Coup de projecteur sur J. Safra Sarasin

Nicolette de Joncaire

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«Notre solidité financière, telle que reflétée par notre ratio Tier 1 de 38,7%, nous permettra de traverser de nombreuses périodes difficiles». Entretien avec Jürg Haller.

La tendance favorable dégagée en 2020 se perpétue en 2021. Le Groupe J. Safra Sarasin accroît son bénéfice net de 5,7% (423,2 millions de francs), ses actifs sous gestion de 16,8% (224,7 milliards) et ses fonds propres marquent une augmentation à 5,7 milliards. Ses résultats dépassent ceux de la plupart de ses pairs et la solidité de son bilan est tout à fait remarquable avec un ratio CET1 de 38,7% (22,7% chez Pictet, 28,5% chez Lombard Odier et 16,6% chez Vontobel). Le Groupe Safra Sarasin présente en outre un ratio cost/income tout à fait inhabituel, passé l’an dernier de 56% à 54% grâce à une augmentation plus rapide de ses revenus que de ses dépenses. Dans quelle mesure la stratégie de durabilité de la banque – signataire des Principes de l’Investissement responsable de l’ONU (PRI) en 2006 - est-elle à l’origine de son succès? Quelques questions à Jürg Haller, président du conseil d’administration.

«Notre approche prudente du risque et notre vision à long terme ont attiré un afflux d’argent frais, tant de nouveaux clients que de clients existants.»
Quels sont les éléments qui ont, selon vous, le plus marqué l’année 2021 au sein de J. Safra Sarasin?

J’estime sincèrement que c’est l’habileté avec laquelle nous avons su nous adapter au nouveau régime en temps de mesures COVID. Certes, les conditions sur les marchés financiers nous ont été favorables, comme à tous, mais notre performance a confortablement dépassé celles de nos pairs car nous avons su utiliser les bons talents, les instruments justes et les processus les mieux adaptés pour veiller sur les portefeuilles de nos clients. Notre approche prudente du risque et notre vision à long terme ont attiré un afflux d’argent frais, tant de nouveaux clients que de clients existants. Avoir fait de l’investissement durable notre priorité depuis plus de 30 ans renforce considérablement la crédibilité de nos propositions, étayées par la diversité et la qualité de nos fonds, récompensés par de nombreux prix. Notre dynamisme est clairement reflété dans le renforcement de nos effectifs qui comptent 160 collaborateurs de plus que l’année précédente, une partie d’entre eux venant des activités de private banking de la Banque de Montréal à Singapour et à Hongkong que nous avons acquises l’an dernier.

Ces apports supplémentaires proviennent-ils d’une région ou d’une typologie de clientèle particulière?

La croissance des actifs est parfaitement distribuée et n’émane pas d’une région particulière. Par ailleurs, elle est perceptible tant au sein de la clientèle privée, composée de familles qui nous sont fidèles depuis trois ou quatre générations, que de la clientèle institutionnelle. Reste que nous avons investi dans notre réseau de distribution auprès de la clientèle institutionnelle – en Allemagne, en Autriche, en Grande-Bretagne, en Espagne, en Israël et dans les Emirats notamment – et que cet engagement a donné d’excellents résultats. Et il est peut-être utile de rappeler que le propriétaire de la banque est habitué à naviguer avec succès sur des marchés très différents les uns des autres.  

«La COVID est devenue endémique et la Chine reste le moteur économique de la planète.»
De quelle nature sont les synergies entre le Groupe J. Safra Sarasin et les autres banques du Groupe J. Safra?

Les trois banques sont gérées de manière totalement indépendante mais il existe pour toutes un alignement des intérêts des clients avec ceux de la famille Safra qui leur confère des principes communs et des valeurs partagées. La durabilité des investissements, par exemple est une exigence appliquée dans chacune d’entre elles.

Dans quelle mesure l’orientation vers l’investissement durable de la banque est-elle à l’origine de son succès?

Deux «accidents» sont à l’origine de cet engagement ancien né d’une demande de nos clients. Le premier est la catastrophe nucléaire de Tchernobyl, le second est l’incendie des établissements Sandoz à Bâle et la pollution du Rhin qui en fut la conséquence. Les deux évènements se sont produits la même année, 1986. Le groupe a depuis systématiquement opté pour un investissement réfléchi. Pour ne citer que deux exemples, il a obtenu la plus haute distinction dans le rapport d’évaluation des Principes pour l’investissement responsable des Nations Unies en 2020 et notre division d’asset management vise des investissements neutre-carbone à l’horizon 2035. La banque présente aujourd’hui un historique exceptionnellement long dans ce domaine qui lui confère une vraie crédibilité, notamment auprès des investisseurs institutionnels.

Après deux ans de pandémie, nous sommes aujourd’hui confrontés à une guerre en Ukraine qui menace l’équilibre mondial. Comment l’affronter sur le plan des investissements?

2022 sera une année difficile dont trois facteurs détermineront le cours. En premier lieu, quelle que soit la stratégie vaccinale, la Covid est devenue endémique et la Chine reste le moteur économique de la planète. En second lieu, le retour de l’inflation signifiera la fin du «soutien illimité» des banques centrales aux politiques économiques. Enfin, les tensions politiques impactant certaines régions vont accroitre les prix de l’énergie et donc renforcer l’inflation ainsi que la volatilité sur les marchés financiers. Il conviendra donc de sélectionner les titres des sociétés les plus à même de résister c’est-à-dire celles qui sont le plus capables de transférer leurs coûts aux consommateurs. Sur certains marchés, on peut aussi imaginer l’utilité des obligations liées à l’inflation. En ce qui nous concerne, nous sommes à l'aise avec l'avenir de notre banque. Notre capacité à générer des revenus récurrents solides et l'efficacité avec laquelle nous servons notre clientèle devraient continuer à donner de bons résultats. Notre solidité et notre stabilité financières, telles qu'exprimées par notre ratio Tier 1 de 38,7%, nous permettront de traverser de nombreuses périodes difficiles.

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