Trois scénarios en vue d’un scénario de pivot de la Fed

Marie Thibout, Mirabaud Asset Management

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Atterrissage en douceur, récession sévère ou modérée: quels sont les différents scénarios de pivot de la banque centrale américaine?

Traditionnellement les crises bancaires font peur car elles se transmettent directement à l’économie réelle, et nous rappellent que la confiance est un des principes fondateurs de la relation entre banques et clients, mais également entre les banques elles-mêmes et les acteurs du système financier. Plus généralement, nos systèmes de paiement, quel que soit leur degré de sophistication en sont dépendants. Et quand il n’y a plus de confiance, un cercle vicieux s’installe.

Un mois après la faillite de la banque régionale américaine SVB, la question de ses effets sur la croissance Outre-Atlantique reste centrale. Si un ralentissement de l’activité est généralement attendu, peu sont d’accord sur l’ampleur à attendre. La dispersion des prévisions est grande: assisterons-nous à un atterrissage en douceur de l’économie américaine (c’est-à-dire à une stabilisation du niveau d’activité), à une récession contenue ou à une grande crise économique? Quel que soit le scénario, un pivot de la Fed, c’est-à-dire un passage d’une politique monétaire restrictive à une politique monétaire de soutien à l’économie, devrait voir le jour en fin d’année ou l’année prochaine. Toutefois, son impact sur les marchés financiers sera bien différent en fonction du degré de ralentissement de l’économie.

Quelle est la situation des banques américaines un mois après la faillite de banques régionales?

Au cœur de l’épisode de stress bancaire, pendant la semaine entre le 16 et 22 mars, les banques commerciales aux Etats-Unis ont emprunté auprès de la banque centrale américaine (Fed) des montants sans commune mesure avec les semaines précédentes pour faire face aux fuites de dépôts: elles ont fait appel aux diverses facilités de refinancement à hauteur de 300 milliards de dollars contre une moyenne de 15 milliards par semaine depuis le début de l’année. Ces emprunts restent élevés, mais la fuite des dépôts des banques vers les fonds monétaires ou d’autres instruments financiers qui proposent des taux de rendement plus attractifs s’est grandement modérée, avec la mise en place de garde-fou de la part des autorités fiscales et monétaires. Il ne s’agit pas d’un épisode comparable à la grande crise financière de 2008.

L'impact sur la croissance américaine pour la seconde partie de l’année

Les petites et moyennes banques représentent environ 40% des crédits accordés à l’économie américaine. Après cet épisode de stress bancaire, ces dernières ont déjà révisé leur politique de crédit à la baisse. Le multiplicateur du crédit aux Etats-Unis est évalué entre 0.3 et 0.5, c’est-à-dire qu’une réduction de l’octroi de crédits de 10 dollars, représente en moyenne une perte pour l’économie de 3 à 5 dollars. Les estimations du rythme de réduction supplémentaire du crédit restent pour l’instant des conjonctures, mais l’impact de cette crise bancaire pourrait coûter autour de 0.5 points de croissance. Ce faisant, un scénario de forte récession (hard landing) et de crise économique peut être écarté, tout comme celui d’un simple atterrissage en douceur de l’économie américaine (soft landing). Le scénario d’une récession d’ampleur modérée reste le plus probable pour la seconde partie de l’année.

Quels choix possibles pour la Fed?

Une pause dans le resserrement monétaire de la Fed est attendu à partir de l’été, puis un pivot aura lieu dans les prochains trimestres. En effet, l’inflation montre des signes de ralentissement même s’ils sont lents, tout comme la croissance des salaires. A ces éléments s’ajouteront le ralentissement de la demande impactée par la baisse des crédits. Toutefois, les circonstances dans lesquelles la Fed pivoteront auront un impact différent sur les marchés financiers. Un pivot «stabilisateur» (bull pivot), qui constituerait en quelques baisses de taux progressives dans le cas d’une récession modérée accompagnée d’une poursuite de la désinflation serait un soutien aux actifs risqués. A contrario, un pivot «récessionniste» (bear pivot), qui aurait lieu en période de forte récession et serait constitué de baisses de taux consécutives et rapides pour stabiliser l’économie serait négatif pour les actifs risqués et positif pour les obligations souveraines.

Quels actifs profiteront d’un pivot stabilisateur de la Fed?

Un pivot stabilisateur reste le scénario le plus probable à terme pour la Fed. Il serait salvateur pour les marchés actions, qui redeviendraient attractifs et dont les valorisations bénéficieront de la baisse des taux. Les titres cycliques devraient dans ce cas surperformer, et les titres de croissance devraient profiter de la baisse des taux.  Du côté obligataire, le crédit de qualité mais également le segment du haut rendement profiteront vraisemblablement de ce pivot dans un environnement de taux de défaut contenu. Le dollar devrait se modérer contre la plupart des devises, ce qui sera également un élément de soutien aux obligations émergentes.

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