«Nous sommes loin d’assister à la fin des banques»

Emmanuel Garessus

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La crise de mars dernier est oubliée. Les résultats des grandes banques US dépassent les attentes, selon John Plassard chez Mirabaud & Cie.

Les banques américaines semblaient souffrir de la forte et brusque hausse des taux d’intérêt. La chute de plusieurs banques régionales américaines en mars dernier souligne l’ampleur de cet effet. La crise deviendra-t-elle devenir systémique? Les résultats trimestriels qu’elles publient ces derniers jours démentent les Cassandre, à l’exception de Goldman Sachs.

Les bénéfices trimestriels des banques dépassent les attentes des analystes financiers. La plus grande d’entre elle, JP Morgan Chase, a accru son bénéfice net de 18% à 8,3 milliards de dollars. Au cours des six premiers mois, elle a déjà engrangé 17 milliards de dollars de bénéfice. L’établissement pourrait enregistrer une année record sur l’ensemble de l’année. Par ailleurs, Wells Fargo a également dépassé les attentes avec un résultat de 4,938 milliards de dollars (+57%).

Bank of America a, quant à elle, enregistré une hausse surprise sur ses activités principales. Et si Morgan Stanley a souffert du ralentissement du négoce, ses dirigeants présentent des perspectives encourageantes, selon John Plassard, spécialiste en investissements et directeur chez Mirabaud & Cie. Les seules notes négatives sont venues de Citigroup, dont le titre a baissé de 4% à l’annonce d’un recul de 1% du chiffre d’affaires, et de Goldman Sachs, qui publiait mercredi un bénéfice net inférieur aux attentes (1,22 milliard de dollars, en recul de 58%) en raison des prêts à la consommation et des revenus de la banque d'investissement. Cela n'empêche pas le titre de ce dernier de monter à l'ouverture mercredi.

«Les provisions pour défauts liées à l’immobilier commercial et aux banques régionales sont inférieures aux attentes.»

Depuis le début de l’année, l’action JP Morgan a gagné 13,7%, Wells Fargo 9,1%, Morgan Stanley 8,1%, Citigroup 4%, alors que Bank of America est en recul de 7,3%.

Dans son commentaire des marchés, John Plassard note que l’un des soucis des banques porte dorénavant sur la réglementation. Jamie Dimon, CEO de JP Morgan, a mis en garde contre la disponibilité de crédit qui résultera de la mise en oeuvre de Bâle 4, introduite au premier janvier dernier. John Plassard répond aux questions d’Allnews:

Quels enseignements pouvez-vous tirer des résultats des banques américaines au deuxième trimestre?

Les résultats des banques américaines se signalent par leur vigueur en réponse à la hausse des taux d’intérêt. Les provisions pour défauts liées à l’immobilier commercial et aux banques régionales sont inférieures aux attentes. La conjoncture est favorable. Brian Moynihan, CEO de la Bank of America, déclarait mardi que face à la bonne situation du consommateur américain, qui se traduit par exemple par une utilisation fréquente de sa carte de crédit, un atterrissage en douceur est de plus en plus probable. Une éventuelle récession ne durerait au pire que deux trimestres.

La crise bancaire de mars dernier était liée à la brusque hausse des taux d’intérêt. Est-ce que d’éventuels signes de mauvaise gestion des risques de taux se reproduisent?

Non. Certaines banques portent un regard critique à l’égard des réglementations, en l’occurrence de Bâle 4, et en particulier en matière de fonds propres accrus pour couvrir les crédits. En mars, certains médias évoquaient une crise systémique. Ces peurs étaient dénuées de tout fondement. Nous sommes loin d’assister à la fin des banques.

Au sein de la traditionnelle table-ronde du magazine Barron’s, trois stars de l’investissement recommandent l’achat des valeurs bancaires. Les banques sont-elles passées d’investissements à éviter à un statut de placements attractifs?

Nous ne cessons de répéter qu’au sein des valeurs bancaires l’investisseur devrait privilégier les grandes banques, celles qui bénéficient d’une bonne réputation. Le premier enseignement de la crise récente consiste à observer que les grandes banques deviennent plus grandes. Elles bénéficient de taux d’intérêt élevés et de la bonne situation du marché de l’emploi et donc de la consommation. Les dernières statistiques de l’inflation américaine ont révélé que, pour la première fois depuis 27 mois, la hausse des salaires était supérieur à l’inflation. Il en résulte un gain de pouvoir d’achat pour les ménages.

«La résilience des banques américaines est telle que nous les préférons aux banques européennes.»
Les grandes banques ne cessent de progresser, mais que dites-vous du cas de Credit Suisse?

UBS a profité de la crise pour accroître sa taille. La dégradation de la réputation et des affaires de Credit Suisse n’était pas récente. La chute du titre avait progressivement miner la confiance des épargnants et des investisseurs. La réputation n’est pas fonction du niveau de fonds propres.

Toutes les grandes banques ne sont d’ailleurs pas égales entre elles. La valeur boursière de JP Morgan s’élève à 450 milliards de dollars, celle de Bank of America 245 milliards de dollars. Elles sont nettement plus grandes que les européennes, comme BNP Paribas (72 milliards d’euros) ou UBS (63 milliards de francs).

Quelles tendances observez-vous au sein de la banque d’investissement?

Une petite décélération de la banque d’investissement peut être observée à la présentation des derniers résultats. Elle résulte de l’évolution plus modérée de la croissance économique. La trop grande volatilité des marchés a limité les achats et ventes d’actions, malgré la tendance haussière, tandis que les transactions obligataires augmentaient.

Préférez-vous les banques européennes ou américaines?

La résilience des banques américaines est telle que nous les préférons aux banques européennes. La qualité des résultats trimestriels est assez exceptionnelle. Il faudra attendre la publication des comptes trimestriels des établissements européens. De bonnes surprises sont possibles. Mais les banques américaines ont l’avantage. Malgré une crise dont l’origine était américaine, nous avons l’impression que le pire est maintenant derrière nous.

Est-ce que cette résilience supérieure aux Etats-Unis est liée à des autorités de surveillance plus sévères?

Toutes les banques, suisses et américaines, sont soumises à Bâle 4. Des pare-feux ont été installés. La question, par exemple sur Credit Suisse, porte moins sur la surveillance que sur la confiance.

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