors-bilan, le risque est ségrégué. Cela signifie que le véhicule émis à Guernesey ne possède que les actifs du certificat géré activement.

Quelles sont les deux autres axes de la demande?

Le deuxième domaine est celui de l’énergie, à travers l’indice BCOM Energy, centré sur le pétrole et le gaz naturel, un secteur en nette hausse ces derniers mois. Avec un structuré, et une barrière européenne à 65%, sur trois actions énergétiques, le rendement en dollars peut atteindre 14 à 15%.

La demande actuelle se caractérise aussi par des investisseurs à la recherche d’une protection des portefeuilles après une hausse significative des actions depuis le début de l’année (l’indice S&P 500 a gagné 14%). Or nous avons observé que la volatilité implicite sur l’indice S&P était historiquement très basse.

Avec l’achat d’une option put, l’investisseur achète de la volatilité. Si celle-ci est basse, la prime de l’option nécessaire à la protection est actuellement très bon marché. Si l’on ajoute que la corrélation entre les titres du S&P n’a jamais été aussi faible depuis le début des statistiques, en 2006, cela signifie que la protection du portefeuille par l’intermédiaire d’un indice est très bon marché relativement à une couverture sur chacun des titres. Les primes sont donc bon marché.

Enfin, la demande de rotation sectorielle est significative et devrait profiter aux valeurs de la santé et notamment aux titres à dividende élevé.

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